Ce que nous avons appris : réflexions sur La Nature changeante du travail
Introduction du Président
Lorsque le Forum des politiques publiques a lancé son initiative de recherche « La nature changeante du travail » en juin 2018, plusieurs choses sont rapidement apparues :
La politique du travail avait été conçue pour un monde binaire dans lequel les individus étaient soit en emploi soit au chômage, soit scolarisés soit non scolarisés, soit à la retraite soit en activité. Mais les frontières étaient devenues floues et la politique devait rattraper son retard.
Les petits boulots rendaient les individus anxieux, mais le phénomène n’était en fait qu’une autre forme des liens effilochés entre employeurs.euses et employé.e.s. Pourtant, la précarité réclamait de l’attention.
L’argument selon lequel la technologie mettrait en péril des emplois – ou du moins des tâches dans des emplois – était vrai, mais il en était de même pour l’argument, moins mis en avant, de la montée de toute nouvelles catégories de travail. L’astuce consistait à s’assurer que le Canada obtienne sa part de ces possibilités liées à la technologie et qu’elles soient inclusives.
Finalement, le groupe consultatif de « La nature changeante du travail » a estimé que le domaine qui nécessitait l’attention la plus urgente était ce que nous avons appelé « le milieu désordonné ». Contrairement au système d’éducation linéaire ou au système de retraite pour les travailleurs.euses sortants, le terrain intermédiaire où les individus perdent leur emploi à cause de la rupture et ont besoin de soutien pour se recycler et se perfectionner manque de cohérence. Il ne s’agissait pas du tout d’un système, mais d’un mélange confus de programmes et de politiques, dont beaucoup étaient périphériques par rapport à l’objectif principal des institutions qui les mettaient en œuvre.
Comme si cela ne suffisait pas, la pandémie a frappé au beau milieu de ce remaniement. Bon nombre des tendances qui, selon nous, exigeaient une réforme au cours de la prochaine décennie sont arrivées prématurément.
Conscient de cela, le FPP a consulté à nouveau les auteurs.eures de notre étude « La nature changeante du travail » pour leur demander de réfléchir rapidement à la situation actuelle et aux mesures à prendre. Cela permet de réunir une fois de plus les divers points de vue de théoricien.ne.s et de praticien.ne.s issus du milieu universitaire, du monde du travail, de l’industrie et de la politique – dans le cadre de notre engagement à fournir un espace pour des conversations franches à partir de points de vue différents et pour parvenir à des conclusions. Nous sommes convaincus que leurs observations permettront de mieux éclairer les délibérations dans un domaine d’élaboration des politiques essentiel pour la prospérité, la sécurité, la résilience et la cohésion des Canadiens et Canadiennes.
Principaux participant.e.s et contributeurs.trices au projet
Réflexions : Les mécanismes de perfectionnement des talents canadiens sont plus essentiels que jamais
Le passage d’entreprises à forte prédominance de capital à des entreprises à forte prédominance de main-d’œuvre a entraîné des durées d’emploi de plus en plus courtes. Les entreprises mettent l’accent sur la recherche de talents expérimentés, et les travailleurs.euses possédant de bonnes compétences sont tellement sollicités que les entreprises cherchent de plus en plus à attirer les talents de leurs concurrents. Cela peut sembler positif pour les travailleurs.euses, mais il en résulte également un énorme groupe de Canadiens et Canadiennes très instruits et pourtant sous-employés qui ne possède pas les compétences recherchées par les employeurs.euses.
Dans ce contexte, de nouveaux mécanismes sont nécessaires pour garantir que les travailleurs.euses disposent des outils et du soutien nécessaires pour acquérir les compétences recherchées. Ces défis sont au cœur des préoccupations de l’organisme Palette Skills, qui conçoit des programmes de perfectionnement rapide nouveau genre répondant aux besoins de chaque région du pays. Notre objectif comporte trois volets :
1. Cerner les compétences recherchées que les entreprises ont du mal à combler.
2. Élaborer et mettre à l’échelle des programmes de perfectionnement des compétences destinés à combler ces besoins en compétences.
3. Veiller à ce que les travailleurs.euses combinent de bonnes compétences techniques, un sens aigu des affaires et de bonnes relations pour obtenir un emploi offrant des possibilités de croissance.
Nous sommes à l’avant-garde lorsqu’il s’agit de comprendre les voies et possibilités propres poursoutenir l’apprentissage et le perfectionnement professionnel tout au long d’une vie. À mesure que les décideurs.euses politiques cherchent de nouveaux outils pour répondre aux besoins en main-d’œuvre d’entreprises à fort potentiel, nous nous attendons à ce que les débats politiques sur des enjeux tels que la délivrance de microcertification, le rôle des établissements postsecondaires et l’obligation de l’industrie s’intensifient.
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Biographie
AJ Tibando est directrice générale de Palette inc. et associée au Brookfield Institute for Innovation + Entrepreneurship. Avant de lancer Palette inc., elle a cofondé SoJo, une jeune entreprise sociale dédiée à fournir au personnel enseignant et aux organismes à but non lucratif les outils et curriculums nécessaires pour former les entrepreneurs sociaux aspirant à démarrer une entreprise. Mme Tibando a commencé sa carrière au sein du gouvernement de l’Ontario comme analyste de politiques principale au ministère de la Formation, des Collèges et Universités, au ministère de la Recherche et de l’Innovation et au ministère des Services sociaux et communautaires. Elle détient un baccalauréat en science politique de l’Université de la Colombie-Britannique et une maîtrise en science politique de l’Université de Waterloo.
Arvind Gupta est PDG de Palette inc. et professeur en science informatique à l’Université de Toronto. Il a été recteur et vice-chancelier de l’Université de la Colombie-Britannique et fondateur, PDG et directeur scientifique de Mitacs Inc. M. Gupta a joué un rôle déterminant dans la mise sur pied du Pacific Institute for the Mathematical Sciences (PIMS) et de la Banff International Research Station in Mathematical Innovation and Discovery (BIRS). Il est également associé principal au Brookfield Institute for Innovation + Entrepreneurship et siège au conseil d’administration du Centre d’excellence pour la recherche Canada-Inde (IC-IMPACTS), de BIRS et de SimTrec.
