Autrices : Ruth Lindsey-Armstrong, EdD, Jodie Kehl


Tandis que le secteur de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants (AGJE) du Canada se prépare à un afflux de fonds et d’attention pour les services qu’il offre, les défis auxquels est confronté le système manitobain, qui ont été exacerbés au cours des deux dernières années par la pandémie de COVID-19, nécessiteront des mesures importantes pour les surmonter.

Le Manitoba compte l’un des taux les plus élevés de services de garde d’enfants sans but lucratif au pays, les prestataires sans but lucratif représentant 95 % des centres. Les frais de garde d’enfants doivent respecter une limite maximum pour les centres sans but lucratif et 30 % des établissements de garde d’enfants agréés ont un permis provisoire parce qu’en raison de la pénurie de main-d’œuvre, ils ne respectent pas la proportion des deux tiers de personnel qualifié prescrite par la loi. Pour respecter les normes de dotation actuelles, il faudra pourvoir environ 5 000 postes afin d’accueillir les 23 000 nouvelles places proposées dans le cadre du Plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien.

Contexte actuel

Comme nous l’avons mentionné, 95 % des programmes manitobains sont sans but lucratif, les 5 % restants étant à but lucratif.

Les frais demandés aux parents représentent 60 % des revenus tandis que les 40 % restants proviennent de subventions provinciales de fonctionnement, de collectes de fonds et d’autres subventions disponibles. Les dépenses varient en fonction des coûts de fonctionnement tels que le loyer, les salaires du personnel, les fournitures et l’équipement.

Dans le système à but non lucratif, le tarif quotidien facturé aux parents doit respecter une limite maximum : 30 $ par jour pour les nourrissons, 20,80 $ par jour pour les enfants d’âge préscolaire et de 6,15 $ à 20,80 $ par jour pour les enfants d’âge scolaire. Les programmes privés à but lucratif qui ne sont pas admissibles au financement public peuvent fixer leurs propres tarifs quotidiens, qui varient de 25 $ à 85 $ par jour. Le Manitoba a adhéré au Plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien, l’entente de financement fédérale-provinciale qui vise à réduire les frais de garde des parents à 10 $ par jour d’ici la fin de 2026.

Selon le rapport annuel 2020-2021 de Familles Manitoba (en anglais), il existe 39 214 places en services de gardes agréés au Manitoba (35 902 dans des centres et 3 312 dans des foyers).

En 2018, le Registre en ligne des services de garde d’enfants signalait que plus de 16 000 enfants étaient inscrits sur des listes d’attente pour des places en services de garde agréés

Mais comme le registre a été désactivé à la fin de 2021, il est difficile de déterminer les nombres actuels sur les listes d’attente. Cependant, en raison des effets résiduels de la pandémie, certains programmes disposent de places sous-utilisées.

Effectif existant

La main-d’œuvre se compose d’éducatrices et d’éducateurs de la petite enfance (EPE II/III), d’assistantes ou d’assistants de garde d’enfants (AGE) et de prestataires de services à domicile. Les EPE signalent quitter le secteur pour entrer dans le système scolaire en tant qu’aides pédagogiques, puisqu’elles et ils sont attirés par des salaires plus élevés, un développement professionnel rémunéré et des journées de travail plus courtes.

La structure de rémunération dans les programmes d’AGJE relève de la décision des conseils d’administration distincts et le modèle de gouvernance du conseil repose sur les parents bénévoles. L’association professionnelle provinciale a élaboré des lignes directrices quant à une échelle salariale concurrentielle sur le marché, mais cette échelle n’est pas endossée ou appuyée financièrement par la Province. En 2019-2020, les salaires moyens des EPE II/III en centre variaient de 19,71 $ à 21,75 $ l’heure.

En ce qui concerne les exigences :

  • Les AGE doivent suivre une formation d’au moins 40 heures au sein d’un programme connexe à l’EPE.
  • Les EPE II doivent obtenir un diplôme de deux ans dans un programme d’études reconnu.
  • On peut obtenir la classification EPE III en effectuant des études post-diplôme dans un certificat de spécialisation ou un diplôme de premier cycle en études du développement de l’Université de Winnipeg.

