Ensemble ou non? Sept façons pour le Canada de choisir une relance durable
par Jasmine GillLe monde est sillonné de routes qui se rejoignent et s’éloignent[1].
Depuis la fin de la Guerre froide, le monde n’a cessé de rétrécir grâce l’expansion du commerce, aux migrations volontaires et aux réseaux numériques qui tissent entre nous des liens plus étroits que jamais. Et les résultats sont éloquents : depuis le début des années 1990, plus d’un milliard de personnes sont sorties de la pauvreté extrême. La faim dans le monde a reculé pour plus de 200 millions de personnes. La santé maternelle s’est considérablement améliorée et le taux de mortalité infantile ainsi que le nombre d’enfants non scolarisés ont chuté de plus de la moitié. L’accès à l’électricité est de plus en plus répandu. Les décès imputables au paludisme, au VIH/SIDA, à la tuberculose et à d’autres maladies infectieuses ont substantiellement diminué et la prévalence des guerres a reculé de moitié.
Dans la foulée de cet élan, une nouvelle forme de diplomatie économique idéaliste a vu le jour. En 2015, 193 pays membres des Nations Unies ont adopté les objectifs de développement durable (ODD), le tout premier plan détaillé émanant de la base aux fins de la croissance économique, de l’inclusion sociale et de la durabilité environnementale pour favoriser une prospérité commune à long terme dans les pays industrialisés et en développement de l’ensemble de la planète. Les ODD ne sont pas des mesures venues d’en haut, imposant touchant une vision institutionnelle du monde, mais reflètent plutôt les valeurs humaines universelles qui transcendent les institutions qui en font la promotion.
Les ODD comprennent 17 objectifs indivisibles interreliés (Les 17 objectifs) visant l’élimination de la pauvreté et de la faim et l’avancement dans les domaines comme la santé, l’enseignement, de l’eau et l’énergie propres, la croissance économique, l’infrastructure, l’égalité, l’environnement, la paix, la justice et la coopération d’ici 2030. Le « Programme 2030 » se subdivise en un ensemble de 169 cibles mesurables et en 231 indicateurs quantitatifs uniques, qui sont des composantes d’un système exhaustif pour évaluer les progrès et garantir la reddition de comptes. En bref, les ODD constituent un cadre détaillé de reconstruction post-pandémie – ils établissent les liens entre les déterminants à long terme des sociétés prospères, équitables et résilientes.
Source : Nations Unies. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/
Depuis leur adoption, par contre, l’augmentation des forces de division – protectionnisme, nationalisme, craintes concernant la sécurité nationale et le contrôle des frontières, escalade des conflits à l’origine de migrations forcées, augmentation de la xénophobie et des inégalités – ont stoppé les progrès mondiaux sur le parcours de ces objectifs. À la fin de 2019, on a observé des reculs et des inversions des ODD dans nombre de domaines. Le déclin de la pauvreté était au point mort, le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire et de la faim était en hausse, le changement climatique s’accélérait et les inégalités ont continué à ronger et à morceler la cohésion sociale.
La pandémie a fait reculer la santé de 25 ans en 25 semaines à l’échelle mondiale. En octobre, tandis que nous rédigions les présentes, le monde approchait les 50 millions de cas, et plus de un million de décès dans 214 pays et territoires. Au plus fort du confinement mondial, les fermetures et clôtures d’entreprises affectaient la moitié de la population active mondiale et 1,6 million d’étudiants ne pouvaient étudier. Jusqu’à 150 millions de personnes pourraient être poussées dans l’extrême pauvreté d’ici 2021 en raison de la COVID-19.
Comme les autres États membres de l’ONU, le Canada s’est attelé à élaborer un plan stratégique national assorti d’indicateurs correspondants pour mettre en œuvre les ODD mondiaux selon des modalités reflétant les réalités canadiennes. Nous avons nos propres actifs sur lesquels compter, ainsi que des défis à reconnaître dans l’élaboration d’un plan de développement durable.
Mais comme le disait sagement Mike Tyson [traduction] chaque personne a un plan, jusqu’à ce qu’elle reçoive un poing sur la mâchoire[2].
