Freiné par son manque de productivité et de compétitivité, notre pays connaît un taux de croissance stagnant qui ne permet pas d’élever le niveau de vie des Canadiens et Canadiennes. À l’heure de notre reconstruction, un simple « retour à la normale » n’est pas envisageable.

Introduction

La COVID-19 est avant tout une tragédie humaine qui cause de grandes souffrances et met en lumière les profondes inégalités qui existent au Canada et dans le monde. L’effondrement économique causé par cette pandémie est d’une ampleur sans précédent : pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, toutes les économies avancées, en développement et émergentes du monde entier connaissent une forte récession au même moment. Au Canada, cette crise a accablé le secteur privé et forcé les gouvernements à prendre des mesures inédites. Alors que le Canada prend des dispositions pour relancer l’économie, les gouvernements déjà aux prises avec des niveaux d’endettement élevés et des revenus limités devront mener une véritable bataille pour réussir à assouplir les restrictions tout en maîtrisant le virus.

Dans un tel climat d’incertitude, on voudrait évidemment assister à un retour à la normale de l’économie. Mais cela ne peut pas être notre objectif. La dure réalité, c’est qu’avant même la crise, l’économie canadienne était déjà au point mort, avec une croissance stagnante, une faible productivité et une compétitivité en déclin. Cette crise a également montré qu’une forte croissance économique ne suffit pas à répondre au problème. Les bénéfices économiques doivent aussi être distribués équitablement au sein de la société, pour donner à tous les Canadiens et Canadiennes des perspectives de prospérité. La société exige un changement, non seulement pour répondre aux inégalités exacerbées par la pandémie, mais aussi pour remédier aux injustices systémiques historiques contre de nombreux groupes à travers le pays, y compris les communautés racialisées, les peuples autochtones et les communautés LGBTQ+.

Ce changement ne doit pas être progressif, mais radical. Pendant trop longtemps, le Canada a prôné la croissance inclusive, sans réussir à en faire une réalité. Nous devons agir immédiatement et intentionnellement pour éviter un retour à la normale. Les circonstances exigent une grande ambition – les programmes de relance ayant suivi les crises économiques passées, comme l’expansion de l’aide sociale menée par Tommy Douglas au Canada ou encore le Plan Marshall à l’échelle mondiale, ont permis de transformer les économies et les sociétés en reconnaissant la nécessité d’une croissance plus inclusive. Aujourd’hui, gouvernements et entreprises doivent s’unir pour créer un avenir meilleur, caractérisé non seulement par une économie solide, mais aussi par une société plus résiliente et équitable.

Ce document passe en revue les enjeux les plus pressants pour le Canada en matière de compétitivité, examine la façon dont la crise du coronavirus a transformé la nature des défis qui nous attendent et présente cinq secteurs dans lesquels entreprises, gouvernements et communautés doivent agir radicalement pour améliorer les perspectives du Canada.

La faible croissance économique du Canada et ses problèmes de compétitivité ont fait l’objet de nombreuses études au fil des ans, y compris par Deloitte. En 2018, nous avons mis au point notre Fiche de pointage de la compétitivité pour déterminer la position du Canada à l’échelle internationale. Il en est ressorti que la tendance à la baisse de la productivité et de la compétitivité observée dans notre pays depuis des décennies affecte notre prospérité et nos niveaux de vie par rapport à nos pairs. Voici trois des défis majeurs mis en évidence dans la fiche de pointage (Figure 1) :

Sources : Forum économique mondial, Organisation de coopération et de développement économiques, Banque mondiale

Infrastructures : L’édition 2017-2018 de l’indice de compétitivité mondiale du Forum économique mondial (FEM) classait nos infrastructures au 16e rang mondial, constatant les faiblesses de nos infrastructures routières, ferroviaires, électriques et téléphoniques. Depuis, nous avons reculé à la 26e position et cédé des places dans chaque sous-catégorie correspondante. Par ailleurs, bien que l’infrastructure numérique ne figure pas explicitement dans la fiche de pointage de la compétitivité initiale, le FEM a classé le Canada au 35e rang mondial en 2019.

Innovation : L’investissement total du Canada dans la recherche et le développement, en pourcentage du PIB, n’a cessé de diminuer depuis la publication de la fiche de pointage. En 2019, notre investissement se chiffrait à 1,54 pour cent, soit nettement moins que nos pairs dans d’autres pays développés. La vulnérabilité du Canada dans le domaine des brevets et des exportations de haute technologie en pourcentage des exportations totales n’a pas non plus connu d’amélioration sensible.

