La pandémie de la COVID-19 a créé une énigme financière pour les gouvernements : Comment peuvent-ils se sortir de leur endettement d’une façon qui protège l’avenir financier des jeunes générations? Pour ce faire, les gouvernements doivent adopter un éventail de stratégies fiscales qui favorisent des augmentations d’impôts judicieuses.

La pandémie de la COVID-19 et la crise économique qui en a résulté ont mis les gouvernements canadiens dans le rouge. Lors de sa mise à jour financière de juillet, le gouvernement fédéral a projeté un déficit de 343 milliards de dollars pour 2020–2021, en tenant compte tant des pertes de revenu que des dépenses supplémentaires encourues pour les programmes d’aide économique comme la Prestation canadienne d’urgence. Et le bilan des gouvernements provinciaux pourrait être encore pire.

Durant la pandémie, les Canadiens ont témoigné une solidarité sociale remarquable en faisant tourner au ralenti la majorité de l’activité économique et en modifiant leur comportement personnel afin de contenir la propagation du virus. Les aînés canadiens sont les personnes qui profitent le plus de ces mesures en raison de leur vulnérabilité à la COVID, tandis que les jeunes sont la tranche de la population qui subit le plus les répercussions de cette pandémie, dont les mesures de contrôle ont entraîné l’amoindrissement, voire l’interruption, de leurs études, ainsi que la fin de leur emploi déjà précaire.

Lorsque le risque de pandémie régressera, les gouvernements canadiens devront simultanément prendre le contrôle de la dette publique et stimuler la reprise économique. Quelle que soit la stratégie préconisée, le fardeau fiscal sera, d’une manière ou d’une autre, réparti entre les tranches d’âge. À cet égard, le Canada doit prioriser l’allègement des désavantages à long terme imposés aux jeunes par la crise.

La suspension de l’activité économique a affecté de façon disproportionnée les jeunes travailleurs. Les chiffres ci-dessous indiquent le taux d’emploi au Canada par tranche d’âge en points de pourcentage, en février 2020, juste avant la pandémie[1]. Au plus fort de la crise, en avril, les personnes de 15 à 29 ans ont connu la chute du taux d’emploi la plus abrupte, juste devant les trentenaires. De même, les jeunes Canadiens subissent les effets les plus marqués de la COVID‑19 au niveau de leur revenu et de leur capacité d’assumer leurs obligations financières et de combler leurs autres besoins essentiels.

Au plus fort de la pandémie, en avril, les personnes de 15 à 29 ans ont connu la chute du taux d’emploi la plus abrupte, juste devant les trentenaires.

Source : Statistique Canada, tableau 14-10-0017-01 (anciennement tableau CANSIM 282-0001).

Ces effets seraient malheureux, mais plus tolérables, si l’on avait l’assurance de leur brièveté. Cependant, à l’issue de certaines études, on a découvert qu’il faut au moins une décennie pour résorber les répercussions de l’obtention d’un diplôme pendant une récession. Parmi les autres résultats durables, mentionnons une baisse du taux de fécondité, une augmentation du taux de divorces, une détérioration de la santé comportementale et une mortalité plus élevée chez les personnes d’âge moyen.

Les effets à long terme chez les personnes dont la scolarité n’est pas terminée pourraient être encore pires, surtout pour les jeunes enfants et les personnes dont la situation socioéconomique est précaire. Selon une estimation faite aux É.-U., les étudiants pourraient commencer leur semestre d’automne avec seulement 70 % des capacités qu’ils ont acquises en lecture et moins de la moitié des connaissances qu’ils ont acquises en math durant l’année scolaire 2019–2020[2]. Selon les résultats d’autres travaux de recherche, l’interruption des études peut donner lieu à une forte diminution du QI chez les adultes. Bien que la majorité de l’enseignement se fasse maintenant en ligne, on constate, au vu de données probantes claires majoritairement issues du milieu de l’éducation supérieure, que l’enseignement en ligne est généralement beaucoup moins efficace pour aider les étudiants à atteindre leur niveau d’apprentissage cible et à terminer leurs études, surtout dans le cas des élèves atteints de déficits d’apprentissage. Les écoles sont de grands niveleurs de la société canadienne. Cependant, à cause de la réduction de leur efficacité durant la pandémie, les ressources, inégales, des parents joueront un rôle plus important dans la vie de leurs enfants.