Réflexions : Avant la COVID-19, de nombreux employeurs.euses s’engageaient en faveur de la santé, de la sécurité, de la diversité, de l’égalité, de l’inclusion, d’investissements dans des initiatives de perfectionnement des compétences, et de conditions de travail décentes pour les travailleurs.euses contractuels ou ceux/celles œuvrant dans leur chaîne d’approvisionnement. La crise sanitaire a mis en lumière les réussites remarquables des entreprises et les échecs pathétiques dans ces domaines.
Les investisseurs.euses ont pris les devants pour susciter le changement sur les marchés financiers afin d’inciter le redéploiement des capitaux vers des organismes qui créaient de la valeur pour les investisseurs.euses en proposant des innovations intéressantes, en instaurant un climat de confiance chez les client.e.s et en créant de la valeur pour les employé.e.s et la société. L’intégration de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement est une mégatendance menée par les investisseurs.euses mondiaux de long terme et accélérée par les organismes de réglementation de nombreux pays.
Les investisseurs.euses mondiaux ont ouvert la voie à une réglementation intelligente en matière de finance durable pour une reprise verte et juste. En l’absence d’un cadre réglementaire progressif, de l’argent sera disponible pour générer des rendements financiers en prenant de mauvaises décisions pour notre planète et nos concitoyen.ne.s.
Les décideurs.euses politiques ont une occasion unique de simplifier l’ensemble de règlements disparates en collaborant avec les chef.fe.s de file mondiaux pour mettre en place des cadres de divulgation communs et des politiques de financement durable similaires, ainsi qu’une occasion d’aider les entreprises canadiennes les plus touchées à retrouver ou à préserver leur accès aux capitaux, aux clients et aux talents mondiaux.
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Biographie
Associée directrice des Services consultatifs chez Ernst & Young Canada, Anne-Marie Hubert prodigue aux administrateur.rice.s et aux équipes de haute direction des conseils stratégiques en gouvernance, performance et gestion des risques.
Membre du conseil consultatif mondial d’Ernst & Young de 2007 à 2009 et du comité exécutif d’Ernst & Young Canada depuis 2009, Mme Hubert remet régulièrement en cause le statu quo pour qu’il soit plus facile pour tous d’offrir un service de qualité et de contribuer positivement à notre économie et à nos collectivités. Elle est membre du conseil d’administration de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), du Comité des affaires publiques de l’Institut Canadien des Comptables Agréés et de l’Ordre des comptables agréés du Québec.
En 2009 et 2010, elle a été choisie pour faire partie du Palmarès Top 100 des Canadiennes les plus influentes et a été nommée membre de l’Ordre du Canada en 2017.
Réflexions : La pandémie de COVID-19 nous a forcés à reconnaître que de nombreuses personnes ont du mal à garder le contrôle sur leur vie, comme en témoignent la prévalence et la visibilité accrues des enjeux de santé mentale et de toxicomanie. De même, de nombreuses personnes considérées comme « fonctionnelles » sont également hantées par le passé, insatisfaites du présent ou effrayées par l’avenir. Nous sommes collectivement plus traumatisés que nous ne voulons l’admettre.
Toute conversation sur l’avenir du travail doit tenir compte de la nécessité de soutenir la guérison des traumatismes individuels et collectifs. Nous devons imaginer des milieux de travail qui favorisent l’épanouissement personnel, la gratitude et le respect de la vie, tout en réduisant par la même occasion les risques de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété et de toxicomanie.
Voici un exemple simple : depuis des millénaires, pratiquement toutes les cultures ont reconnu l’importance des pratiques qui apaisent l’esprit, notamment la prière, la pleine conscience, la purification par la fumée, la méditation, etc. L’une des clés du véritable bien-être consiste à se rappeler qu’il existe une conscience plus vaste derrière les commentaires constants de notre esprit. Apprendre à apaiser l’esprit et à se connecter à cette conscience plus vaste est essentiel pour aller au-delà du simple fait d’être fonctionnel. Voilà ce qu’est la véritable santé mentale.
Le milieu de travail de l’avenir doit aborder l’activité productive comme une entreprise holistique qui soutient l’employé.e non seulement financièrement, mais aussi dans son cheminement vers la santé et le bien-être afin qu’il/elle soit entier, libre et épanoui.
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Biographie
Benoit-Antoine Bacon a commencé son mandat de cinq ans à titre de président et vice-recteur de l’Université Carleton le 1er juillet 2018. Il a auparavant occupé les postes de doyen et vice-recteur (académique) à l’Université Queen’s, et de doyen et vice-recteur aux affaires académiques à l’Université Concordia, dans sa ville natale de Montréal. M. Bacon a obtenu un doctorat en neuropsychologie à l’Université de Montréal. Ses recherches dans le domaine des neurosciences cognitives portent sur les liens entre les activités cérébrales et les perceptions dans les systèmes visuel et auditif, ainsi que sur l’intégration multisensorielle.
Réflexions : La seule évolution objective dans l’avenir du travail, et le changement qui a eu le plus de répercussions sur mes propres points de vue, a été la part croissante des personnes travaillant à domicile. Ce nouveau paradigme du milieu de travail fait preuve d’une flexibilité et d’une innovation remarquables. Il n’est pas certain que les entreprises conserveront tous les meilleurs aspects de ces changements, mais je pense néanmoins que de nombreux aspects seront mis à l’avant-garde : moins de déplacements, une plus grande flexibilité dans l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et davantage d’appels vidéo et de collaboration en face à face en raison des distances de plus en plus réduites. En revanche, je pense que la pandémie a également mis en évidence le caractère irremplaçable du bureau en tant que lieu social, où les gens ne se contentent pas de travailler ensemble, mais prennent plaisir à se parler, à nouer des amitiés, à imaginer et à innover en équipe, etc. L’avenir du travail a connu des limites extrêmes : d’une part, nous constatons une grande flexibilité dans le lieu de travail, mais d’autre part, nous voyons combien la colocation et l’interaction sont profondément nécessaires. Les décideurs.euses politiques peuvent répondre aux besoins de ce contexte en s’efforçant de trouver de toute urgence la combinaison de prestations et pensions transférables, de microformations et diplômes, et des indemnités pour travail international qui nous permettra de profiter de tous les éléments les plus positifs de la révolution du travail à domicile, et ce, tout en tirant parti des avantages collectifs du lieu de travail en présentiel.
