Auteures : Jules Maitland, PhD, et Amanda Hachey


En juillet 2021, Terre-Neuve-et-Labrador a signé le Plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien, l’entente de financement fédérale-provinciale qui vise à réduire les frais de garde des parents à 10 $ par jour d’ici la fin de 2026. L’atteinte de cet objectif ne se fera pas sans difficultés, compte tenu de la pression exercée sur le secteur des services de garde de la province tout au long de la pandémie de COVID-19. Cependant, en janvier 2022, la Province a fait un premier pas en réduisant les frais à 15 $ par jour, et de nombreuses initiatives voient le jour pour renforcer la résilience du secteur.

Contexte actuel

Le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance définit la politique générale, la législation et les règlements relatifs aux établissements d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, et la loi de 2017 sur la garde d’enfants (en anglais) définit les paramètres de fonctionnement des services de garde d’enfants réglementés. L’Association of Early Childhood Educators NL (AECENL) (en anglais), créée en 1989, est l’organisme professionnel des personnes qualifiées dans le domaine de l’éducation de la petite enfance (ECE) ou qui travaillent dans des services de garde d’enfants ou dans des domaines connexes.

Une enquête de 2019 a révélé que,

57,8 % des enfants âgés de cinq ans et moins participent à une forme d’apprentissage précoce et de garde d’enfants non parentale.

Les places réglementées comprennent les programmes offerts dans des centres et les programmes offert par des fournisseurs de services de garde en milieu familial. Il existe 187 (en anglais) programmes en centres et 119 (en anglais) prestataires de services de garde en milieu familial, mais on ne sait pas exactement combien de places existent pour les quelque 19 556 enfants de moins de cinq ans. Selon le Rapport sur l’éducation à la petite enfance de Terre-Neuve-et-Labrador (en anglais) de 2020, 34 pour cent des enfants âgés de 24 mois à moins de cinq ans fréquentent des services de garde ou des établissements préscolaires, et environ un pour cent de plus participent à des programmes Head Start pour les Autochtones. Contrairement aux autres provinces de l’Atlantique, les services de garde d’enfants de Terre-Neuve-et-Labrador sont principalement offerts par le secteur à but lucratif (70 % des places).

La capacité maximale des centres réglementés (ratio (en anglais) membres du personnel / enfants et taille des groupes) est la suivante :

Groupe d’âge Ratio personnel-enfants Taille maximale du groupe
0 – < 24 mois (nourrissons) 1:3 6
Combinaison de nourrissons et de bambins 1:3 6[1]
18 mois – < 3 ans (bambins) 1:5 10
Combinaison de bambins et d’enfants d’âge préscolaire 1:7 141
33 mois – < 7 ans (préscolaire) 1:8 16

Le ratio et la taille maximale des groupes pour les services de garde en milieu familial réglementés varient en fonction de la composition des groupes par rapport à l’âge des enfants qui les composent. Les ratios pour les services de garde en milieu familial sont légèrement différents[2].

Une enquête de 2020 sur les frais de garde d’enfants au Canada a montré que les frais mensuels médians à Terre-Neuve-et-Labrador étaient de 995 $ pour les nourrissons, de 726 $ pour les bambins et de 660 $ pour les enfants d’âge préscolaire. Une subvention pour la garde d’enfants (en anglais) est offerte aux familles dont les enfants fréquentent un service de garde réglementé, et ce, pour offrir un soutien à échelle mobile aux familles dont le revenu net est inférieur à un seuil déterminé par le nombre d’enfants qui fréquentent le service.

En janvier 2021, la Province a lancé une initiative de garde d’enfants à 25 $ par jour (en anglais). En s’appuyant sur le programme préexistant de subventions de fonctionnement (en anglais), les établissements réglementés peuvent demander à subventionner leurs coûts de fonctionnement afin de réduire les frais. En date du 20 mars 2021 (en anglais), 85 % des centres de garde d’enfants et 75 % des services en milieu familial réglementées y participaient. Et en juillet 2021, la Province a signé l’entente de financement fédéral-provincial dans laquelle elle s’engage à réduire davantage les coûts pour les familles en offrant des services de garde d’enfants à 10 $ par jour, en moyenne, d’ici 2026.

Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour les parents, on ne sait pas ce que cela signifie pour la viabilité financière à long terme du système de garde d’enfants de Terre-Neuve-et-Labrador, qui est principalement offert par des centres et des services en milieu familial privés à but lucratif.

Effectif existant

Les données du Recensement de 2016 ont révélé que 1 570 personnes travaillaient comme éducatrices et assistantes de la petite enfance dans la province. De ce nombre, 96 pour cent sont des femmes, neuf pour cent sont des Autochtones, quatre pour cent sont des immigrantes ou immigrants et quatre pour cent font partie des minorités visibles. Un peu plus du tiers (34,8 %) ont 45 ans ou plus. Dans l’ensemble, la main-d’œuvre plus âgée des ÉPE compte une proportion plus élevée de personnes ayant fait des études postsecondaires.