La COVID-19 a infligé un coup bas aux familles, aux collectivités et au pays, frappant la santé humaine, l’économie et la cohésion sociale avec chaque vague. Au Canada, plus de 236 000 personnes ont été infectées par la maladie et plus de 10 000 y ont laissé la vie. Les entreprises ferment, des millions de personnes demeurent sans emploi et l’insécurité alimentaire est fortement à la hausse.
Même avant la pandémie, le Canada n’était pas sur la voie menant au développement durable d’ici 2030 – car, selon une évaluation menée en 2017 par le Brookings Institute, le Canada reculait sur les plans de l’eau potable, de l’obésité chez les enfants et de l’insécurité alimentaire et avait besoin d’une percée pour contrer la pauvreté intérieure de moitié d’ici 2030 pour atteindre ses objectifs d’émissions de 2030.
Fait très important, les objectifs de réduction des inégalités allaient dans le mauvais sens et la pandémie n’a fait qu’intensifier la situation :
- Égalité hommes femmes. Le Canada n’était pas sur la voie concernant l’égalité des sexes, l’équité salariale, la représentation dans les postes de direction ou la lutte contre la violence faite aux femmes. Le taux de participation des femmes à la population active approchait de son creux historique, mais la tendance s’est maintenant inversée.
- Littéracie. Trois millions d’adultes canadiens n’auraient pas les compétences voulues en littéracie, tandis que jusqu’à 5 millions n’ont pas les aptitudes de base pour compter.
- Les Autochtones font face aux plus grandes disparités en ce qui a trait à la pauvreté chez les enfants, à l’insécurité alimentaire, à l’accès aux soins médicaux et à la déclaration des cas de violence et, selon une enquête récente crowd-sourcée de Statistique Canada, on fait état d’un plus grand nombre de pertes d’emplois permanents ou temporaires et de répercussions plus négatives de la pandémie sur la capacité de répondre aux besoins essentiels, notamment financiers, comparativement aux non-Autochtones participant à l’enquête.
En combinant ces difficultés à la persistance du virus, on débouche sur la plus grande récession économique depuis la Grande Dépression, et il semble que nous soyons très très loin d’un monde de développement durable et inclusif.
Comment pouvons-nous même réfléchir aux 17 objectifs multidimensionnels lorsque nous sommes au cœur même d’une crise économique et de santé publique aiguë?
Les ODD sont nécessaires, maintenant plus que jamais. Intégrer réellement les ODD dans la réponse et la relance du Canada aidera à atténuer les répercussions économiques, sociales et environnementales de la COVID-19. Cela permettra de prévenir proactivement les crises futures et aidera la prospérité, l’équité et la résilience à se développer plus rapidement dans les collectivités, le pays et le monde dans lequel nous voulons vivre et que nous souhaitons laisser en héritage.
Dans le plus récent discours du Trône, on dégageait les moyens par lesquels le gouvernement du Canada compte mettre en œuvre les ODD dans le plan de relance du pays. La totalité des 17 ODD et les mesures stratégiques correspondantes ont été brossées en larges coups de pinceau dans le discours. Et chacun peut y jouer un rôle — des gouvernements aux collectivités et aux entreprises, en passant par les institutions d’enseignement, les organisations de la société civile et chacun de nous en tant que citoyens.
Pour prendre efficacement en compte le large spectre des ODD dans la planification et placer le Canada sur la voie du progrès, il faut transformer de façon fondamentale notre façon d’aborder les forces qui accéléreront leur réussite : innovation, finances et, finalement, la manière dont nous nous percevons dans le monde et le rôle que nous y jouons.
Lorsque le pays est entré en confinement, nous sommes rapidement passés en ligne. Les innovations numériques semblent être apparues du jour au lendemain, offrant tout, des solutions coûteuses de livraison d’aliments aux outils de vidéoconférence et jusqu’aux services de santé essentiels. Les entreprises et les particuliers qui ont pu se retourner, dans leur travail et leur vie personnelle et passer à Internet se sont beaucoup mieux tirés d’affaires dans la pandémie. Les dividendes du numérique, par contre, ont creusé les écarts. Jusqu’à un Canadien sur 10 est incapable de participer en raison de l’absence de connexion à large bande et une part disproportionnée des « non branchés » se trouve dans les régions rurales et éloignées, les quartiers défavorisés et les collectivités autochtones. Lorsqu’Internet est hors de portée, il en va de même de l’égalité d’accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi.