L’avenir à long terme des jeunes Canadiens s’assombrira d’autant plus si les dettes accumulées durant la crise doivent retomber intégralement sur leurs épaules. Jusqu’ici, les représentants fédéraux et bon nombre d’analystes ont minimisé l’importance des récents emprunts[3]. Ils surestiment le rôle du gouvernement fédéral tout en négligeant les défis plus profonds auxquels sont confrontés les gouvernements provinciaux, et se fient à des prévisions optimistes concernant l’évolution de la pandémie et la croissance économique.

On a surtout tenu compte de la dette fédérale, ce qui est tout à fait compréhensible, vu que c’est Ottawa qui a contracté l’emprunt le plus élevé pour faire face à la crise et qui, en juillet 2020, se traduisait par un déficit équivalent à 16 % du PIB. Cependant, Ottawa a une capacité d’endettement supérieure à celle des provinces. À titre d’ordre de gouvernement supérieur, le gouvernement fédéral a des avantages au niveau de la fiscalité (en gros, comme les personnes et les investissements sont moins mobiles entre les pays qu’entre les administrations infranationales, la concurrence fiscale est moins féroce) et son rôle limité dans la prestation directe des services le protège de la croissance des coûts dans des secteurs comme les soins de santé.

Mais en gardant les yeux rivés sur l’endettement fédéral, on omet la majorité des risques qui planent sur le niveau de vie des Canadiens, car les provinces sont responsables de l’éducation et des soins de santé, les deux services publics les plus chers et les plus essentiels. Même avant la pandémie, la dette totale des gouvernements infranationaux équivalait presque à la dette fédérale, et le directeur parlementaire du budget estimait, du reste, que la trajectoire financière de ces gouvernements n’était pas viable. La Banque du Canada a contribué à alléger le coût des emprunts des provinces, mais certaines provinces font tout de même face à la possibilité bien réelle d’un défaut de paiement à long terme. Ottawa aimerait intervenir pour prévenir les défauts de paiement, mais une telle intervention aurait des répercussions négatives sur les services publics, et augmenterait d’autant plus la dette fédérale.

Il n’en reste pas moins que, lors de sa mise à jour financière de juillet, le gouvernement fédéral projetait une diminution réelle de seulement 6,8 % du PIB de 2020, pour autant qu’il n’y ait pas de deuxième vague de la pandémie qui oblige la reprise des mesures de distanciation sociale à l’automne. Or, si la pandémie s’aggrave, la croissance sera inférieure aux prévisions et il faudra continuer d’accroître les dépenses, ce qui nécessitera un emprunt gouvernemental supplémentaire.

De plus, rien ne garantit que la reprise économique sera soutenue lors de la régression de la pandémie. Le Canada a amorcé 2020 avec une sérieuse faiblesse structurelle, dont un endettement des entreprises et des ménages parmi les plus élevés au monde. Or, le gouvernement est, essentiellement, le filet de sécurité de la dette totale d’un pays.

Le Canada a déjà surmonté des dettes énormes. Suite à la Seconde Guerre mondiale, sa dette n’a pas entraîné de problème matériel, car elle a rétréci par rapport au PIB, lorsque la croissance économique de l’après-guerre a explosé. Le Globe and Mail a notamment laissé entendre que le Canada pourrait à nouveau suivre le même schéma, mais cette analyse ne doit pas nous donner trop confiance. En effet, l’économie de l’après-guerre a été la plus dynamique de l’histoire canadienne : elle était mue par une population jeune en pleine croissance, des compétences en plein essor et, peut-être avant tout, un progrès technologique sans précédent. Comme nous le voyons dans le graphique ci-dessous, la croissance économique par habitant a été bien plus faible au Canada durant les deux dernières décennies, voire plus, une tendance courante pour la majorité des économies avancées. Des auteurs comme Robert Gordon prédisent de façon convaincante une croissance relativement modeste dans un avenir prévisible.

