By Amanda Hachey et Jules Maitland, PhD


L’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) est depuis longtemps applaudie pour son approche novatrice et systémique de l’éducation de la petite enfance, grâce à une association professionnelle bien établie qui entretient une solide relation de travail avec la Province. Reconnue comme « l’une des trois seules Provinces à avoir adopté une approche « systématique » de la conception, du financement et de la prestation des services de garde d’enfants », cette approche systémique est évidente dans les multiples initiatives émergentes en matière de main-d’œuvre qui soutiennent les nouvelles recrues et la certification professionnelle des travailleuses et des travailleurs actuels, tout en encourageant les personnes qui ont quitté le secteur à y revenir.

Contexte actuel

Le ministère de l’Éducation et de l’Apprentissage continu définit la politique générale, la législation et la réglementation relatives aux établissements d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (AGJE). La Early Learning and Child Care Act, 2019 (Loi de 2019 sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants) décrit les exigences en matière de certification et de permis des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance dans les centres d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Et l’Association pour le développement de la petite enfance (ADPE) de l’Île-du-Prince-Édouard, qui a été créée en 1974 et compte aujourd’hui plus de 600 membres, promeut et soutient les programmes et services connexes destinés aux enfants et aux familles de l’Île-du-Prince-Édouard.

Une enquête menée en 2019 a révélé que 65,6 pour cent des enfants de l’Île-du-Prince-Édouard âgés de cinq ans et moins participent à une forme d’apprentissage et de garde non parentale. En 2020, des places réglementées existaient pour 53 pour cent des enfants âgés de cinq ans et moins (3 888 (en anglais) places pour 7 288 enfants).       Le rapport 2020 sur l’ÉPE de l’Î.-P.-É. (en anglais) estimait la fréquentation à 15,5 pour cent des nourrissons de moins de deux ans et à 75 pour cent des enfants de deux à cinq ans.

 

On compte 161 centres agréés en activité dans la province. Les places réglementés dans la province comprennent les centres de la petite enfance désignés, les centres préscolaires, les centres pour enfants d’âge scolaire, les centres de la petite enfance non désignés et les centres familiaux agréés. Les centres de la petite enfance désignés sont des centres gérés par le secteur public, mais exploités par le secteur privé qui, en plus de satisfaire aux exigences en matière de permis, acceptent de respecter des normes supplémentaires en matière de formation du personnel, de programmes d’études, de salaires, de frais et de gouvernance. Les centres désignés et les programmes autonomes de prématernelle reçoivent un financement opérationnel du gouvernement et ont des personnes accompagnatrices régionales qui leur sont assignées par la Province. Ce poste permet de promouvoir et d’améliorer la qualité des soins et de l’éducation de la petite enfance pour les enfants et leurs familles grâce à des consultations sur place avec les directions et les responsables des centres agréés

En mars 2022, on trouve 66 centres de la petite enfance avec une désignation de centre de la petite enfance et 17 centres de la petite enfance sans désignation de centre de la petite enfance.

Les centres et foyers réglementés doivent respecter les mêmes ratios (en anglais) membres du personnel / enfants :

 

Groupe d’âge Ratio personnel/enfants (intérieur) Ratio personnel/enfants (extérieur)
Jusqu’à 22 mois 1:3 1:3
22 à 35 mois 1:5 1:7
3 ans à entrée à l’école 1:10 1:15

 

La seule catégorie pour laquelle la législation prévoit une taille maximale de groupe est celle des nourrissons dans les centres agréés, qui ne peut dépasser six nourrissons âgés de 22 mois ou moins.

Un sondage de 2020 sur les frais de garde d’enfants (en anglais) a montré que l’Île-du-Prince-Édouard avait les frais les plus bas au Canada, les frais mensuels médians étant de 738 $ pour les nourrissons, de 608 $ pour les tout-petits et de 586 $ pour les enfants d’âge préscolaire.

En juillet 2021, le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a signé une entente de financement fédérale-provinciale dans laquelle il s’engage à fournir aux familles de l’Île des services de garde d’enfants à 10 $ par jour, en moyenne, d’ici 2026. En janvier 2022, la Province a fait un premier pas vers l’objectif de 10 $ par jour dans les centres de la petite enfance en réduisant les frais quotidiens à 25 $ (d’entre 27 $ et 34 $), subventionnés par l’entente bilatérale.