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Biographie
Peter Loewen est professeur à la Munk School of Global Affairs and Public Policy et au département de sciences politiques de l’Université de Toronto. Il est également directeur associé, Engagement mondial, à la Munk School. Ses intérêts portent sur comment les politicien.ne.s peuvent prendre de meilleures décisions, comment les citoyen.ne.s peuvent faire de meilleurs choix, comment les gouvernements peuvent réagir aux technologies de rupture et exploiter leur potentiel, et sur la politique de la COVID-19.
Il a publié des articles dans des revues de renom qui traitent de sciences politiques, d’économie, de psychologie, de biologie et de sciences en général, ainsi que dans des journaux populaires comme le Washington Post, le San Francisco Chronicle, le Globe and Mail, le National Post et le Ottawa Citizen. Ses recherches ont été financées par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), le Conseil européen de la recherche, le gouvernement de l’Ontario et bien d’autres organismes. Il participe régulièrement à des débats publics et agit à titre de consultant auprès de plusieurs organismes publics et privés.
Blake Lee-Whiting est étudiant au doctorat dans le département de sciences politiques de l’Université de Toronto, et chargé de recherche du Policy, Elections, and Representation Lab (PEARL) à la Munk School of Global Affairs and Public Policy. Ses recherches portent sur la politique canadienne, les attachés politiques et les effets perturbateurs de la technologie.
Réflexions : Au cours des trois dernières décennies, les politiques en milieu de travail, autant publiques que privées, ont mis l’accent sur l’augmentation des richesses et de la rémunération de ces quelques-un.e.s d’entre nous qui en ont déjà assez, et ce, tout en érodant les revenus, les avantages et la sécurité de la retraite de la plupart des gens qui en payent le prix.
Sans le dire explicitement, je crois que bon nombre des personnes qui se penchent sur l’avenir du travail dans le cadre de ce processus sont à la recherche de quelque chose de mieux. Et nous devons faire mieux pour nos citoyen.ne.s et nos travailleurs.euses si nous voulons une économie concurrentielle à forte valeur ajoutée dans un monde post-carbone.
Quelle est la chose la plus importante que les gouvernements devraient faire pour promouvoir un meilleur avenir pour le monde du travail?
Je suggère une modernisation commune et multijuridictionnelle des normes et du droit du travail du Canada, depuis longtemps désuets.
Aider à sevrer les employeurs.euses d’une dépendance insoutenable et socialement indésirable à l’égard de la main-d’œuvre bon marché (comme, par exemple, les restaurants qui servent des steaks à 100 $, mis sur la table par des serveurs qui vont ensuite dans des banques alimentaires pour nourrir leur famille).
Permettre aux gens de s’aider eux-mêmes, en s’organisant et en négociant avec un certain espoir d’amélioration.
Et rédiger des règles actuelles, justes et réalistes pour aider les gens dans une économie à la demande en pleine expansion, c’est-à-dire des règles qui préservent ce que les gens aiment dans cette économie, tout en réalisant des progrès dans la correction de ses dysfonctionnements.
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Biographie
Brian Topp est associé du Forum des politiques publiques, partenaire chez KTG Public Affairs et occupe un emploi précaire au sein d’un groupe de professeurs autrement exemplaires à la nouvelle École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill. Il a récemment fait partie du comité consultatif du gouvernement du Canada sur l’ALENA. M. Topp a été chef de cabinet de la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, et chef de cabinet adjoint du premier ministre de la Saskatchewan, Roy Romanow. M. Topp est né à Montréal, est diplômé de l’Université McGill et vit à Toronto.
Réflexions : Mon point de vue sur l’avenir du travail n’a pas changé autant que je l’aurais cru, compte tenu de l’expérience vécue pendant la pandémie et de la façon dont les collèges et les entreprises se sont adaptés à une réalité de service et de travail à distance.
Nous avons été témoins et avons réalisé des progrès dans l’utilisation de la technologie dans le travail, le commerce et la gouvernance, pour n’en citer que quelques-uns, une trajectoire qui était déjà en cours et qui a été accélérée par la pandémie mondiale.
Ce modèle hybride de travail et d’apprentissage se poursuivra, mais je m’attends à ce qu’une majorité d’activités s’effectuent davantage en présentiel, contrairement à ce que l’on avait d’abord pensé en pleine pandémie.
L’enseignement collégial est bien plus que des études conventionnelles et les interactions en présentiel – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle de classe – sont souvent l’un des éléments les plus importants et les plus marquants de l’acquisition de compétences et de connaissances. La technologie ne remplacera pas ces riches éléments d’expériences en présentiel dans les laboratoires, les ateliers et les milieux de travail.
L’éducation, tout comme le monde des affaires, développera probablement de meilleures pratiques grâce à la technologie et verra se développer un modèle hybride et flexible qui répond à la variété des préférences des étudiant.e.s, des parties prenantes et des partenaires. Ces environnements flexibles offriront aux employé.e.s qui préfèrent un horaire de travail hybride la possibilité de travailler à l’extérieur du bureau ou de travailler tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bureau.
Les décideurs.euses politiques doivent s’assurer de ne pas trop réagir au battage autour du modèle de travail à distance et d’adopter une approche équilibrée qui réponde aux fonctionnements plus traditionnels, hybrides, flexibles et qui permette une future adaptation stimulée par la technologie et le comportement humain.
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Biographie
Don Lovisa est président du Collège Durham, un poste qu’il a occupé au cours des 12 dernières années d’une carrière de plus de 30 ans dans l’enseignement postsecondaire.
M. Lovisa est un ardent défenseur du système collégial et de la transformation des vies au moyen de l’apprentissage, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle de classe. Il estime que le succès du Collège Durham est attribuable à son dévouement envers les étudiant.e.s, à ses employé.e.s et à ses liens solides avec la collectivité.
M. Lovisa est considéré comme un chef de file au sein du système collégial et de la communauté provinciale et nationale dans son ensemble. Il est actuellement directeur du conseil d’administration de Collèges et instituts Canada (CICan), ancien président de Collèges de l’Ontario (CO), et membre du comité d’éducation de la Black North Initiative (BNI).