La croissance économique par habitant a été bien plus faible au Canada durant les deux dernières décennies, voire plus.

Source : Données de la St. Louis Fed, complétées pour le Canada et la France avec les données de la Banque mondiale pour les années les plus récentes, et pour le Canada avec les données suivantes pour les années 1940: https://worthwhile.typepad.com/worthwhile_canadian_initi/2014/07/canada-one-hundred-and-forty-seven-years-of-economic-growth.html

L’argument le plus convaincant pour justifier l’absence de préoccupation face à l’endettement est le niveau historiquement bas des taux d’intérêt, qui sont, en fait, négatifs par rapport à l’inflation. Cela reflète bien la faiblesse de l’économie : les investisseurs voient peu d’activité privée qui valent la peine d’être financées et cherchent la sécurité en prêtant aux gouvernements, tandis que les banques centrales abaissent les taux d’intérêt par l’assouplissement quantitatif.

Mais, lors de la reprise économique, la demande de crédit du secteur privé devrait augmenter, et les banques centrales vont très probablement chercher à élever les taux d’intérêt. Le gouvernement fédéral axe ses achats d’obligations sur la dette à long terme pour se protéger de l’augmentation des taux d’intérêt, mais le trois‑quarts de ses obligations a encore une échéance de moins de 10 ans. Les provinces ont plus de difficultés à vendre leur dette à long terme. Les achats d’obligations de la Banque du Canada ont augmenté en importance et équivalent essentiellement à la dette à taux flottant, ce qui accroît l’exposition aux taux d’intérêt. Nous ne connaissons pas la trajectoire à venir des taux d’intérêt, mais il y a de bonnes raisons de penser qu’ils vont augmenter par rapport aux niveaux actuels.

Nos gouvernements ont eu raison d’emprunter les montants nécessaires pour aider les Canadiens à se prémunir des effets de la pandémie et de la distanciation sociale. Nous ne devons, cependant, pas oublier que nous aurons un prix à payer pour cela, et que nous devrons faire des choix à cet égard. Les gouvernements ont essentiellement trois approches pour réduire leur dette : la politique monétaire, l’ajustement des dépenses et l’augmentation des impôts. Chacune de ces stratégies aura des conséquences différentes pour les générations à venir.

La politique monétaire

Des taux d’intérêt bas aident les gouvernements à porter plus facilement leur dette. Si l’inflation augmente, mais que les taux d’intérêt demeurent relativement faibles, le fardeau associé à la dette du secteur public pourrait être substantiellement réduit.

L’inflation est une soupape de sécurité pour la dette publique, pour autant que vous empruntiez dans la monnaie nationale[4]. La montée de l’inflation réduit la valeur réelle du capital emprunté ainsi que le taux d’intérêt réel[5]. Le problème est que tous les prêteurs (i.e., toutes les personnes qui ont de l’épargne dans quelque domaine économique que ce soit) sont perdants. D’un point de vue générationnel, les jeunes dépendent peu de l’épargne, tandis que les personnes âgées en dépendent davantage. De plus, les riches ont, par définition, une épargne plus garnie. Il n’en reste pas moins que l’inflation est un instrument très radical qui porterait préjudice à des millions de personnes de la classe moyenne et aux retraités ou futurs retraités à faible revenu. Vu l’immense cohorte de baby-boomers à la retraite, ou sur le point de la prendre, il serait particulièrement déstabilisant de dévaluer l’épargne sur toute la ligne.