L’innovation est un processus et, consciemment dirigée, elle peut être la solution aux problèmes qu’elle crée. Lorsque que la promesse de connectivité du gouvernement fédéral dans l’ensemble du Canada sera remplie, l’innovation numérique pourrait sérieusement promouvoir l’inclusivité et la durabilité de la croissance nécessaire pour faire redémarrer la relance. La connectivité universelle est une priorité essentielle.
Simultanément, le Canada pourra se réorienter vers les éléments essentiels du processus d’innovation : politique d’innovation, propriété intellectuelle et immigration, dans le but de progresser dans le sens de l’inclusion. Voici comment :
1. Politique de l’innovation. Recentrer les politiques et programmes d’innovation vers les laissés pour compte, c.-à-d. appuyer et habiliter ces innovations pour atteindre ceux qui sont déplacés ou marginalisés par rapport à l’accès aux emplois dans l’économie en pleine évolution du Canada. En trouvant la solution aux besoins en matière d’éducation, de compétence, d’environnement et d’emploi de ceux qui ne font pas partie de la population active du Canada, nous surmultiplierons d’un seul coup la croissance de la population active et comblerons le fossé des inégalités, et ces mesures œuvreront dans le sens de la croissance économique. En étendant notre rayonnement à ceux qui sont les plus éloignés, les effets rejailliront sur ceux qui sont situés à proximité. Au Canada, cela signifie non seulement de concevoir des technologies et plateformes d’éducation, de compétences techniques et d’emploi expressément pour les femmes, les jeunes, les Autochtones, les personnes âgées et les personnes handicapées, mais également de tourner le regard vers les territoires les plus éloignés de notre pays et les comprendre pour stimuler l’activité économique et la mobilisation.
2. Propriété intellectuelle. Ré-imaginer la protection de la propriété intellectuelle pour favoriser une plus grande inclusion et des solutions qui fonctionneront dans le sens des ODD. La COVID-19 a la possibilité de rendre floues les frontières de la protection de la propriété intellectuelle afin d’accélérer la mise au point de solutions médicales qui peuvent être mises à la disposition de tous. Le regroupement des brevets, la science ouverte et les licences obligatoires sont autant d’outils qui peuvent accélérer la mise en place de solutions équitables en veillant à ce que l’accès ne soit pas freiné par des droits excessifs de propriété intellectuelle. Tel que mentionné dans un article de Myra J. Tawfik, le Canada a déjà cerné les inégalités imbriquées dans le système de PI, et les femmes et les Autochtones inventeurs et entrepreneurs sont laissés de côté en raison de biais dans le modèle juridique canadien de la PI. Cet aspect a été géré par des mesures visant à améliorer les aspects d’éducation, de sensibilisation et de conseils en matière de PI, pour promouvoir les outils stratégiques de PI aux fins de la croissance et faciliter, dans le système de PI, l’accès et la représentation des groupes sous-desservis. L’auteure voit un ordre juridique post-pandémie de la PI qui servira davantage à promouvoir des solutions progressistes de ce genre afin de régler les défis mondiaux, dont l’intervention en matière de climat est une priorité.
3. Immigration. Redémarrer l’immigration sur une trajectoire plus ambitieuse d’intégration. Les immigrants au Canada sont par définition des entrepreneurs et ils sont également les entrepreneurs chefs de file du Canada. Les immigrants construisent de nouvelles entreprises et créent davantage d’emplois que ne le font les entreprises canadiennes. Entre 2006 et 2018, le nombre d’entrepreneurs immigrants a augmenté de 22 % – soit un avantage pour l’économie canadienne. Par contre, attirer des entrepreneurs immigrants et appuyer leur intégration dans l’économie canadienne peut s’avérer difficile. Pour favoriser l’innovation et la croissance nécessaires pour se relever de la pandémie, le Canada a pris une décision ambitieuse, augmenter le nombre de nouveaux arrivants accueillis au pays chaque année. Il doit aussi combler les lacunes dans leur intégration économique et sociale lorsqu’ils arrivent. La pandémie a fait dérailler les efforts du Canada sur ces deux plans, se traduisant par une carence draconienne du nombre de nouveaux arrivants venant au Canada en 2020 et des répercussions disproportionnées sur leur intégration économique et sociale. Voici quelques idées pour tendre l’arc de la croissance de la population après la pandémie :
- S’engager à des mesures politiques temporaires sur la pandémie, adoptées pour permettre l’emploi des nouveaux arrivants, par exemple de nouvelles voies vers la résidence permanente pour les demandeurs d’asile et l’allègement des exigences de permis de travail pour le long terme.