Réglementation : En 2019, le Canada s’est classé au 23e rang (alors qu’il était 4e en 2004) du classement de la Banque mondiale pour la facilité de faire des affaires. Nos piètres résultats en ce qui concerne la rapidité de délivrance des permis de construire (64e) et l’obtention d’un raccordement électrique permanent (124e) montrent bien les obstacles réglementaires auxquels les entreprises sont confrontées.

Notre position concurrentielle faible au moment de l’apparition de la pandémie rend notre relance plus difficile. Les faiblesses du Canada sur le plan des infrastructures freinent aussi bien le commerce que les investissements. Notre manque d’innovation ne permet pas à nos entreprises de disposer des compétences ou des technologies de pointe nécessaires pour compétitionner avec leurs concurrents étrangers. En raison de nos réglementations, nos entreprises auront plus de mal à renouer avec la croissance. Tous ces aspects ralentissaient notre croissance économique avant la crise et continueront de le faire lorsqu’elle sera passée. Par exemple, avant la pandémie, nous estimions que l’économie canadienne connaîtrait une croissance annuelle de 1,6 pour cent au cours de la prochaine décennie[1], ce qui était déjà bien moins que la croissance annuelle moyenne de 2,2 pour cent enregistrée au cours des dix dernières années[2].

Non seulement notre économie tourne-t-elle au ralenti, mais nous n’avons pas su générer une croissance plus durable et inclusive. Ainsi, en 2017, les Canadiens et Canadiennes se plaçaient au 10e rang des producteurs d’émissions de CO2 dans le monde et occupaient même la 3e place en valeur par habitant. Le rapport sur la diversité et l’inclusion publié par Deloitte en 2017 soulignait aussi à quel point les femmes, les immigrants récents et les personnes handicapées sont encore sous-représentés dans le secteur du travail. Puis, il y a bien d’autres aspects que notre pays n’a pas su aborder en matière de durabilité environnementale, d’équité sociale et de position à l’échelle internationale.

La COVID-19 a provoqué au sein de l’économie canadienne une crise majeure dont les effets seront profonds. En voici quelques exemples :

  • Croissance économique : Le PIB réel du Canada devrait se contracter en base annuelle pour la première fois depuis 2009. Il s’agira probablement de la chute la plus importante du PIB annuel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
  • Chômage : Nous connaîtrons un taux de chômage élevé pendant une longue période. Ce taux ne devrait revenir à son niveau d’avant la pandémie qu’après 2022.
  • Petites entreprises : De nombreuses petites entreprises ne surmonteront pas la crise. D’après une étude réalisée par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, 32 pour cent des propriétaires de petites entreprises ne savent pas s’ils seront en mesure de rouvrir.

Pour le Canada, la voie du rétablissement est jalonnée d’incertitudes causées par les répercussions sanitaires persistantes du virus et ses effets sur la reprise totale de l’activité économique. Sur la base de l’évolution actuelle de l’économie canadienne, Deloitte prévoit que l’économie ne renouera pas avec les niveaux prépandémiques avant le premier trimestre de 2022, en termes réels (Figure 2), et que notre taux de chômage mettra plus de temps encore à se remettre. Il existe aussi un risque que ces projections se dégradent en fonction de facteurs sanitaires tels que de nouvelles vagues d’éclosion du virus. Pour tenir compte de ce risque, nous avons établi des scénarios économiques alternatifs pessimistes.

Source : analyse de Statistique Canada et Deloitte

Les effets de la crise ont été ressentis de façon inégale au sein de la société canadienne. Du point de vue sanitaire, les personnes âgées et les communautés racialisées ont été touchées par les conséquences les plus sévères de la pandémie, et les systèmes de santé publique s’efforcent de recueillir et d’analyser des données pour protéger les populations les plus vulnérables. Du point de vue économique, l’effondrement du secteur des services, en particulier, a majoritairement touché certaines catégories de travailleurs comme :

  • Les femmes : Le niveau d’emploi chez les femmes a baissé de 16,9 pour cent entre février et avril, comparativement à 14,6 pour cent chez les hommes.
  • Les jeunes : En juin, Statistique Canada rapportait que le taux de chômage chez les jeunes[3] avait atteint 28,9 pour cent, soit le taux le plus élevé de tous les groupes d’âge.
  • Les travailleurs à temps partiel : Par rapport au mois de février, le travail à temps partiel a accusé une baisse de 27,6 pour cent en mai, alors que le niveau de travail à temps plein a reculé de 11,1 pour cent.

