La publication de la liste des employeurs autorisés à faire venir des immigrants au Canada dans le cadre du Programme pilote d’immigration au Canada atlantique constitue une première étape importante dans la lutte contre la fraude en matière d’immigration.

Hand draws map of Atlantic region in Image from Atlantic Immigration Pilot Program video

Kelly Toughill

ANALYSE DE KELLY TOUGHILL

Il faut du courage pour changer d’avis.

C’est pourquoi trois provinces de l’Atlantique méritent d’être félicitées d’avoir publié la liste des employeurs autorisés à choisir les prochains résidents permanents du Canada. La publication des listes renforcera la confiance dans ce Programme pilote et dissuadera les fraudeurs potentiels en matière d’immigration.

Le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique est unique à deux égards : il donne aux entreprises un pouvoir sans précédent de contribuer à façonner le pays et il est le seul programme d’immigration régional du pays. Il est également important parce qu’il peut servir de modèle pour de nouveaux programmes d’immigration partout au Canada.

Dans le cadre du Programme pilote, le gouvernement fédéral établit les normes de base en matière de langue, d’éducation, de santé et de sécurité, mais confie aux employeurs le soin de choisir les personnes qui pourront résider ici en permanence et, par la suite, devenir citoyens canadiens. Les gouvernements provinciaux du Nouveau‑Brunswick, de la Nouvelle‑Écosse, de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador décident des employeurs qui participent au programme. Les délais de traitement des demandes sont plus courts et les normes en matière de langue et d’éducation sont inférieures à celles de nombreux autres programmes d’immigration au Canada. De plus, les demandeurs peuvent obtenir un permis temporaire qui leur permet de venir au Canada et de commencer à travailler immédiatement pendant le traitement de leur demande de résidence permanente.

Le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique doit non seulement être honnête, il doit aussi être perçu comme tel. Il ne survivra pas s’il perd la confiance des citoyens, et son importance est trop grande pour qu’il échoue. 

Le Programme pilote a suscité un intérêt dans le monde entier lorsqu’il a été lancé au début de 2017. Les candidats potentiels ne pouvaient présenter leur demande qu’avec l’aide d’une entreprise, mais les listes provinciales des entreprises autorisées étaient confidentielles. En fait, seuls les agents d’immigration et les organismes d’établissement provinciaux y avaient accès.

De nombreux avocats, consultants et organismes d’établissement ont reçu des appels de candidats potentiels et d’agents à l’étranger qui cherchaient à savoir quels étaient les employeurs désignés pour le Programme. Certains ont offert de payer pour obtenir la liste. À Halifax, une femme est allée demander de magasin en magasin dans un centre commercial quelles étaient les entreprises qui avaient reçu l’approbation du Programme pilote.

En septembre, Terre‑Neuve‑et‑Labrador est devenue la première province à publier sa liste d’employeurs désignés. Sont venues ensuite la Nouvelle‑Écosse et l’Île‑du‑Prince‑Édouard. La liste du Nouveau‑Brunswick est toujours confidentielle.

Le changement de politique est encourageant pour celles et ceux qui souhaitent d’autres ajustements encore au Programme pilote. Invités à donner leur avis, des avocats, des travailleurs de l’établissement, des consultants et des employeurs de toute la région ont salué les changements apportés jusque‑là au Programme pilote et formulé d’autres recommandations pour améliorer cette expérience importante.

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Voici les changements qu’ils ont salués :

  • Les permis de travail temporaires sont maintenant délivrés pour une année complète, ce qui permet aux demandeurs de recevoir des soins de santé en attendant le traitement de leur demande de résidence permanente.
  • Les conjoints peuvent maintenant obtenir un permis de travail en attendant le traitement de la demande de résidence permanente de la famille.
  • Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a mis sur pied un portail spécial en ligne pour aider les employeurs à remplir les documents requis pour faire une offre d’emploi dans le cadre du Programme pilote.
  • Les entreprises nouvelles au Canada atlantique peuvent recruter dans le cadre du Programme pilote si elles bénéficient de l’appui de l’organisme de développement économique de la province concernée.

Voici les changements qui, selon eux, doivent encore être apportés :

  • Les documents attestant les niveaux de langue et de scolarité devraient être exigés dans le cadre de la demande de permis de travail temporaire présentée en vertu du programme, et pas seulement dans le cadre de la demande de résidence permanente. Certains nouveaux arrivants sont arrivés munis d’un permis de travail et ont découvert qu’ils n’étaient pas admissibles au Programme pilote parce que personne n’avait vérifié leurs compétences linguistiques ou leurs titres de compétence. 
  • Le travail autonome devrait compter comme expérience de travail pour déterminer l’admissibilité au Programme pilote, en particulier pour les professions hautement qualifiées. La plupart des candidats doivent avoir une expérience de travail pour être admissibles au Programme pilote, mais de nombreux professionnels travaillent à titre contractuel pour des entreprises. Cela signifie que beaucoup d’ingénieurs, de développeurs de logiciels et de consultants financiers ne sont pas admissibles au Programme pilote.
  • La période d’admissibilité devrait être prolongée pour les étudiants étrangers. À l’heure actuelle, ils doivent présenter une demande pour le volet étudiant du Programme pilote dans l’année suivant l’obtention de leur diplôme dans une université ou un collège public de l’Atlantique. Bon nombre de ceux qui sont dans leur deuxième ou troisième année d’un permis de travail postdiplôme n’ont pas l’expérience de travail voulue pour être admissibles aux deux volets non étudiants du Programme pilote.
  • Les employeurs devraient s’adresser à des organismes d’établissement locaux ou régionaux pour élaborer des plans avant l’arrivée, plutôt qu’à des organismes extérieurs à la région qui ne connaissent pas les réalités locales.
  • Les entreprises qui exercent leurs activités à partir d’une résidence privée, qui n’ont pas d’employés et qui n’ont pas de revenus importants ne devraient plus être autorisées à participer au Programme pilote.

Cette dernière recommandation fait allusion à un problème omniprésent : la fraude en matière d’immigration. Les programmes d’immigration attirent les fraudeurs parce que les enjeux sont élevés, qu’on laisse beaucoup de latitude dans le choix des immigrants et que la plupart des décisions sont prises en toute confidentialité. Donner aux entreprises le droit de choisir les prochains résidents permanents et citoyens du Canada ajoute encore au risque de fraude éventuelle. Certains vont essayer de soudoyer un employeur pour qu’il les embauche dans le cadre du Programme pilote, si ce n’est déjà fait.

Il est encourageant de savoir que des entreprises peuvent être retirées de la liste. Jusqu’à présent, l’Île‑du‑Prince‑Édouard est la seule province à l’avoir fait.

Voici donc une recommandation : publier les résultats d’un programme qui surveille l’intégrité des employeurs, en précisant la méthode suivie, mais sans donner de nom.

Le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique doit non seulement être honnête, il doit aussi être perçu comme tel. Il ne survivra pas s’il perd la confiance des citoyens, et son importance est trop grande pour qu’il échoue.

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Le présent article s’inscrit dans le cadre du programme triennal Immigration et revitalisation de la région de l’Atlantique du FPP. Recevez notre bulletin d’information pour vous tenir au courant des dernières recherches.

Kelly Toughill est chercheuse consultante au FPP, spécialiste des politiques d’immigration. Journaliste primée, elle est aussi professeure agrégée de journalisme à l’University of King’s College à Halifax et fondatrice de Polestar Immigration Research.