- Mettre en œuvre et élargir les propositions de politiques et de programmes nouveaux, par exemple la désignation des réfugiés dans le Projet sur la voie d’accès à la mobilité économique, l’éducation numérique et les solutions d’emploi, ainsi que l’octroi automatique de la résidence permanente aux étudiants étrangers.
- Échelonner ambitieusement l’intégration des immigrants, parallèlement à la croissance de l’emploi, et redoubler d’efforts pour attirer les immigrants dans les régions rurales et sous-peuplées et vers les grappes d’innovation urbaines.
La pandémie a été un facteur puissant d’inégalité. Si nous voulons vraiment une relance inclusive, le Canada doit déployer l’innovation – et les innovateurs – pour atteindre les coins les plus éloignés de notre société. Nous en profiterons tous. C’est un principe incontournable, ainsi qu’un objectif spécifique des ODD, de ne laisser personne derrière – et nous devons nous efforcer d’atteindre d’abord ceux qui sont les plus éloignés.
Avant la pandémie, il y a eu augmentation mondiale des finances durables, mais pas au rythme ou à l’échelle nécessaires pour atteindre les ODD. Il existait un manque annuel de 2,5 billions à l’échelle mondiale dans les besoins de financement, soit environ 3 % du PIB global en 2019. Le PIB global s’est considérablement comprimé – le FMI prévoit que même avec les 18 billions de dollars (USD) dépensés jusqu’à maintenant pour stimuler les économies à l’échelle internationale, l’économie mondiale perdra au moins 12 billions de dollars d’ici la fin de 2021. On disposera de beaucoup moins pour fonctionner. En fait, l’investissement étranger direct au niveau mondial, d’après les prévisions, diminuera jusqu’à 40 %, les flux d’envoi de fonds régresseront de 20 % et l’aide au développement outre‑mer devrait fléchir de 8 %, faisant de l’actuel fossé mondial un gouffre éventuel.
Au Canada, la crise a fait monter la pression sur les aspects économiques et budgétaires auxquels nous étions confrontés avant la pandémie et la hausse de la dette et la stagnation de la croissance restreignant les investissements dans les ODD et, par conséquent, l’équité intergénérationnelle. Une relance durable est la seule solution, car la COVID-19 a fait ressortir les risques si nous ne construisons pas une économie résiliente. Pour y parvenir, les ressources intérieures et l’investissement du secteur privé doivent être structurés, diversifiés et mobilisés dans le sens des ODD – non seulement au Canada, mais également dans sa politique d’aide étrangère – car les ODD ne sont pas un effort uniquement national, mais aussi mondial.
4. Budgets et stratégies. Structurer les budgets et stratégies nationaux, provinciaux et municipaux en termes d’ODD. Les ODD couvrent la totalité des compétences gouvernementales. Tandis que le gouvernement fédéral doit rassembler et créer une stratégie coopérative en matière d’ODD, les provinces et les territoires déterminent les domaines clés des ODD, y compris les soins de santé et l’éducation et les municipalités sont en première ligne pour la prestation de ces services essentiels. L’un des grands défis à la collaboration entre gouvernements est l’absence d’intégration articulée du cadre des ODD dans les stratégies et budgets. En utilisant le système des ODD, tous les paliers de gouvernement peuvent plus facilement planifier et investir dans ces domaines des ODD gravement mal desservis et qui ont besoin d’attention. La ville de Kitchener en est un exemple : en utilisant le cadre des ODD dans son plan stratégique 2019-2022, la ville pourra planifier en fonction d’un rétablissement et d’une croissance holistiques. De plus, le plan oblige l’application des éclairages essentiels de l’analyse des ODD. Ce n’est qu’en tenant compte de chacun des objectifs, de ses liens et des concessions que l’on peut obtenir des gains sur les plans de l’efficacité, du budget et du contexte social.