Effectif existant

Les données du recensement de 2016 ont révélé que 768 personnes travaillaient comme éducatrices, éducateurs, adjointes et adjoints de la petite enfance dans la province. De ce nombre, 94 % étaient des femmes, 5 % étaient Autochtones, 6 % étaient des immigrants et 3 % appartenaient à des minorités visibles. Un peu moins du quart ont 45 ans ou plus et, dans l’ensemble, la main-d’œuvre plus âgée des ÉPE compte une plus grande proportion de personnes ayant fait des études postsecondaires.

La formation minimale requise pour travailler en tant qu’éducatrices, éducateurs, adjointes et adjoints dans les centres AGJE est la réussite d’un certificat de premiers soins. L’Île-du-Prince-Édouard compte huit différents types d’agrément en EPE (en anglais) – le plus grand nombre de toutes les provinces et territoires. Les exigences académiques de chacun sont résumées ci-dessous.

  • Certificat d’éducatrice ou d’éducateur de la petite enfance 1 : un cours de 30 heures dans chacun des domaines suivants : (1) croissance et développement de l’enfant; (b) orientation de l’enfant; (c) pédagogie de la petite enfance.
  • Certificat d’éducatrices ou d’éducateur de jeunes enfants 2 : programme de certificat d’un an
  • Certificat d’éducatrice ou d’éducateur de la petite enfance 3 : programme de deux ans menant à un diplôme
  • Certificat de responsable de la petite enfance : diplôme de deux ans et au moins 3 900 heures d’expérience pertinente
  • Certificat de direction de la petite enfance : diplôme et au moins 9 750 heures d’expérience
  • Certificat d’aide à l’intégration : programme de certificat d’un an ou diplôme de deux ans en études de la petite enfance, garde de jeunes enfants ou services à la personne
  • Certificat de responsable de garde d’enfants en milieu familial : cours de 30 heures
  • Certificat de prestataire de services de garde d’enfants d’âge scolaire : cours de 30 heures

Une formation supplémentaire peut être nécessaire pour travailler en tant qu’éducatrice ou éducateur de la petite enfance dans les centres des Premières Nations, en fonction de l’obligation de rendre des comptes à plusieurs organes directeurs différents. Après qu’elles et qu’ils sont certifiés, toutes les éducatrices et tous les éducateurs doivent suivre 45 heures (en anglais) de perfectionnement professionnel tous les trois ans pour conserver leur certification.

Pour chaque centre, il doit y avoir au moins une direction ou une personne superviseure d’ÉPE et, si du personnel supplémentaire est nécessaire, au moins une personne doit être une éducatrice certifiée en ÉPE de niveau 2 ou plus. Un rapport de 2020 sur le professionnalisme dans le secteur (en anglais) a souligné que cette exigence est nettement inférieure à celle de toute autre Province ou Territoire ayant des exigences de certification qui fixent un pourcentage pour la certification du personnel.

Une enquête menée en 2019 auprès des centres de l’Î.-P.-É. a révélé que 80 % du personnel possède un certain niveau de formation en ÉPE, dont une majorité (56 %) est de niveau trois ou ayant une certification de personne superviseure. La rémunération actuelle des éducatrices et des éducateurs des centres de la petite enfance varie de 13,25 $ l’heure (sans titre de compétence en ÉPE) à 26,06 $ l’heure (sans compter les échelles salariales des directions).