Il existe cinq niveaux (en anglais) d’agrément en ÉPE à Terre-Neuve-et-Labrador. Les personnes qui satisfont aux exigences minimales sont considérées comme des stagiaires, doivent suivre au moins deux cours par an dans le cadre d’un programme d’études postsecondaires en ÉPE approuvé pour obtenir le renouvellement de l’agrément et doivent passer à un niveau supérieur dans les cinq ans. Les exigences de formation pour chaque niveau d’agrément en ÉPE sont les suivantes :

  • Niveau stagiaire : Réussir les certificats de premiers soins et de RCR ainsi que la formation d’orientation en ÉPE et fournir la preuve d’inscription à un programme d’ÉPE postsecondaire approuvé.
  • Niveau I : Programme de certificat en ÉPE d’un an approuvé par la Province (ou l’équivalent)
  • Niveau II : Programme de diplôme d’ÉPE de deux ans approuvé par la Province
  • Niveau III : certification de niveau II plus spécialisation post-diplôme ou certificat d’ÉPE reconnu par la Province plus un diplôme universitaire
  • Niveau IV : Diplôme universitaire en ÉPE ou diplôme universitaire et diplôme en ÉPE reconnu par la Province

Une formation supplémentaire peut être nécessaire pour travailler en tant qu’éducatrice ou éducateur de la petite enfance dans les centres des Premières nations, en raison de l’obligation de rendre des comptes à plusieurs organes directeurs différents. Les ÉPE de niveaux I à IV doivent suivre 30 heures de perfectionnement professionnel tous les trois ans pour renouveler leur agrément.

Les exigences minimales de certification (en anglais) pour les établissements réglementés dépendent de l’âge et de la taille du groupe.

Groupe d’âge Certification minimale requise
0 – < 24 mois (nourrissons) Niveau I – Classification nourrissons
Combinaison de nourrissons et de bambins 50 % du personnel doit être titulaire du niveau I – Classification préscolaire
18 mois – < 3 ans (bambins) 50 % du personnel doit être titulaire du niveau I – Classification préscolaire et Niveau I – Classification nourrissons
Combinaison de bambins et d’enfants d’âge préscolaire 50 % du personnel doit être titulaire du niveau I – Classification préscolaire
33 mois – < 7 ans (préscolaire)

L’AECENL organise une conférence provinciale annuelle afin de réunir les personnes qui travaillent dans le domaine. Ces personnes ont l’occasion d’entendre des conférenciers experts ainsi que de participer à des ateliers et des possibilités de réseautage.

Les niveaux de certification globaux du secteur sont en hausse. Entre 2007 et 2019 (en anglais), le pourcentage de praticiennes et de praticiens ayant une certification en ÉPE (y compris les stagiaires) est passé de 78,1 % à 93,7 %, et celui des personnes ayant un diplôme de deux ans est passé de 47,4 % à 54,3 %. Cependant, depuis 2019, environ 50 % des praticiennes et des praticiens devront se mettre à niveau pour atteindre la norme minimale requise de niveau 1, ce qui, selon les personnes ayant répondu au sondage, représente un nombre inacceptable de praticiennes et de praticiens.

Le salaire minimum dans la province est de 13,20 $ l’heure. Le salaire moyen des éducatrices et des éducateurs de Terre-Neuve-et-Labrador est de 17,91 $ (en anglais) l’heure.

De plus, la Province offre un supplément pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants (en anglais) aux éducatrices et éducateurs de la petite enfance admissibles (ainsi qu’aux administratrices, administrateurs, surveillantes et surveillants) afin d’attirer un plus grand nombre de personnes qualifiées pour travailler dans les milieux de garde réglementés. Le supplément annuel varie de 12 900 $ à 15 400 $, selon le niveau d’agrément de l’éducatrice ou de l’éducateur. En supposant un salaire annuel basé sur le taux horaire moyen de 17,91 $ l’heure et un supplément de niveau IV, le Rapport sur l’éducation à la petite enfance de Terre-Neuve-et-Labrador (en anglais) de 2020 a observé que le salaire annuel d’une ou d’un ÉPE représente 61 pour cent de celui d’une enseignante ou d’un enseignant.

En 2019, une étude sur les problèmes de recrutement et de rétention (en anglais) de la main-d’œuvre réglementée des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants a conclu que « au moins 100 praticiennes et praticiens quittent le secteur tous les ans tandis qu’il n’y a qu’une cinquantaine de personnes diplômées en ÉPE. Si cette tendance se maintient, il sera tout simplement impossible pour le secteur d’obtenir et de conserver une main-d’œuvre qualifiée et il devra de plus en plus compter sur l’embauche de candidates et de candidats non qualifiés pour pourvoir les postes vacants ». Cette déclaration, faite avant la COVID-19, a imposé un fardeau supplémentaire sur un secteur déjà surchargé.