Réflexions : L’avenir du travail dépend de l’avenir des travailleurs.euses – nous ne pouvons pas dissocier les deux. La façon dont les travailleurs.euses sont traités et leur capacité à s’assurer de bons revenus et de bonnes prestations devraient être au cœur des discussions sur l’avenir du travail. En faisant cela, nous réalisons que nous avons à notre disposition des mécanismes politiques, réglementaires et législatifs qui peuvent garantir que le travail soit synonyme de dignité.
Au cours des dernières années, les conversations sur l’avenir du travail ont été marquées par un sentiment d’inéluctabilité – la mondialisation de la main-d’œuvre, les changements technologiques et l’automatisation signifient qu’il y aura de plus en plus d’inégalités sur le marché du travail de notre pays. Cependant, il n’y a rien d’inévitable dans tout cela. La façon dont les travailleurs.euses sont traités et rémunérés reflète les normes et réglementations qui façonnent le monde du travail. Si nous voulons un avenir meilleur pour les travailleurs.euses, nous devons avoir le courage d’établir des normes d’emploi et des protections plus strictes.
Les règles qui façonnent le monde du travail sont également essentielles pour l’avenir de notre filet de sécurité sociale. Lorsque les travailleurs.euses font face à une perte d’emploi ou ne peuvent pas travailler, nous devons nous assurer que nous disposons d’une diversité de soutiens et de services publics solides auxquels les travailleurs.euses et leurs familles peuvent accéder facilement.
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Biographie
Garima Talwar Kapoor est directrice des politiques et de la recherche à Maytree, une fondation déterminée à trouver des solutions pour éliminer la pauvreté par l’entremise d’une approche axée sur les droits de la personne. Avant de rejoindre Maytree, Mme Kapoor a passé plusieurs années dans la fonction publique de l’Ontario, où elle a occupé des postes de plus en plus importants. Ses travaux visent à comprendre comment l’évolution du marché du travail et de l’économie influe sur la santé de la population et sur notre tissu social, et ont contribué à l’élaboration d’initiatives politiques susceptibles de renforcer le système de sécurité du revenu. Mme Kapoor est motivée par la passion de comprendre comment les organismes de la société civile, les gouvernements et l’industrie privée peuvent travailler de concert pour renforcer les collectivités partout au Canada. Mme Kapoor est titulaire d’une maîtrise en santé publique de l’Université de Toronto et d’un baccalauréat en gestion des affaires publiques et des politiques de l’Université Carleton.
Réflexions : La chose la plus importante que j’ai apprise est la suivante : l’avenir du travail semble compliqué. De nombreuses personnes éclairées et intelligentes ont des idées différentes sur ce à quoi ressemblera l’avenir du travail. Je ne suis pas sûr de savoir qui a raison et je suis également certain que, même si j’apprécie l’éventail et la diversité des opinions exprimées, ce ne sont que des opinions. Je ne suis pas convaincu qu’une personne ait le monopole de la réalité future ou que nous disposions d’un fondement probatoire solide pour les différents points de vue sur la façon dont le monde du travail sera différent à l’avenir. Mais je suis sûr d’une chose. Il sera différent. Alors, comment agir, préparer et élaborer des politiques dans ce monde imprévisible, dynamique et volatile? Nous permettons à toute une série d’idées, de politiques et de solutions potentielles différentes de prospérer et d’être essayées. Plus précisément, nous accueillons celles qui semblent vraiment farfelues ou vraiment différentes, car, qui sait, ce sont peut-être les bonnes. Certaines fonctionneront, d’autres pas. Mais ce point de vue souligne la nécessité d’une évaluation rigoureuse, disciplinée et complète pour savoir si les choses que nous essayons permettent effectivement d’obtenir les résultats escomptés. Cela exige une certaine tolérance à l’égard des échecs et des flops, ce qui est très difficile à accepter dans la realpolitik actuelle, compte tenu de la façon dont les gouvernements fonctionnent, de la façon dont nous finançons et utilisons les fonds publics et de la façon dont nous sommes censés être tenus responsables.
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Biographie
Harvey P. Weingarten est directeur de la School of Applied Health Sciences au Michener Institute of Education (faisant partie du Réseau universitaire de santé), ainsi qu’agrégé supérieur à l’Institut C.D. Howe. Il a été auparavant vice-recteur principal et doyen de l’Université McMaster, président et vice-chancelier de l’Université de Calgary, et président-directeur général du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur.
Réflexions : J’espère que l’avenir du travail continuera d’évoluer, tout comme la façon dont nous apprécions les contributions des gens. Les pratiques sont en perpétuelle évolution. Les entreprises recrutent pour les bonnes aptitudes et compétences plutôt que pour la bonne personne et le bon diplôme. Les chercheurs.euses d’emploi recherchent des entreprises qui correspondent à leurs valeurs et qui font preuve de diversité et d’inclusion.
La mesure la plus importante à prendre, à mon avis, par les décideurs.euses politiques engagés dans l’avenir du travail concerne l’éducation. L’avenir du travail, c’est notre jeunesse. Il existe de réels obstacles aux possibilités dans le système d’éducation de la maternelle à la 12e année et dans le système d’éducation postsecondaire. Par exemple, dans les écoles publiques, les exigences en matière de littératie et l’accès à des expériences de travail communautaire doivent être appliqués de façon cohérente dans la filière de l’éducation spécialisée afin que tous les étudiant.e.s obtiennent leur diplôme avec de meilleures options pour leur avenir. Les taux d’emploi des diplômé.e.s postsecondaires en situation de handicap devraient être communiqués, afin de garantir l’accès aux stages et aux services d’information sur les carrières. Les professionnel.le.s formés à l’extérieur du Canada devraient avoir plus de facilité à obtenir des équivalences, ce qui leur garantirait l’accès aux emplois qui nécessitent et correspondent à leurs compétences.
Nous devons changer les politiques et les systèmes qui créent des obstacles, afin que chacun.e ait accès à l’emploi, que le Canada attire et retienne les meilleurs talents et que nous restions concurrentiels sur la scène mondiale.