Grille des salaires horaires des centres de la petite enfance (en angla(en vigueur le 1er octobre 2021)          [1]

Poste[2] Éducation complète Expérience après la certification
1 an ou moins

ÉTAPE 1

2 ans

 

ÉTAPE 2

3 ans

 

ÉTAPE 3

4 ans

 

ÉTAPE 4

5 ans ou plus

ÉTAPE 5

Direction[3] Diplôme d’études postsecondaires 30,35 $ 31,08 $ 31,83 $ 32,38 $ 33,37 $
ÉPE niveau 3 Diplôme de deux ans 24,11 $ 24,58 $ 25,05 $ 25,54 $ 26,06 $
ÉPE Niveau 2 Certification d’un an 19,05 $ 19,47 $ 19,91 $ 20,35 $ 20,78 $
ÉPE Niveau 1 3 cours de 30 heures en ÉPE 15,98 $ 16,36 $ 16,74 $ 17,14 $ 17,55 $
Cuisinière ou cuisinier   14,50 $        
Personne non certifiée s.o. salaire minimum        
Personnel de soutien s.o. salaire minimum        

 

Au moment de la rédaction du présent document, le salaire minimum à l’Î.-P.-É. est de 13,70 $ l’heure. Le salaire moyen des ÉPE, qui s’élève à 45 884,80 $ (en anglais), représente 59 % du salaire d’une enseignante ou d’un enseignant. Lorsqu’on la compare à d’autres professions du système public qui exigent également un diplôme de deux ans, l’échelle salariale récemment mise à jour pour les ÉPE certifiés de niveau trois accuse un retard (en anglais) de 2 $ l’heure sur les aides pédagogiques et de 5 $ l’heure sur les travailleuses et les travailleurs des services à la jeunesse.

Bien qu’il n’existe pas de chiffres permettant de quantifier la pénurie de main-d’œuvre en ÉPE, le rapport de 2020 sur le professionnalisme en ÉPE (en anglais) a présenté les conclusions d’une étude sur les RH de 2019 en résumant le défi de trouver des candidates et des candidats qualifiés pour les postes vacants :

« La difficulté la plus courante signalée par les directions est qu’il n’y a pas ou peu de candidates ou de candidats qualifiés parmi lesquels choisir (87 %). En outre, 77 % des directions ont indiqué que le manque de compétences des candidates et des candidats pour le poste était très pertinent pour leurs difficultés à recruter du nouveau personnel; 68 % des directions ont indiqué que le manque d’expérience professionnelle était pertinent; et 73 % ont indiqué que les candidates et les candidats n’étaient pas satisfaits du salaire offert. »

 Après deux années de fonctionnement quasi continu pendant toute la durée de la pandémie de COVID-19, y compris la prestation de services à d’autres travailleuses et travailleurs essentiels, la pression sur le secteur est sans aucun doute amplifiée.

[1] Extrait de la politique de l’Î.-P.-É., communiquée par courriel aux autrices.

[2] Le personnel doit avoir atteint le niveau d’éducation requis et être agréé par le Conseil des établissements de services de garde pour commencer la tranche de rémunération correspondante.

[3] Le financement du poste de direction restera au niveau initial de la fourchette salariale jusqu’à ce que la direction obtienne la certification du Conseil des établissements de services de garde au niveau de direction.

Développement de la main-d’œuvre

Le Holland College et le Collège de l’Île sont les deux collèges communautaires de l’Île-du-Prince-Édouard qui offrent chacun les trois cours de niveau d’entrée requis pour devenir une ou un ÉPE de niveau un, le certificat d’un an requis pour le niveau deux et le diplôme de deux ans requis pour le niveau trois. Le Collège Holland accueille les étudiantes et les étudiants anglophones.

La Province offre des subventions de formation en éducation de la petite enfance pour couvrir 100 % des frais de scolarité des cours admissibles, jusqu’à concurrence de 2 500 $ par personne qui en fait la demande. Ces subventions sont destinées au personnel permanent, occasionnel, à temps partiel et temporaire des centres de la petite enfance (y compris les centres de garde d’enfants), des centres préscolaires et des centres familiaux agréés qui poursuit des études postsecondaires. L’ADPE offre chaque année à ses membres et à l’ensemble du secteur plus de 80 heures de formation professionnelle.

Pour appuyer le développement professionnel continu, l’Association pour le développement de la petite enfance (ADPE) propose une conférence annuelle de deux jours à l’automne et d’une journée au printemps. Le financement du ministère de l’Éducation destiné aux centres de la petite enfance n’est pas interrompu pendant ces journées de fermeture en raison du développement professionnel provincial.