Développement de la main-d’œuvre

Le College of the North Atlantic et le Keyin College offrent tous deux une formation en ÉPE : un certificat en ÉPE d’un an et un diplôme de deux ans, en personne et en ligne. Le College of the North Atlantic propose également un diplôme avancé en leadership administratif en ÉPE.

Le rapport de 2019 sur le recrutement et la rétetion a révélé que 21,1 % des praticiennes et des praticiens cherchent activement à améliorer leurs qualifications, mais la liste d’attente pour la formation à distance suscite de grandes inquiétudes, des rapports anecdotiques indiquant que la durée d’attente pour certains cours peut atteindre de deux à trois ans.

L’offre d’un nombre suffisant d’options dans les régions éloignées et les communautés représente un défi pour une province dont la population est si disparate sur le plan géographique et si rurale, surtout lorsque les cours comportent l’obligation d’effectuer un stage pratique de cinq semaines, souvent loin de chez soi. La bourse de stage pratique (en anglais) du ministère de l’Éducation vise à réduire les obstacles financiers en fournissant 835 $ par semaine (jusqu’à un total de 2 500 $) aux étudiantes et étudiants en éducation de la petite enfance qui doivent effectuer un stage pratique à un campus.

Diverses aides financières sont disponibles pour les ÉPE agréées et agréés qui avancent dans leur niveau d’agrément. Une bourse pour les stagiaires en ÉPE (en anglais), offerte dans le cadre d’un partenariat entre la Province et l’AECENL, fournit 250 $ par cours postsecondaire terminé avec succès pour les éducatrices et éducateurs de la petite enfance qui passent au niveau I de l’agrément.

De plus, la bourse pour diplômées et diplômés en ÉPE (en anglais) du ministère de l’Éducation offre jusqu’à 7 500 $ aux diplômées et diplômés d’un programme de diplôme en ÉPE de la Province pour aider à réduire la dette étudiante. En contrepartie, les boursières et les boursiers doivent s’engager à travailler dans un service de garde d’enfants réglementé de la Province pendant trois ans après l’obtention de leur diplôme.

En 2020, le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance ainsi que l’AECENL et des administratrices, des administrateurs, des éducatrices et des éducateurs de services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, ont participé au Laboratoire sur l’éducation à la petite enfance du Canada atlantique afin d’explorer les défis et les possibilités concernant le soutien aux ÉPE dans l’avancement de leur pratique professionnelle.

Un programme d’amélioration de la qualité de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants (en anglais) a vu le jour en juillet 2021 afin de fournir un soutien financier et des services de consultation pour renforcer la capacité du secteur à améliorer la qualité de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants pour tous les enfants qui participent au secteur réglementé des services de garde d’enfants. Les services de consultation en matière de garde d’enfants du programme comprennent l’accès à des outils d’autoréflexion, de planification, de qualité des programmes, de développement de l’enfant, de processus d’apprentissage, et la facilitation de l’accès à des services supplémentaires et au mentorat, au besoin. Les soutiens financiers comprennent le programme de subventions de fonctionnement mentionné précédemment et une nouvelle subvention d’amélioration de la qualité que les services participants peuvent demander en collaboration avec la personne conseillère en garde d’enfants du programme.

Dans ce qui est peut-être la reconnaissance la plus explicite des pressions supplémentaires en matière de dotation en personnel et de recrutement que pourrait entraîner l’adoption de frais de 10 $ par jour, la Province a annoncé en novembre dernier de nouvelles mesures pour soutenir le recrutement et remédier aux pénuries de personnel dans le secteur (en anglais). Ces mesures comprennent un programme pilote pour le personnel enseignant du primaire qui permettra aux centres de garde d’enfants d’embaucher des enseignantes et des enseignants du primaire certifiés par la Province (actifs ou à la retraite) pour pourvoir des postes vacants et des absences à court terme, ainsi qu’un élargissement de l’admissibilité au programme pour les aides occasionnelles et occasionnels (en anglais) qui soutient la formation et le recrutement d’aides occasionnelles et occasionnels – tous deux mis en œuvre en collaboration avec l’AECENL.

La Province a mis en œuvre un certain nombre de politiques et de programmes de développement de la main-d’œuvre au cours des dernières années. La réussite de ces programmes sera nécessaire pour atteindre un système à 10 $ par jour.


  1. Avec des restrictions en fonction de l’âge composite des enfants du groupe.
  2. Chaque service en milieu familial peut accueillir un maximum de trois nourrissons (deux ans ou moins), ou plusieurs enfants d’âge mixte en fonction de l’âge et du nombre d’enfants. Il peut y avoir jusqu’à deux nourrissons et trois bambins (de 18 mois à trois ans) dans les groupes d’âge mixte. Les enfants du prestataire de services de garde dans la tranche d’âge des nourrissons, des bambins et des enfants d’âge préscolaire (jusqu’à cinq ans et neuf mois) doivent compter dans le nombre d’enfants.