La récession n’a pas non plus touché tout le pays de la même façon, certains secteurs, industries et régions ont été nettement plus affectés que d’autres. Alors que notre économie commence à se rétablir, certains secteurs et industries ont de bien meilleures chances de connaître une croissance rapide que d’autres qui risquent de rester en retrait. Cela signifie que si notre activité économique ne connaît pas de changements importants, le Canada ne pourra pas compter sur les moteurs économiques du passé tels que les industries extractive, manufacturière, de détail et des loisirs pour propulser sa croissance future. En l’absence d’un soutien et d’efforts concertés afin de réinventer ces industries, nous devrons trouver une nouvelle voie vers la prospérité en nous appuyant sur des industries offrant un fort potentiel de croissance comme la santé, les sciences de la vie, les télécommunications et les données, et sur des secteurs liés au commerce électronique comme le transport et l’entreposage.

Certaines régions du pays sont également confrontées à des perspectives de reprise plus difficiles, certains facteurs préexistants (en particulier la baisse des prix du pétrole) ayant amplifié le choc économique de la pandémie. En avril dernier, le pétrole s’échangeait à des prix négatifs pour la toute première fois. Bien que le prix du pétrole soit un peu remonté, il reste inférieur aux niveaux prépandémique, et les provinces productrices de pétrole, notamment l’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador, ont souffert à la fois des retombées de la pandémie et du choc pétrolier mondial.

La crise du coronavirus a exacerbé les défis auxquels le Canada est confronté depuis longtemps en matière de croissance et de compétitivité. Elle a aussi renforcé la complexité de certaines questions, comme la mise en balance des politiques de reprise économique et de croissance avec la nécessité de répondre aux inégalités sociales mises en lumière par la crise. Notre sortie de la crise peut-elle s’accompagner d’une transformation de notre économie et de notre société? Si oui, comment faire et par où commencer?

Afin d’aider à répondre à ces questions, nous avons communiqué avec des dirigeants d’entreprises implantées dans tout le pays à travers des sondages, des entrevues et des tables rondes, afin de connaître leur opinion. La pandémie a accentué les faiblesses structurelles de l’économie canadienne et laissera aussi des traces durables. Parmi elles, l’accélération de l’adoption des technologies numériques contribuera à améliorer la productivité et la compétitivité du Canada. D’autres effets, comme l’augmentation de notre niveau d’endettement, pourraient aggraver nos problèmes de compétitivité en réduisant les outils dont le gouvernement dispose pour stimuler l’économie. Les points de vue de la communauté d’affaires aident à déchiffrer les tendances et les effets qui pèseront sur la croissance future et à définir les secteurs prioritaires lors du processus de reconstruction. Cinq secteurs en particulier doivent faire l’objet de mesures radicales pour connaître un avenir prospère.

Miser sur les industries de demain

Le Canada est une économie en transition pour laquelle il faut définir un plan. Notre pays est riche en ressources que nous devons utiliser à bon escient pour réaliser une transition intelligente vers de nouvelles industries et une économie inscrite dans la dynamique du XXIe siècle. De nombreuses industries pourraient stimuler la croissance du Canada à l’avenir. Il faut à présent miser avec audace, en ciblant les secteurs qui pourront créer des emplois, stimuler le commerce, dynamiser l’innovation et l’esprit entrepreneurial et placer le Canada dans une position concurrentielle à l’échelle mondiale. Les gouvernements, les entreprises et les communautés doivent s’unir pour concentrer les investissements dans les secteurs susceptibles de faire avancer l’économie. Cela passera par des compromis, des risques calculés et l’alignement des investissements dans certaines infrastructures pour permettre à ces secteurs de tenir leurs promesses de croissance.