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Biographie
Jeannette Campbell est présidente-directrice générale du Réseau ontarien d’emploi pour les personnes handicapées (ODEN). Mme Campbell croit passionnément au secteur sans but lucratif et à sa capacité de faire progresser la sensibilisation, les possibilités et l’éducation en matière de handicap et d’accroître l’inclusion. Depuis plus de 20 ans, Mme Campbell fait preuve de leadership dans le domaine des services, de la conception de programmes, de l’évaluation et du développement de partenariats avec des établissements d’enseignement, des organismes de services, tous les ordres de gouvernement et les parties prenantes du secteur privé.
Réflexions : Il est impossible de parler de l’avenir du travail sans parler de son présent ainsi que des répercussions massives de la COVID-19 sur le marché de l’emploi et sur la vie des travailleurs.euses. Comme l’ont dit à maintes reprises des personnes plus sages que moi, la COVID-19 n’a pas tant créé de nouvelles inégalités économiques mais plutôt révélé l’ampleur de celles qui existaient depuis longtemps. En ce qui me concerne, deux d’entre elles sont particulièrement dignes de mention : les divisions dans le travail lié aux soins et les divisions dans les formes de travail conventionnelles et non conventionnelles. Certains travailleurs.euses ont eu du mal à maintenir à la fois un travail rémunéré tout en agissant comme soignant.e.s non rémunéré.e.s, tandis que d’autres, largement libérés de leurs responsabilités de soignant.e, ont réussi à augmenter leurs heures de travail et leurs revenus. D’autres travailleurs.euses employés pour prodiguer des soins rémunérés aux plus jeunes ou aux personnes âgées ont dû se battre pour protéger leur propre bien-être sans bénéficier d’une compensation ou d’une sécurité d’emploi adéquate. Alors que le terme « travail à la demande » est désormais sur les lèvres de nombreux politicien.ne.s, la réalité est que les plateformes numériques n’ont inventé ni le contrat de travail dépendant, ni le cumul d’emplois, ni le mélange d’un travail indépendant et d’un emploi pour joindre les deux bouts. Nous devrions plutôt mettre l’accent sur les caractéristiques du travail précaire et des revenus, qui sont à la fois faibles et volatils, rendant ainsi les travailleur.euses fréquemment vulnérables aux chocs économiques. Et aucune de ces tendances ne peut être correctement comprise sans l’adoption d’un prisme intersectionnel, car le sexe et la race renseignent à suffisance sur ceux/celles qui subissent ces inégalités. Pour ce qui est de l’avenir, il y a longtemps que nous devons procéder à une réforme de l’assurance-emploi et à une réforme qui cesse de supposer implicitement que seul un type de travailleur.euses, strictement parlant, méritent un filet de sécurité.
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Biographie
Jennifer Robson est une professeure agrégée en gestion politique à l’Université Carleton, où elle enseigne des cours sur les politiques publiques et les méthodes de recherche. Elle détient un doctorat en politique publique et des grades en sciences politiques et en psychologie. Ses champs de recherche incluent la politique sociale et fiscale, la pauvreté au Canada et l’administration publique. Avant de se joindre à l’Université Carleton, elle a occupé un certain nombre de postes dans le domaine des politiques et de la recherche dans les secteurs public et à but non lucratif au Canada. Elle a été directrice de politique à l’organisme sans but lucratif SEDI (maintenant Prosper Canada) après avoir travaillé dans la fonction publique fédérale. Mme Robson a également été membre du Groupe consultatif sur les dépenses fiscales auprès du ministre des Finances (2016) et a été membre du Comité national de recherche sur la littératie financière à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (entre 2015 et 2018). Elle offre des conseils sur le nouveau programme de leadership en matière de politiques publiques.
Réflexions : Notre économie est en train d’opérer une mutation nécessaire pour soutenir les efforts déployés depuis longtemps et lutter contre les changements climatiques. Il s’agit d’un débat qui dure depuis des décennies. Nous savions tou.te.s que cela arriverait, mais le rythme de l’évolution prend beaucoup de gens au Canada au dépourvu. La façon dont nous préservons et protégeons les bons emplois – les emplois syndiqués – par l’entremise de ces changements technologiques au sens large, doit être au centre des discussions des décideurs.euses politiques.
Les gouvernements commencent enfin à reconnaître le rôle qu’ils doivent jouer pour façonner l’avenir du travail afin de créer des possibilités, de soutenir les industries dont le Canada a besoin pour tenir ses engagements climatiques et de relever le niveau des travailleurs.euses grâce à des lois du travail et des normes d’emploi solides.
Si la pandémie nous a appris quelque chose, c’est que nos travailleurs.euses les plus essentiels sont sous-payés et soumis à des normes de travail minimales. On nous rappelle également que les gouvernements sont en mesure de mettre en place des politiques pour protéger les populations et orienter notre économie vers la voie d’une reprise équitable, inclusive et résiliente.
Cela va des stratégies industrielles à l’accélération des investissements dans nos secteurs de la fabrication, de la transformation et des ressources, en passant par un salaire minimum plus élevé, des négociations multipartites, des normes d’emploi plus strictes et une loi antibriseurs.euses de grève.
Il n’existe pas de politique unique pour façonner l’avenir du travail. Si le Canada veut réaliser l’avenir que nous méritons tou.te.s, nous devons décider où nous voulons aller, planifier et prendre des mesures.
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Biographie
Élu premier président national d’Unifor en août 2013 lors du congrès de fondation du syndicat, Jerry Dias a été réélu à son poste en 2016 et 2019. En tant que plus grand syndicat du secteur privé au Canada, Unifor compte plus de 315 000 travailleurs.euses dans tous les grands secteurs de l’économie canadienne.
M. Dias a été nommé à deux reprises parmi les 50 personnes les plus influentes du pays par Maclean’s, notamment en 2013 et plus récemment en 2020. Il a été qualifié de « col bleu à 5 milliards » par le Financial Post, de l’une des personnes les plus redoutables du pays par Sun News, et de dirigeant syndical le plus influent du Canada par Ottawa Life. Il a également été nommé vedette de l’actualité de l’année par le Toronto Star Wheels en 2016 et 2020, l’un des acteurs politiques les plus influents de 2018 par Don Martin de CTV, et a été nommé plusieurs fois comme étoile par Automobile News.