Un processus d’évaluation des compétences et des acquis existe et est géré par la Province. Tous les membres du personnel des services de garde d’enfants sont tenus de suivre une formation en premiers soins et de se soumettre à une vérification du casier judiciaire et du registre des mauvais traitements infligés aux enfants. Il n’y a pas d’exigence en matière de développement professionnel annuel.

Les ratios adultes/enfants sont les suivants :

Nourrissons et les bambins 1:4
Enfants d’âge préscolaire 1:8
Enfants d’âge scolaire 1:15

Il y a une pénurie d’EPE au Manitoba.

À l’heure actuelle, 30 % des établissements de garde d’enfants agréés ont un permis provisoire parce qu’ils ne respectent pas la proportion requise de deux tiers de personnel formé.

L’entente fédérale-provinciale prévoit la création de 23 000 nouvelles places en services de garde. Pour satisfaire aux normes de dotation en personnel existantes, il faudra créer environ 5 000 postes dans le secteur. Cela comprend environ 3 300 nouvelles et nouveaux EPE pour maintenir la proportion requise de personnel formé.

Développement de la main-d’œuvre

La Province offre une subvention de formation annuelle de 400 $ aux AGE et aux EPE pour subventionner le coût de la formation. Cependant, comme le coût actuel de la plupart des cours dépasse ce montant, la subvention de formation ne couvrira qu’une partie du coût.

L’abordabilité financière demeure un obstacle à la poursuite de la formation en AGJE.

Le Programme d’éducation de la petite enfance en milieu de travail du Manitoba est un programme accéléré d’études postsecondaires menant à l’obtention d’un diplôme en éducation de la petite enfance qui permet aux étudiantes et étudiants admissibles de suivre des cours pendant deux jours par semaine tout en continuant à travailler dans un programme de garde d’enfants agréé et à gagner leur salaire habituel. L’établissement peut demander une subvention pour le remplacement du personnel afin de couvrir le coût d’une remplaçante ou d’un remplaçant pendant que l’étudiante ou l’étudiant est en classe. Anecdotiquement, cette mesure a été reconnue comme un moyen efficace de former les EPE et de les conserver sur le marché du travail.

L’élaboration d’un micro-titre de compétences pour la formation par mentorat est en cours. Les possibilités de formation par mentorat informel font partie des programmes d’études postsecondaires en EPE. Le besoin et le désir de mentorat et de formation par mentorat ont fait l’objet de recherches et ont été documentés comme stratégie potentielle de rétention des EPE.

Aucune initiative de recrutement n’est actuellement en cours au Manitoba. Cependant, malgré les nombreux défis auxquels le secteur est confronté, les inscriptions aux programmes d’EPE de niveau postsecondaire restent toujours positives.

L’entente bilatérale récemment signée entre le Manitoba et le gouvernement fédéral comprend un certain nombre d’éléments importants pour appuyer le développement de la main-d’œuvre, notamment :

  • Création d’une grille salariale minimum pour développer des échelles de salaires plus équitables entre les établissements
  • Suppléments de revenus pour faire face à l’augmentation des coûts opérationnels des installations
  • Modernisation des exigences et des processus de certification de la main-d’œuvre, et détermination des exigences pour appuyer le développement professionnel
  • Élaboration d’un cadre de programme actualisé qui intégrera la perspective autochtone dans une programmation culturellement sûre et inclusive
  • Mise en place d’un modèle de plaque tournante pour le recrutement, l’octroi de licences, le suivi et le soutien des prestataires à domicile
  • Élaboration d’un continuum de compétences couvrant l’ensemble de la profession d’AGJE
  • Augmentation du pourcentage de personnel certifié de 15 % d’ici 2025-2026

Le système de garde d’enfants du Manitoba connaît d’importantes pénuries de main-d’œuvre. Les salaires toujours bas, le sentiment d’isolement professionnel et le manque de perfectionnement professionnel accessible et abordable sont quelques-unes des raisons qui expliquent les problèmes de main-d’œuvre. Ces défis ont été amplifiés au cours des deux dernières années en raison de la pandémie. Pour respecter les principes de l’entente fédérale-provinciale, il est essentiel d’adopter une stratégie de main-d’œuvre complète et intentionnelle.