5. Financement et mobilisation concernant les ODD. Mobiliser de nouveaux modèles de financement et l’engagement du secteur privé pour œuvrer dans le sens des ODD. Le Canada a joué un rôle de premier plan en rassemblant le monde sur la question du financement du développement durable. Par contre, ici, il y a beaucoup de travail à faire pour mobiliser les contributeurs clés. En septembre, les ministres des Finances du Canada et de Jamaïque ont dirigé une séance onusienne des ministres des finances et chefs d’États et gouvernements pour formuler et évaluer un ensemble d’options de politique pour financer les ODD dans les pays industrialisés et les pays en développement et entre ceux-ci. Parmi les possibilités de solutions intérieures, bilatérales et multilatérales proposées, il y avait les annulations de dette, les permutations dette-climat ou dette pour ODD, l’intégration des ODD-ESG sur les marchés des capitaux, la formation des ODD pour la gestion des fonds et la certification des marchés financiers et les rapports et étalonnages des ODD des entreprises, la création de fonds réservés pour la résilience. Les partenariats publics-privés-secteur social pour financer les ODD sont essentiels et pourtant, le secteur privé canadien et ses ressources sont sous-utilisés en ce qui a trait à l’atteinte des ODD, au constat de lacunes en matière de sensibilisation, de mise en œuvre et de reddition de comptes. Le Pacte mondial des Nations Unies, par exemple, offre l’adhésion, la formation et une plateforme de partage des connaissances afin de promouvoir l’engagement des entreprises envers les ODD et les rapports à cet égard – jusqu’à maintenant, 125 organisations canadiennes seulement ont signé le pacte.
6. APD pour les ODD. Déployer une APD augmentée pour le développement économique global. Le Canada ne pourra se rétablir sur les plans de la santé ou de l’économie si le monde n’y parvient pas. Et nous ne pourrons atteindre une croissance inclusive chez nous s’il n’y a plus de développement durable à l’échelle mondiale. En septembre 2020, le gouvernement fédéral a réservé 400 millions de dollars supplémentaires d’aide à l’étranger pour lutter contre la COVID-19, en plus des 220 millions de dollars promis au Mécanisme d’accès mondial au vaccin contre la COVID-19 (COVAX), afin que les pays à revenu faible ou moyen ne sont pas laissés pour compte dans la distribution d’un vaccin. Il s’agit d’engagements importants et le premier ministre a affirmé que la pandémie offrait une remise à zéro et une possibilité d’accélérer nos efforts pré-pandémie afin de repenser nos systèmes économiques, qui luttent en fait contre des problèmes mondiaux comme l’extrême pauvreté, les inégalités et le changement climatique. Cette aspiration doit être modélisée dans la stratégie nationale du Canada pour promouvoir les ODD à l’échelle internationale et dans l’administration des majorations de niveaux de l’aide à l’étranger.
Le grand arrêt imposé par la COVID-19 a obligé les personnes, les collectivités et les pays à faire de l’introspection pour gérer le caractère immédiat des défis imposés. Il semble difficile de croire qu’il est temps de relever le défi complexe et écrasant de créer un monde plus équitable et plus juste.
Par contre, la pandémie a aussi fait ressortir la nécessité de coopérer et de réfléchir hors des limites de nos réalités individuelles. Tandis que nous luttons parce que nous sommes tenus à part et isolés de la famille, des amis et des voisins, nos défis personnels planent sur les défis mondiaux, mais nous pouvons voir que nombre de nos défis se reflètent dans l’ensemble du monde.
Nous devons revenir à un monde de connexion et de collaboration, à la fois pour lutter contre la pandémie et permettre à nos économies, nos structures sociales et nos vies individuelles de se rétablir.