Le débat autour de l’extraction des ressources est particulièrement significatif, dans la mesure où il concerne un secteur qui a longtemps été au cœur de la richesse et de la prospérité du Canada. Nous sommes confrontés à deux réalités : tout d’abord, nous sommes un pays riche en ressources et nous devons continuer de capitaliser sur celles-ci pour prospérer; ensuite, notre avenir doit être viable et nous devons trouver un moyen de réduire notre dépendance aux sources d’énergie à forte intensité de carbone. Ces deux réalités ne sont pas contradictoires. Le Canada peut continuer d’exploiter ses ressources existantes tout en faisant des paris stratégiques sur les technologies qui soutiendront la viabilité de son avenir. Nous avons la possibilité de devenir un leader mondial dans certaines technologies de pointe comme les combustibles à l’hydrogène, le captage du carbone et les technologies à base de fibre de carbone, qui s’appuieront sur une expertise et des industries existantes tout en contribuant à réduire les émissions à l’échelle nationale et internationale. Cependant, nous devrons délaisser notre ancienne stratégie de durabilité si nous voulons vraiment occuper une position de pointe sur ces technologies. Pour cela, le secteur des affaires et les gouvernements devront collaborer sur des initiatives qui créeront un avantage concurrentiel pour les entreprises canadiennes.

Des infrastructures parées pour l’avenir

L’investissement dans les infrastructures doit être une priorité pour les gouvernements comme pour les entreprises si nous voulons poser les bases pour la prospérité du Canada à long terme. Nos infrastructures de transport, portuaires, électriques et téléphoniques continuent de freiner la compétitivité de notre pays. En s’inspirant de notre histoire, les gouvernements devraient considérer les infrastructures comme un moyen de stimuler l’économie, de renforcer la résilience aux chocs environnementaux et économiques et de rendre possible une nouvelle période de croissance. Dans cette optique, la création de la Banque de l’infrastructure du Canada a été un premier pas dans la bonne direction. Les gouvernements doivent désormais, à tous les niveaux, recommencer à considérer les infrastructures comme une priorité nationale et l’un des principaux moteurs de la croissance, en mettant tout particulièrement l’accent sur de nouveaux partenariats et modèles de financement qui tiennent compte des contraintes fiscales tout en garantissant un accès équitable. L’infrastructure ne doit pas être la victime désignée des tentatives de rééquilibrage budgétaire des gouvernements au lendemain de cette crise.

Il est également temps de définir une stratégie nationale pour l’infrastructure numérique, qui comprend à la fois l’infrastructure physique et les éléments facilitants, afin de poser les jalons de la prospérité du Canada. L’infrastructure numérique est comparable aux réseaux de voies ferrées et d’électricité qui ont rendu possibles les révolutions industrielles du passé. Pour se fixer l’ambition d’être un pays numérique, le Canada doit investir dans l’infrastructure numérique (large bande, 5G), travailler sur la question de l’identité numérique, mener des réformes réglementaires et de protection de la vie privée, organiser des formations en littératie numérique, tout cela en s’engageant à assurer un accès équitable pour les entreprises et les individus. Le pays devra répondre à certaines questions importantes sur le rôle des entreprises, des gouvernements et des citoyens et les conditions de financement de ces actions pour veiller à ce que les engagements en matière d’accès équitable soient respectés.

Préparer la main-d’œuvre de demain

Sachant que le Canada doit se reconstruire au terme de la pandémie et que les industries vont connaître d’importantes transformations, nous devons adopter une stratégie moderne pour la main-d’œuvre, afin de permettre aux Canadiens et Canadiennes de bénéficier de cette transition. Une telle stratégie passe par une assurance-emploi dynamique et un système de formation qui aidera les employeurs et les travailleurs à s’adapter et se préparer à un marché du travail en rapide évolution, et elle inclura les travailleurs à la demande, étrangers et temporaires. Nous devons rompre avec les conceptions traditionnelles d’un cycle éducatif qui se termine au niveau postsecondaire et encourager davantage l’apprentissage tout au long de la vie et la formation pratique, avec de nouvelles collaborations entre les entreprises et les gouvernements. Un système d’emploi et de compétences réimaginé préparera le Canada à être prêt à se montrer plus compétitif, fruit du travail conjoint mené par les entreprises et les gouvernements pour améliorer la productivité.