Réflexions : Pour assurer un avenir du travail radieux, la priorité n’est pas de mettre l’accent sur l’apprentissage de compétences techniques particulières (comme le codage dans un langage de programmation particulier, ou toute autre spécialisation technologique étroite et probablement transitoire). Nous devrions plutôt mettre l’accent sur le soutien et l’amélioration de la qualité du travail dans des secteurs où seront créés, au cours des prochaines décennies, bien plus d’emplois que dans les professions de haute technologie. Deux catégories d’emplois domineront la croissance de l’emploi futur : la fonction publique et les services de soins, et les services du secteur privé (notamment le commerce de détail, l’hôtellerie et les transports). La première catégorie nécessite un financement et des réglementations stables afin de s’assurer que l’éducation, les soins de santé, les soins aux personnes âgées, les services aux personnes en situation de handicap, les services de garde d’enfants et d’autres services à la personne soient fournis dans le respect des normes de qualité élevées, et que d’excellents emplois soient créés. Ce dernier point nécessite des interventions réglementaires pour améliorer la qualité des emplois : notamment des salaires minimums plus élevés, de meilleures exigences en matière de formation professionnelle et de parcours de carrière, et la syndicalisation. En bref, l’avenir du travail dépend moins de la technologie que des choix que nous faisons en tant que société pour valoriser et protéger le travail et les personnes qui l’exercent. À ce titre, le déploiement complet du nouveau programme fédéral-provincial d’éducation de la petite enfance est une politique qui pourrait avoir des répercussions positives et énormes sur l’avenir du travail. Ce programme permettrait de créer jusqu’à 200 000 emplois dans les services de garde d’enfants (et avec un financement adéquat et une réglementation des diplômes, ces emplois pourraient être de bonne qualité). Ce programme soutiendra 750 000 participantes ETP supplémentaires sur le marché du travail, créant ainsi d’énormes possibilités de maintenir et d’accroître l’emploi alors que le vieillissement démographique de la population active se poursuivra au cours des deux prochaines décennies. Ce programme permettra également de doter les enfants de compétences cognitives et sociales plus solides, dans la mesure où il est prouvé qu’elles améliorent leur employabilité et leurs revenus tout au long de leur vie professionnelle. Ce n’est là qu’une façon concrète, pragmatique et efficace de soutenir de bons emplois à l’avenir : en valorisant mieux le travail et en soutenant mieux les travailleurs.euses, plutôt qu’en étant obsédé par la technologie. Les gouvernements provinciaux ne devraient pas laisser passer cette occasion.
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Biographie
Jim Stanford est économiste et directeur du Centre for Future Work, et professeur Harold Innis Industry en économie à l’Université McMaster. Il partage son temps entre Sydney, en Australie, et Vancouver.
4 thèmes interdépendants :
1. Les tendances accélérées de l’avenir du travail, p. ex. l’accroissement de l’automatisation et de l’intelligence artificielle, l’évolution des marchés et l’évolution des rôles en milieu de travail. Les employeurs.euses et les employé.e.s doivent déterminer plus tôt que prévu comment et où ils/elles s’intègrent.
2. L’adoption du numérique et un besoin accru de compétences numériques. Tous les milieux de travail et les emplois, notamment les emplois peu qualifiés et « pratiques », requièrent certaines compétences numériques. Les employeurs.euses et les employé.e.s doivent posséder les compétences nécessaires pour faciliter cette évolution et s’adapter aux milieux de travail en constante évolution.
3. Une demande accrue de compétences cognitives et d’adaptabilité, autrement dit de « compétences non techniques ». Des compétences telles que la communication, le leadership et la pensée critique sont essentielles dans des milieux de travail en constante évolution. Les employeurs.euses sont encore en train d’apprendre comment recruter et former leurs employé.e.s à ces compétences. Les employé.e.s apprennent encore comment répondre à cette demande. Le recyclage et le perfectionnement professionnels sont essentiels.
4. De meilleurs soutiens sont essentiels pour une participation inclusive. La pandémie a mis en lumière les personnes qui ont toujours été les plus exposées au risque d’être laissées pour compte dans l’avenir du travail. Il faut faire davantage pour améliorer les perspectives d’emploi pour ces personnes.
Il s’agit d’enjeux complexes qu’aucune mesure individuelle ne peut traiter. L’une des mesures fondamentales pour soutenir les quatre thèmes est la suivante :
Accélérer l’infrastructure numérique pour l’accès à Internet à haut débit, notamment l’accès à la large bande, tout en donnant la priorité aux collectivités mal desservies.
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Biographie
Kevin Ramnarine se passionne pour la promotion de l’innovation et du changement. Il a débuté sa carrière chez Business Link, où il accompagnait les entrepreneurs.euses dans le lancement, la croissance et l’expansion de leur entreprise. M. Ramnarine a ensuite rejoint la fonction publique en 2013 au sein du gouvernement de l’Alberta et a fait ses preuves en s’attaquant à des problèmes épineux tels que l’égalité des sexes, le changement climatique et l’avenir du travail. Il a également joué un rôle clé dans l’élaboration du plan du gouvernement de l’Alberta pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En tant que directeur de la sécurité économique au sein d’Alberta Status of Women, il a dirigé une équipe chargée de créer des partenariats entre les organisations communautaires, les entreprises du secteur privé et les gouvernements afin de promouvoir la sécurité économique des femmes et des populations vulnérables. Dans le cadre de ses fonctions actuelles de gestionnaire des politiques dans l’agence Développement économique Canada pour les Prairies, il travaille sur un large éventail de questions socio-économiques et a joué un rôle déterminant dans la conception de la politique du Fonds régional de secours et de redressement du ministère, destiné à soutenir les petites entreprises touchées par la pandémie de COVID-19. M. Ramnarine se consacre à l’apprentissage tout au long de la vie. Il est titulaire d’une maîtrise en gestion des affaires internationales et est un professionnel agréé en ressources humaines.