La modulation de l’inflation est également délicate sur le plan pratique. Entre 1970 et 1990, le Canada et les États-Unis ont eu du mal à réduire l’inflation, pour finir par augmenter les taux d’intérêt à des niveaux sans précédent. Ces mesures, qui ont provoqué une crise financière, ont été à l’origine du budget rigoureux déposé en 1995 par le ministre des Finances, Paul Martin. Plus récemment, les gouvernements ont connu le problème opposé du fait que l’inflation était tellement faible que les taux d’intérêt n’arrivaient pas à grimper, même durant les périodes d’expansion économique. Selon un journaliste de l’Economist, 91 % des régions du monde qui ciblaient l’inflation se sont retrouvées, l’automne dernier, avec une inflation inférieure à celle qu’elles ciblaient, y compris toutes les économies dites avancées, à l’exception de l’Island. Actuellement, c’est la déflation qui présente un risque, à cause de la chute de la demande, et cela pourrait avoir des répercussions économiques encore plus négatives (la chute continuelle des prix décourage toute forme de dépense). Il ne fait aucun doute que les banques centrales peuvent accroître l’inflation en imprimant plus d’argent, mais en essayant de modifier la tendance de la trajectoire de la sorte, elles risquent de faire croître l’inflation hors de leur contrôle. Les effets du taux de change pourraient alors se révéler particulièrement désastreux, car le Canada dépend du commerce international et des chaînes d’approvisionnement intégrées.

L’ajustement des dépenses

En ce qui concerne l’ajustement des dépenses, l’austérité est l’approche la mieux comprise pour remédier à une dette élevée; elle consiste, pour l’essentiel, à réduire les dépenses gouvernementales pour libérer des fonds. L’austérité peut prendre la forme de la limitation ou de la diminution des dépenses. Les répercussions intergénérationnelles de l’austérité dépendent de l’intensité et de la cible de la frappe.

Les gouvernements canadiens ont dû faire de nombreux choix pour décider s’il valait mieux emprunter ou dépenser durant la pandémie. La majorité d’entre eux, surtout le gouvernement fédéral, ont investi pour protéger la santé et les conditions de vie des Canadiens. Quelques gouvernements ont toutefois retenu leurs investissements dans certains domaines, plus particulièrement au niveau provincial. Par exemple, suite à un seul calcul, l’Ontario a, dans le cadre de son premier plan de réouverture des écoles, alloué seulement 78 cents supplémentaires par étudiant et par jour au budget de l’éducation, une approche comparable à celle de la plupart des autres provinces. Ce contrôle strict des coûts accroît les répercussions de la crise pour les enfants et leurs parents et soulève le risque d’une deuxième vague, qui mettrait le gouvernement dans une situation financière bien pire.

Bon nombre d’investissements consentis au cours des derniers mois ont été décrits comme des « aides économiques vitales » visant à prévenir la destruction de la capacité de production pour que l’économie connaisse une reprise moins abrupte. Maintenant que nous commençons à sortir de la pandémie, il est presque certain que nous aurons également besoin de véritables mesures de relance pour favoriser la reprise. Les mesures de relance traditionnelles ont tendance à être majoritairement axées sur des projets d’infrastructure physiques que l’on peut réaliser dans un délai spécifique. Les gouvernements ont aussi joué un rôle de filet de sécurité pour la dette privée des entreprises et des ménages afin de permettre à ces deux secteurs de reprendre leurs activités d’investissement et de consommation. Cependant, ces approches font l’objet de critiques croissantes, car elles n’aident pas les secteurs critiques de l’économie du 21e siècle et opèrent une discrimination de genre sur le plan structurel. Il faut que les nouvelles approches de relance permettent de promouvoir le rehaussement de la capacité de production de l’économie d’autres manières, notamment par le développement du capital humain ainsi qu’en augmentant la capacité de consommation d’un plus vaste éventail de Canadiens.

Immédiatement après la pandémie, la limitation ou la réduction des dépenses gouvernementales risquerait de ralentir la reprise et, par conséquent, d’aggraver la situation financière du gouvernement. Si des coupes se produisent suite à la relance, elles nuiront probablement et particulièrement aux jeunes. Actuellement, au Canada, les dépenses publiques sont axées sur les personnes âgées; il suffit de constater la croissance des parts allouées aux secteurs des soins de santé, des prestations de maladie et d’invalidité, et des pensions (35,6 % en 2018). Il n’en reste pas moins que ces dépenses sous-tendent le contrat social du Canada. Lors d’un sondage mené en 2019, 73 % des Canadiens ont indiqué que le régime de soins de santé universel de notre pays constituait une source de fierté personnelle ou collective pour le Canada. À n’en pas douter, la pandémie a renforcé le soutien du public envers les dépenses axées sur les soins de santé et les soins aux aînés. Les coupes budgétaires cibleraient donc plutôt d’autres domaines d’activité généralement plus pertinents pour les jeunes Canadiens.