Garantir la participation de tous

Les défis liés à la COVID-19 ont particulièrement touché certains groupes sociaux. Il subsiste un risque que certains enfants et adolescents accusent un retard irrattrapable si les services de garde d’enfants, les écoles, les collèges et les universités restent fermés et si les perspectives d’emploi restent faibles pour les jeunes diplômés. D’autres crises ont montré que les retards scolaires et professionnels vécus dans la jeunesse ont des répercussions durables, qui suivent les personnes tout au long de leur carrière. L’inquiétude augmente aussi quant aux difficultés que rencontreront les parents qui travaillent si les services de garde d’enfants et les écoles restent fermés ou leur accès imprévisible, affectant ainsi leur capacité à travailler et la stabilité de leurs revenus. Les données montrent que ce risque concerne tout particulièrement les femmes qui restent les principales pourvoyeuses de soins dans la plupart des ménages. Certaines données recueillies au cours de la pandémie de la COVID-19 indiquent aussi que les communautés racialisées et autochtones sont davantage affectées que les autres, aussi bien du point de vue sanitaire que de l’emploi. Alors que les gouvernements cherchent à transformer l’économie, des politiques ciblées et intégrées visant à aider davantage de jeunes, de femmes et de membres des communautés autochtones et racialisées à participer à l’économie seront non seulement justes, mais aussi cruciales pour améliorer la productivité du Canada.

Une approche renouvelée en santé

Un système de services sociaux et de soins de santé solide est essentiel pour la prospérité d’un pays et d’une société. La COVID-19 a exposé les fragilités des systèmes de santé fragmentés du Canada, qui ont été créés pour un autre siècle. Cette pandémie a mis à l’épreuve la résilience du pays et montré que les tests, les équipements de protection individuelle et les vaccins sont essentiels pour un système de santé publique résistant. La chose la plus difficile a peut-être été la façon dont cette pandémie a mis en lumière certaines réalités désagréables concernant les services sociaux et les soins de santé fournis aux populations âgées, racialisées et autochtones, ainsi qu’aux membres vulnérables de la société.

La pandémie nous a enseigné que les pays surmontent nettement mieux une crise s’ils ont investi en amont dans des outils scientifiques, des données et des technologies permettant de définir des politiques et de prendre des décisions plus judicieuses, mais aussi de rendre des comptes. Une possibilité s’offre au Canada de tirer les enseignements de ses systèmes de services sociaux et de soins de santé afin d’offrir à tous de meilleurs résultats. Les gouvernements devraient s’engager à solidifier le système de santé publique canadien, d’un océan à l’autre, en investissant pour mieux anticiper, se préparer et répondre aux crises futures, afin de protéger le public. Un système de santé publique modernisé et coordonné fournira aux gouvernements un accès en temps réel à l’information pour des interventions politiques précises permettant de préserver la santé et de minimiser les effets sur l’économie. Une stratégie bien coordonnée mettant l’accent sur les résultats des services sociaux et des soins de santé pour les populations âgées, racialisées et autochtones serait également bénéfique dans la mesure où elle permettrait d’accélérer l’adoption des soins virtuels, d’infléchir la courbe des coûts de santé et de créer les conditions nécessaires pour que davantage de personnes puissent pleinement participer à l’économie et à la société.

L’ampleur du choc économique et social provoqué par la pandémie a révélé le rôle essentiel des entreprises, et des communautés, dans l’intervention en situation de crise. Des individus aux organismes à but non lucratif en passant par les plus grandes entreprises du Canada, tout le monde a travaillé main dans la main avec les gouvernements pour apporter une aide et répondre aux besoins urgents liés à la pandémie. Dans certains cas, comme le rattachement des comptes bancaires à l’Agence du revenu du Canada pour permettre un versement rapide de la Prestation canadienne d’urgence, cette collaboration a été extrêmement efficace. Dans d’autres cas, la pandémie a exposé certaines lacunes dans la capacité des gouvernements à communiquer rapidement et à s’adapter aux besoins des usagers. Mais un facteur constant demeure : la volonté du gouvernement d’écouter les voix extérieures lors de l’élaboration et de l’ajustement de sa réponse à la pandémie.

Notre pays a également été témoin d’un degré de coordination, de coopération et de collaboration sans précédent à différents ordres du gouvernement. Cette tendance doit se poursuivre, chaque ordre du gouvernement élaborant sa part d’une stratégie commune pour le pays afin de tous nous rallier autour des secteurs et des industries offrant de bonnes perspectives pour l’ensemble des Canadiens et Canadiennes. Cette collaboration combinée à la rapidité de produire des résultats, c’est-à-dire que des questions qui, autrefois, trouvaient réponse après plusieurs années peuvent désormais être traitées en quelques mois ou semaines, doit amener le gouvernement à ne plus se contenter d’évoluer au fil des jours, mais à entamer une révolution totale en ce qui concerne son efficacité de traitement des enjeux les plus pressants.