Réflexions : L’avenir du travail n’a jamais été un point statique dans le temps ou un processus que nous pouvons simplement étudier et sur lequel nous pouvons faire des prédictions : l’avenir du travail est en constante évolution et, peut-être plus que jamais, au cours des trois dernières années, il est devenu de plus en plus clair que nous devons faire preuve de dynamisme dans l’évaluation des avantages ou des compromis de certaines innovations susceptibles d’être présentées comme étant « l’avenir du travail ». J’ai constaté que la complaisance est une attitude de plus en plus dangereuse lorsqu’il s’agit d’évaluer l’avenir des travailleurs.euses. En effet, nous cessons d’être critiques et notre société accepte les messages qui alimentent notre marché du travail, à savoir ce qui est fait au lieu de ce qui est possible pour offrir des possibilités on ne peut plus équitables à tou.te.s. La complaisance est plus dangereuse lorsque nous cessons d’écouter les voix des travailleurs.euses; souvent, ceux/celles qui peuvent le plus bénéficier du fait que leurs voix soient entendues sont souvent les plus réduits au silence. Les décideurs.euses politiques ne peuvent pas tolérer la complaisance lorsqu’il s’agit d’écouter les voix des travailleurs.euses – les voix évoluent constamment et les processus de collecte de ces renseignements doivent donc s’adapter constamment aux besoins des travailleurs.euses.
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Biographie
Laura Lam est doctorante au Centre for Industrial Relations and Human Resources de l’Université de Toronto, où elle est titulaire d’une bourse d’études supérieures du Canada Joseph-Armand-Bombardier. Elle est également chercheuse à la Chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC) sur la migration et l’intégration et sa recherche porte sur le lien entre la migration, l’emploi précaire et le genre, avec un accent sur l’utilisation de plateformes numériques de travail basées sur des applications. Elle a obtenu une maîtrise en études sur l’immigration et l’établissement à l’Université X.
Sa recherche actuelle a trait à l’étude des effets du travail atypique et précaire sur le marché du travail canadien, avec un accent particulier sur les populations migrantes. De plus, elle a mené et publié des recherches sur les répercussions du financement du capital-risque sur le bien-être de la société et a collaboré avec des chercheurs.euses sur un projet ethnographique qualitatif visant à comprendre les trajectoires d’emploi des femmes migrantes entrepreneuses.
Mme Lam a déjà travaillé dans le domaine du marketing pour diverses entreprises en démarrage et accélérateurs technologiques, et elle est actuellement copropriétaire d’une entreprise sociale axée sur l’emploi. Elle est également coach d’affaires bénévole pour des femmes entrepreneuses à Toronto et participe activement à des initiatives de lutte contre la traite des personnes au Canada.
Réflexions :
Cette perspective a changé considérant que plusieurs phénomènes, présents en partie au cours des années précédentes, se sont accentués au cours des trois dernières années. Il s’agit principalement de l’accélération des changements technologiques (4ième révolution industrielle) et des changements climatiques, lesquels affectent positivement certaines professions et négativement d’autres, et qui demandent notamment un soutien accru de l’État en matière de formation continue des travailleurs. Et il y a le ralentissement démographique qui, combiné à la croissance économique, entraîne un phénomène de rareté de main-d’œuvre dont témoigne notamment la hausse du nombre de postes vacants dans les entreprises. Enfin, la pandémie a entraîné certains autres changements comme un développement important du télétravail.
Consacrer les efforts requis pour :
1. bien diagnostiquer l’état de situation actuel et prévisible, par profession et par secteur d’activité économique, et documenter les angles morts,
2. bien accompagner les travailleurs qui ont perdu leur emploi ou qui risquent de le perdre en raison de ces changements afin de les réintégrer en emploi,
3. effectuer des interventions auprès des entreprises pour les soutenir dans la formation de leurs travailleurs, afin que les compétences de ces derniers s’ajustent à l’évolution des besoins, et que leurs pratiques de gestion de leurs ressources humaines (ex. : politiques de recrutement, de rétention, d’ouverture à la diversité, etc.) soient en phase avec les nouvelles réalités du marché du travail, et
4. élaborer les politiques d’emploi en s’associant avec les acteurs du marché du travail (ex. : représentants d’associations patronales et syndicales, représentants des établissements de formation, représentants des organismes spécialisés en employabilité).
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Remerciements
Un grand merci à Patrick Gauthier, Directeur de la Direction des relations intergouvernementales et des mandats spéciaux au Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec, pour cette soumission à la part de M. Montminy-Munyan.
Réflexions : Grâce au projet La nature changeante du travail, j’ai eu l’occasion de mieux comprendre la façon dont différentes forces remodèlent le marché du travail au Canada et ce que cela signifie pour notre économie et notre société.
Je pense qu’il y a deux principaux éléments à retenir. Le premier est que le discours portant sur « l’automatisation galopante » que l’on trouve couramment dans les médias ou dans certains cercles politiques n’est pas tout à fait exact – ou du moins est plus compliqué qu’on ne le dit souvent. Bien qu’il y ait eu des bouleversements induits par la technologie sur le marché du travail (notamment dans le secteur manufacturier), l’idée que les robots produiront bientôt un surplus massif de main-d’œuvre semble hautement improbable. La vérité est que la productivité du travail, qui est un bon indicateur de l’adoption technologique, a pratiquement stagné. Il y a tout lieu de penser que nous avons davantage besoin d’automatisation plutôt que d’en avoir moins besoin, notamment dans les secteurs et les professions à faibles salaires. Ce sera d’autant plus impératif, dans la mesure où les pénuries de main-d’œuvre induites par le vieillissement démographique constituent un grand défi économique pour le pays.
Le deuxième élément que je retiens est que notre marché du travail se polarise en fonction du niveau des compétences. Le marché du travail était autrefois égalitaire, la plupart des emplois étant concentrés dans la répartition des compétences et autour de celles-ci. Pourtant, depuis une vingtaine d’années, la part relative des professions moyennement qualifiées a diminué et une augmentation de la croissance a été observée aux deux pôles de la répartition des compétences, à savoir les emplois peu qualifiés et les emplois hautement qualifiés. Ce que l’on appelle la « classe moyenne déclinante » ou l’« économie en sablier » a diverses conséquences socio-économiques, notamment l’inégalité des revenus et la scission des expériences et des points de vue au sein de l’économie.