En vérité, le Canada semble entrer dans une nouvelle ère. La notion reaganiste selon laquelle le « gouvernement est le problème » est maintenant insoutenable vu l’échec du marché libre de juguler le risque mondial de pandémie, ainsi que d’autres problèmes, comme le changement climatique, la précarité de l’emploi et la lenteur de la croissance de la productivité. En fait, il semblerait que les secteurs publics et parapublics connaîtront une croissance probable. Les investissements consentis durant la crise et la période de reprise subséquente pourraient être axés sur la création d’énergies vertes, la conservation de l’énergie, le transport public, la numérisation, l’éducation préscolaire et les garderies ainsi que sur les programmes de soins et d’aide au revenu pour les aînés.

L’austérité ne semble pas être dans l’air du temps. Tout porte à croire que l’on se dirige plutôt vers des dépenses publiques nouvelles et meilleures visant à accroître la prospérité, le bien‑être et la durabilité. Les conséquences de cette tendance sur le niveau d’endettement des gouvernements sont incertaines.

L’augmentation des recettes fiscales

L’augmentation des recettes fiscales est le troisième moyen de réduire une dette. Pour être efficace, une telle approche doit cibler les personnes qui ont les moyens de payer, mais il faudra alors soigneusement concevoir les augmentations d’impôt pour ne pas porter préjudice à la reprise. Mais il est possible d’atteindre un bon équilibre : au creux de la Seconde Guerre mondiale, le Canada a compté sur ses citoyens les plus riches, qui ont payé des impôts sur les revenus progressifs très élevés, ce qui n’a pas empêché la prospérité économique sans précédent que le pays a connue au cours des décennies suivantes.

La taxe la plus stratégique à augmenter serait la taxe sur le carbone axée sur les consommateurs, que la majorité des économistes préconisent parce qu’elle produit des revenus tout en décourageant la consommation de carburants polluants. La grande majorité des gens estiment que la taxe sur le carbone actuelle est bien trop faible pour modifier suffisamment le comportement des consommateurs. En adoptant une perspective générationnelle, les jeunes Canadiens peuvent s’attendre à subir les pires effets du changement climatique, tandis que les personnes au revenu élevé sont généralement plus âgées et consomment plus, ce qui entraîne une élévation des émissions de gaz à effet de serre par habitant.

La crise de la pandémie constitue une période relativement plus favorable pour passer à une économie plus verte, car le prix du pétrole est extrêmement bas, et pourrait demeurer en dessous des coûts antérieurs à la crise même si on augmente considérablement la taxe connexe. D’un autre côté, bon nombre de travailleurs dont l’industrie serait négativement touchée par une telle augmentation sont déjà obligés de changer de carrière[6]. Les personnes à faible revenu et les résidents des campagnes devraient continuer à bénéficier des remboursements de la taxe sur le carbone pour éviter une aggravation des difficultés causées par la pandémie, mais le gouvernement devrait alors conserver une grande partie des profits pour améliorer sa situation financière.

D’un point de vue intergénérationnel, il serait proactif de mieux aligner les impôts sur les gains en capitaux sur l’impôt sur le revenu d’emploi. Actuellement, l’impôt sur le revenu est deux fois plus élevé que l’impôt sur les gains en capital et 30 % plus élevé que le revenu de dividendes. Ce modèle favorise grandement les aînés Canadiens, aux dépens des jeunes, car la part du revenu en capital dans le revenu total augmente avec l’âge. En 2015, le taux d’exonération a fait qu’environ 27 milliards de dollars de gains en capital n’ont pas été imposés.