Ce dialogue et cette volonté d’œuvrer vers un objectif commun doivent se poursuivre. En raison de la complexité engendrée par la pandémie, il est difficile de fixer des priorités claires et un chemin à suivre pour chacun des cinq secteurs que nous avons établis. Cette tâche ne peut pas reposer sur les seules épaules du gouvernement. Elle nécessitera une conversation nationale qui abordera de front les compromis liés à la prise de décision sur les actions prioritaires. Les milieux d’affaires et communautaires canadiens doivent jouer un rôle clé dans cette conversation afin de susciter l’adhésion et parce qu’ils auront besoin de travailler ensemble plus étroitement qu’avant la crise si nous voulons surmonter ces défis. Cette collaboration devient d’autant plus pressante que les gouvernements de tout le pays réorientent leurs priorités de l’intervention en situation de crise vers la reprise : la plupart des programmes les plus coûteux nécessaires pour la croissance à venir seront tout simplement inabordables et inefficaces si les gouvernements tentent de les mettre en place seuls.

Les secteurs prioritaires ont été définis en s’appuyant sur les conversations préliminaires avec la communauté d’affaires canadienne. Il faudra mener un travail supplémentaire pour bien analyser les enjeux et formuler des recommandations sur ce que les entreprises, les gouvernements et les communautés peuvent faire pour ces secteurs. Le but de cet article est de susciter le débat et d’encourager le dialogue. Pour notre part, nous continuerons de recueillir les points de vue de dirigeants d’entreprise et de futurs leaders sur la manière dont nous pouvons transformer la société et l’économie du Canada pour offrir une société prospère à tous. Les résultats seront présentés à un moment ultérieur.

La COVID-19 a mis en lumière notre besoin et notre capacité d’agir de façon décisive en tant que nation. Certaines organisations ont rapidement modifié leur fonctionnement pour répondre aux nouveaux besoins de notre société, et d’autres sont allées encore plus loin et ont définitivement modifié leur mode de travail. La nécessité de réagir rapidement à la pandémie a accéléré les processus et permis de prendre des décisions bien plus rapidement que d’habitude. Les gouvernements de tout le pays, qui peinent depuis longtemps à passer des grands discours sur l’agilité à l’action, ont fait preuve de courage et pris des mesures rapides, décisives et audacieuses.

Si nous voulons que le Canada soit en meilleure position pour atteindre la prospérité, nous devons exploiter cette dynamique et reprendre à notre compte son caractère décisif et agile, aussi bien dans les entreprises que dans les gouvernements et la société au sens large. Aux États-Unis, les 100 premiers jours de mandat de Franklin D. Roosevelt, au cours desquels il a fait voter un nombre record de lois et créé la plupart des institutions de la politique du New Deal qui ont permis de redynamiser l’économie fédérale, constituent un exemple historique que le gouvernement et les entreprises devraient s’efforcer de suivre, d’autant plus qu’ils sont confrontés à un taux de chômage et à une récession économique d’une ampleur approchant celle de la Grande Dépression.

Au moment où les gouvernements et les entreprises de tout le Canada se préparent à rebâtir notre économie et notre société, nous disposons d’une occasion sans précédent de redéfinir le type de pays dans lequel nous voulons vivre et nous préparer pour un avenir prospère. Nous savons depuis longtemps que nous devons refaçonner l’économie et la société canadiennes pour nous montrer plus innovants et résilients, que nous devons avoir des objectifs plus ambitieux que le taux de croissance actuel de notre pays, et que nous devons arriver à la hauteur de nos alliés internationaux dans la recherche d’une croissance plus forte et d’une meilleure productivité. Aujourd’hui, plus peut-être qu’à tout autre moment de l’histoire de notre pays, la société exige que cette croissance soit équitable, contribue à améliorer le niveau de vie de tous et entretienne une relation plus saine avec notre planète.

Notes

  1. Analyse Deloitte, 2020-2029, réalisée avant la pandémie.
  2. 2010-2019.
  3. Catégorie définie par Statistique Canada comme le groupe des 15-24 ans (inclus).

Partenaires du secteur privé : Manuvie et Shopify

Partenaire de consultation : Deloitte

Gouvernement : Gouvernement du Canada

Gouvernements provinciaux :

British Columbia,  Saskatchewan, Ontario et Québec

Partenaires de recherche : Conseil national de recherches Canada et Centre des Compétences futures

Fondations: Metcalf Foundation

FPP tient à reconnaître que les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux des partenaires du projet.