Le Canada lui-même ne pourra à lui seul régler les grands défis mondiaux : comme le faisaient remarquer Margaret Biggs et John McArthur, un pays qui ne représente que 0,5 % de la population mondiale, 2,2 % du revenu mondial et 3,7 % du revenu annuel des pays donateurs de l’OCDE ne pourra pas provoquer d’anicroche pour ce qui est d’atteindre les objectifs ultimes des ODD. Même si nous devions atteindre les cibles nationales pour 2030, par exemple, en relation avec les émissions de GES, cela ne déplacerait le cadran mondial que de 2,4 %. De plus, la réponse collective du monde influera sur notre capacité d’atteindre nos ODD nationaux. Les résultats individuels nationaux, ainsi que les coûts pour les atteindre, dépendent des résultats collectifs. Précisons que 70 % du PIB canadien est lié au commerce et, d’ici les années 2030, la totalité de la croissance de la population du Canada sera attribuable à ceux qui sont hors de nos frontières. La façon dont, collectivement, nous réagissons à la crise et à notre relance déterminera notre avenir commun.
Alors, que faire?
7. Redéfinir notre rôle dans le monde. Pour fixer les ODD dans notre façon de penser, tandis que nous affrontons ces défis sans précédent, nous devons voir au‑delà de nos frontières, nous reposer sur un vaste sentiment d’identité nationale et des réseaux élargis et tirer parti des points forts du Canada pour nous engager auprès du monde. À titre de pays reconnaissant la diversité et le pluralisme comme avantages stratégiques, cela doit également être la pierre angulaire de notre politique étrangère. Établir de nouvelles coalitions et des relations plus étroites avec les pays de même optique est extrêmement important, mais la raison de l’échec des efforts multilatéraux actuels est l’absence d’engagement pluraliste. Les pays qui dérivent et divergent doivent être ramenés sur la voie du multilatéralisme. Les principes qui sous-tendent un pluralisme efficace – acceptation, écoute et coopération – sont le fondement même de la diplomatie, du règlement des litiges, du maintien de la paix et de l’atteinte des ODD. Le Canada est un courtier efficace et nos efforts, ici-même, vers la réconciliation et le pluralisme, peuvent être appliqués sur cette tribune. Comme l’écrivait Bob Rae, nouvel ambassadeur à l’ONU [traduction] :
En tant que pays qui est loin d’être une superpuissance, le Canada ne peut compter sur sa force pour se faire entendre. Notre influence découle de notre capacité en matière de sagesse, d’être une source fiable d’information, de connaissances et de jugement sur certains des enjeux les plus difficiles que le monde affronte[3].
Selon un récent sondage, 73 % des Canadiens s’attendent à une vaste transformation de la société après la pandémie, tandis que 26 % seulement s’attendent à un retour au statu quo. Les ODD offrent un cadre holistique, en même temps que des indicateurs mesurables pour satisfaire aux attentes de la majorité. Les objectifs mondiaux ne sont pas un rêve inaccessible et ne sont pas formulés dans un langage obscur. C’est une façon de percevoir le monde, d’aborder des défis complexes. Les ODD offrent un modèle pour transformer l’économie, la société et le mode de pensée du Canada dans le sens de résultats plus équitables, inclusifs et résilients. La réponse politique de notre pays peut déclencher cette transformation par la réorientation de l’innovation, des finances et de notre optique collective. Le résultat déterminera si nous émergeons de la pandémie plus proches ou plus éloignés les uns des autres.
RÉFÉRENCES
- Scalfari E, (2013). The Pope: how the Church will change. La Repubblica. https://www.repubblica.it/cultura/2013/10/01/news/pope_s_conversation_with_scalfari_english-67643118/ ↑
- Alston, M., (2012). Mike Tyson explique l’une de ses plus célèbres citations. South Florida Sun Sentinel. https://www.sun-sentinel.com/sports/fl-xpm-2012-11-09-sfl-mike-tyson-explains-one-of-his-most-famous-quotes-20121109-story.html ↑
- Rae, B., (2015). What’s Happened to Politics? p. 119. Simon & Schuster. ↑
PARTENAIRES
Partenaires du secteur privé : Manuvie et Shopify
Partenaire de consultation : Deloitte
Gouvernement : Gouvernement du Canada
Gouvernements provinciaux : British Columbia, Saskatchewan, Ontario et Québec
Partenaires de recherche : Conseil national de recherches Canada et Centre des Compétences futures
Fondations: Metcalf Foundation
FPP tient à reconnaître que les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux des partenaires du projet.