Le gouvernement fédéral pourrait introduire une nouvelle taxe sur le transfert des grandes fortunes personnelles, tant avant le décès qu’au moment du décès. On estime que la réintroduction d’un impôt sur l’héritage pour les successions de plus de 5 millions de dollars, similaire à l’impôt appliqué aux États-Unis, permettrait de lever deux milliards de dollars. Un taux plus élevé ou une exonération légèrement plus basse (par ex., 2,5 millions de dollars) serait encore plus rémunératrice. L’efficacité de ces formes de fiscalité dépend, bien sûr, de leur application adéquate.

Finalement, l’imposition des gains en capital issus du secteur immobilier pourrait encourager des investissements plus productifs et faciliterait la détente du marché immobilier, mais de façon mesurée. Ici également, il est moins probable que les jeunes fassent des gains en capital grâce à la vente d’une maison, et ils profiteraient au maximum de tout effet négatif de la politique sur le prix des maisons. L’application d’un impôt sur les gains en capital issus de la vente de biens immobiliers aurait permis à Ottawa d’engranger des recettes de six milliards de dollars en 2019, et ce montant aurait d’autant plus augmenté une fois associé à la réduction de l’exonération de l’impôt sur les gains en capital[7].

La pandémie de la COVID-19 a créé une incertitude sans précédent pour les décideurs. Deux choses que nous savons, cependant, avec certitude est que cette crise porte avant tout préjudice aux perspectives économiques des jeunes Canadiens, et que nous ne devons pas ignorer notre dette publique. J’ai mis en lumière les conséquences de trois stratégies visant à remédier au niveau élevé de la dette publique : la politique monétaire, l’ajustement des dépenses et la hausse des impôts. Les gouvernements adopteront probablement un mélange de ces stratégies, mais une augmentation judicieuse des impôts constitue la meilleure option pour améliorer la situation financière du Canada et permettre aux jeunes Canadiens de bénéficier de meilleures circonstances au sortir de la crise.

RÉFÉRENCES

  1. Le taux d’emploi reflète le pourcentage de la population active. Cette mesure est sans doute une meilleure mesure globale que le taux de chômage, car une personne au chômage doit activement chercher un emploi. Comme nos données ne sont pas désaisonnalisées, elles exagèrent probablement l’amélioration de la situation des jeunes travailleurs en mai et en juin, étant donné que c’est à cette période que bon nombre d’entre eux cherchent un emploi d’été.
  2. Ces scénarios reflètent l’absence d’enseignement au début de mars 2020.
  3. Voir, par exemple, le titre de l’éditorial du Globe and Mail du 27 avril : « How is Ottawa going to pay off its COVID‑19 debt? With any luck, it won’t have to. » (Comment Ottawa paiera sa dette de la COVID-19? Avec un peu de chance, ce ne sera même pas nécessaire.)
  4. Il ne s’agit pas d’une solution pour la dette payable en devises, car le taux de change s’ajustera en fonction de l’inflation. Au bout du compte, la baisse de la valeur de la monnaie nationale peut rendre les dettes intolérables, bien que cette situation ne soit actuellement pas envisageable pour le Canada.
  5. Une approche encore plus agressive consiste à rendre les taux d’intérêt négatifs. Cette stratégie nécessiterait des interventions politiques considérables pour obliger les Canadiens à conserver leurs dépôts et à ne pas mettre de l’argent sous leur matelas.
  6. L’augmentation de la taxe sur le carbone ne favoriserait pas la reprise de l’industrie du gaz et du pétrole du Canada, mais des tendances internationales plus vastes revêtent une importance pratique plus cruciale pour l’évolution de cette industrie, actuellement malmenée.
  7. Selon des versions plus limitées de cette proposition, on pourrait appliquer l’impôt sur les gains en capital uniquement aux biens immobiliers revendus durant une brève période (inférieure à 30 mois) ou à un prix supérieur à une limite déterminée (par ex., 1 million de dollars). De telles options pourraient faciliter la détente du marché de l’immobilier, mais produiraient des recettes bien inférieures.

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