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Biographie
Sean Speer est actuellement chercheur en résidence et Boursier des premiers ministres du Canada au Forum des politiques publiques. M. Speer est également professeur adjoint à la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto. Il a occupé le poste de conseiller économique principal pour l’ancien premier ministre Stephen Harper.
Réflexions : Lorsque notre rapport sur La nature changeante du travail a été publié pour la première fois en décembre 2019, la pandémie était encore à quelques mois de frapper le Canada. Pourtant, la crise financière personnelle que beaucoup ont cru voir arriver avec la pandémie battait déjà son plein.
Plusieurs des recommandations que nous avons formulées dans notre rapport sont devenues encore plus pressantes. Œuvrer à une définition pancanadienne des termes « travailleur.euse vulnérable » et de « milieu de travail précaire »; suivre et évaluer les données sur les travailleurs.euses vulnérables et les milieux de travail précaires; établir un processus régulier d’examen du travail en consultation avec les employeurs.euses, les employé.e.s et les groupes syndicaux; et créer une « banque de prestations » transférables.
La seule chose que nous n’avons pas réclamée est un revenu de base. Le climat politique dans lequel nous écrivions ne permettait pas d’espérer que cette idée prospère de sitôt, mais elle a pris de l’ampleur pendant la pandémie.
Jusqu’à présent, le Canada a connu trois programmes de type revenu de base à l’échelle nationale. L’Allocation canadienne pour enfants (ACE) – un revenu de base pour les enfants et leurs familles; le Supplément de revenu garanti (SRG) – un revenu de base pour les aîné.e.s à faible revenu; et la Prestation canadienne d’urgence (PCU) – un revenu de base pour les travailleurs.euses salariés et indépendants touchés par la COVID-19. Ensemble, ces trois programmes ont déjà amélioré la vie d’environ un Canadien ou Canadienne sur trois.
Le revenu de base est une politique qui prend au sérieux l’imprévisibilité de l’avenir du travail. Il permet de reconnaître qu’à l’ère des perturbations, nous n’avons tout simplement pas toutes les réponses quant à la direction que prendra l’économie.
Il est clair pour la plupart d’entre nous que l’ancienne économie ne reviendra pas. Aucun rafistolage ponctuel ne permettra de revenir en arrière. Il est temps d’adopter une nouvelle approche.
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Biographie
Fondatrice de Lubowitz Consulting, Theresa Lubowitz croit en l’importance de travailler pour des causes et des organisations progressistes tournées vers l’avenir qui visent à rendre le monde meilleur. Forte d’une décennie d’expérience en tant que professionnelle des communications dans le secteur public, elle a mené avec succès des campagnes de marketing, des programmes de politiques publiques et des campagnes de financement de grande envergure. Mme Lubowitz est titulaire d’un baccalauréat en philosophie avec mineure en sociologie de l’Université d’Ottawa et habite actuellement à Toronto.
Réflexions : Au cours des trois dernières années, mon point de vue sur l’« avenir » du travail m’a permis de mieux apprécier la façon dont les innovations telles que l’IA tendent à compléter et non à remplacer la main-d’œuvre. Cela a contribué à apaiser certaines inquiétudes fondamentales. Je suis heureuse de constater que nous parlons moins de « robots » et davantage des tendances liées à l’automatisation, aux algorithmes, à la proportionnalité et à la surveillance.
Je vais être honnête – les débats sur le perfectionnement et l’apprentissage tout au long de la vie me rendent très anxieuse. Je me demande si nous ne mettons pas trop l’accent sur les interventions du côté de l’offre, plutôt que du côté de la demande. Les microcertifications et autres nouvelles interventions [qui coûtent de l’argent] abaissent-elles les obstacles à l’entrée pour les chercheurs.euses d’emploi ou l’augmentent-elles? Sommes-nous assez exigeants envers les employeurs.euses lorsqu’il s’agit d’investir dans leurs travailleurs.euses ou d’encourager les Canadiens et Canadiennes à payer davantage de leur poche pour avoir une chance de trouver un nouvel emploi?
Pour l’instant, j’aimerais que les décideurs.euses politiques reconnaissent les dangers du travail à médiation algorithmique, que ce soit à partir d’une application mobile, dans des entrepôts d’usine ou des centres d’appels, etc. Pour combiner deux clichés alarmants, je pense qu’il s’agit d’une « zone grise » et d’un « Far West » où la souffrance des travailleurs.euses échappe à notre regard. Les décideurs.euses politiques sont peut-être trop détachés des systèmes qui surveillent et quantifient les personnes au travail, qui poussent les travailleurs.euses au bord du gouffre et les traitent comme ces mêmes « robots » que les débats sur l’avenir du travail évoquaient autrefois. L’avenir du travail est là, et il n’est pas uniformément réparti. Les politiques doivent immédiatement rattraper leur retard. C’est notre travail.
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Biographie
Vass Bednar est directrice exécutive du programme de politique publique pour la société numérique de l’Université McMaster et membre du Forum des politiques publiques. Elle est une entrepreneuse pluridisciplinaire qui s’emploie à assurer que nous ayons les structures réglementaires nécessaires pour accueillir à bras ouverts l’avenir du travail et de nouveaux modes de vie. Perpétuelle étudiante remplie d’enthousiasme pour le processus d’élaboration des politiques, elle a occupé des postes de direction à Delphia, Airbnb, Queen’s Park, ainsi qu’à la Ville de Toronto et à l’Université de Toronto. Connue pour être une penseuse créative axée sur les données, Mme Bednar a présidé le Groupe d’experts sur l’emploi chez les jeunes du gouvernement fédéral. Diplômée du programme d’arts et de science de l’Université McMaster, Mme Bednar est titulaire d’une maîtrise en politique publique de l’Université de Toronto et a terminé avec succès les programmes de bourses d’Action Canada et de Civic Action DiverseCity. Passionnée par le dialogue public, elle a également coanimé « Detangled », une émission de radio et un balado hebdomadaires sur la culture pop et la politique publique diffusé entre 2016 et 2018. Elle rédige actuellement un bulletin sur les jeunes pousses canadiennes et la politique publique intitulé « regs to riches », et l’Université McMaster l’a récemment reconnue comme une diplômée exceptionnelle en lui décernant le prix Arch.