L’approche systématique de l’Î.-P.-É. en matière d’éducation de la petite enfance est également évidente dans les approches émergentes en matière de développement de la main-d’œuvre. Pour attirer de nouvelles recrues dans la profession, l’ADPE a élaboré le programme Étapes vers le succès, qui a été lancé en vertu du Fonds d’intégration à la main-d’œuvre en période de pandémie. La première itération du programme a fourni une formation, un mentorat, l’établissement d’objectifs et une expérience en milieu de travail à 12 personnes sans emploi ou sous-employées, qui sont toutes devenues des ÉPE de niveau 1. Maintenant dans sa deuxième année, le programme est ouvert à toute personne intéressée à travailler dans le secteur.

Grâce en partie aux remplacements effectués par les participants au programme Étapes vers le succès (en anglais), un nouveau programme accéléré d’éducation de la petite enfance a vu le jour en 2022. Ce programme offre aux éducatrices et éducateurs en activité qui ont au moins deux ans d’expérience un moyen de passer en 16 semaines du niveau un au niveau deux, ou en 21 semaines du niveau deux au niveau trois. Le Collège de l’Île explore également les possibilités d’intégrer un système de reconnaissance des acquis dans ses offres ainsi que d’augmenter les options d’études autogérées et de micro-crédits.

 En 2020, le ministère de l’Éducation et de l’Apprentissage continu ainsi que les exploitants et les éducatrices et éducateurs de l’ADPE et de l’AGJE, ont participé au Labo sur l’éducation à la petite enfance du Canada atlantique afin d’explorer les défis et les possibilités concernant le soutien aux ÉPE pour faire progresser leur pratique professionnelle.

L’équipe de l’Île-du-Prince-Édouard a exploré l’écart dans l’échelle des carrières pour les éducatrices et les éducateurs expérimentés et motivés ayant un niveau de certification plus élevé. L’essai sur le terrain d’un programme de mentorat intégré a révélé que la combinaison de la formation par mentorat et du soutien par les pairs avait un impact positif sur les aspirations des ÉPE à faire progresser leur carrière par la formation. Les ÉPE ont fait état d’un sentiment de confiance accru parmi leurs pairs pour poser des questions et discuter des difficultés qu’ils rencontrent en classe. Les centres où le personnel participe pleinement ont signalé un changement positif dans les conversations entre employées et employés. Ces observations indiquent la valeur du développement continu du concept.

En plus d’attirer de nouvelles recrues et de soutenir les éducatrices et les éducateurs établis dans leur développement professionnel, la Province encourage activement les anciennes éducatrices et les anciens éducateurs à revenir dans le secteur. La subvention de retour à l’éducation de la petite enfance (ÉPE) soutient le retour des éducatrices et des éducateurs qualifiés qui travaillent avec des enfants d’âge préscolaire (de nourrisson à l’entrée à l’école). Cette subvention unique de 5 000 $ est un incitatif pour les éducatrices et les éducateurs de niveau trois qui ont quitté le secteur et qui sont prêts à y retourner et à s’engager dans un contrat de travail de deux ans avec un centre agréé d’ÉPE.

L’Î.-P.-É. a également reconnu les personnes qui sont restées dans le système. Une subvention de rétention était offerte en 2022 pour reconnaître les personnes qui travaillaient dans le système depuis douze mois ou plus. Le ministère de l’Éducation et de l’Apprentissage continu travaille actuellement avec l’ADPE de l’Î.-P.-É. pour créer et lancer un programme de retraite enregistré en 2022-2023.

Bien que l’Île-du-Prince-Édouard ait peut-être le système de formation et de délivrance de titres et de certificats le plus solide du Canada atlantique pour les ÉPE, on constate toujours une pénurie d’ÉPE qualifiés, ce qui entraîne une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur semblable à celle des autres provinces et territoires. Cependant, l’Île-du-Prince-Édouard a un taux de fréquentation des services de garde remarquablement élevé pour les enfants âgés de deux à cinq ans, ce qui signifie que l’impact de l’entente de 10 $ par jour au Canada sur la demande n’aura probablement pas le même effet sur la main-d’œuvre que dans d’autres provinces.