Auteure : Brenda Kent, directrice des relations gouvernementales et de la défense des intérêts au YMCA du Grand Vancouver


La Colombie-Britannique a lancé son plan Child Care B.C. (en anglais) en février 2018, promettant une plus grande accessibilité, un prix plus abordable et une qualité élevée de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Depuis, la Province déclare allouer 2,4 milliards de dollars au système de garde d’enfants (en anglais), ce qui signifie un engagement à long terme à œuvrer en faveur de services universels de garde d’enfants.

Dans le plan provincial, les besoins de main-d’œuvre pour les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (AGJE) de la Colombie-Britannique sont mis en lumière. Par exemple, pour atteindre les objectifs fixés dans le plan en matière de création de places et d’accessibilité financière, le problème le plus pressant et le plus urgent est la pénurie de professionnels AGJE. Cependant, attirer des professionnelles et des professionnels dans ce domaine et retenir les personnes qui le sont déjà est un défi que les militants de cette cause soulèvent depuis des années. Les professionnels AGJE sont essentiels à la qualité des services de garde, mais il est largement reconnu que les salaires, les conditions de travail et le manque de reconnaissance de la profession ont contribué à une grave pénurie de main-d’œuvre. Pour réagir à ce problème à long terme, la Province a dévoilé à l’automne 2018 sa stratégie de recrutement et de rétention pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants (en anglais) afin de stabiliser et d’accroître la main-d’œuvre.

Au cours des dernières années, les intervenants du secteur des services de garde d’enfants en Colombie-Britannique ont effectué un examen approfondi de la main-d’œuvre des services de garde d’enfants en réalisant de nombreuses évaluations et en rédigeant des rapports sur les problèmes liés au marché du travail (en anglais). Ce bref aperçu met en lumière certaines des initiatives qui soutiennent et tentent de développer la main-d’œuvre AGJE.

kids in school

Les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants agréés en Colombie-Britannique sont offerts par un mélange de fournisseurs privés, sans but lucratif, autochtones et publics. Près de la moitié des places sont exploitées par des fournisseurs à but lucratif, le reste étant constitué de fournisseurs sans but lucratif, autochtones, publics et en miliau familial (services de garde à domicile).

Les frais (en anglais) des programmes de garde collective sont les plus élevés dans les établissements à but lucratif, suivis des programmes sans but lucratif et des services de garde en milieu familial. Par exemple, en 2020-2021, en moyenne, les places pour poupons et bambins dans les centres à but lucratif étaient de 1 350 $ par mois, comparativement à 1 200 $ par mois dans les programmes sans but lucratif et à 1 000 $ par mois dans les services de garde en milieu familial. Les frais varient d’un bout à l’autre de la province, mais les parents de Vancouver payent des frais parmi les plus élevés au Canada pour la garde des poupons et des bambins.

Le modèle financier permettant de réduire les frais des parents tout en augmentant les salaires doit inclure des investissements gouvernementaux adéquats – pour la plupart des exploitants sans but lucratif, les salaires et les avantages sociaux du personnel représentent 80 à 85 pour cent des coûts d’exploitation, ce qui laisse 15 à 20 pour cent pour tous les autres coûts d’exploitation et d’administration. La question de l’abordabilité des services de garde est abordée de diverses manières par le biais de financements provinciaux et fédéraux, l’objectif étant de parvenir à des services de garde à 10 $ par jour en Colombie-Britannique.

two kids with teacher

Au nombre des effectifs AGJE, on trouve plusieurs niveaux de professionnelles et de professionnels qualifiés :

  • Les éducatrices et éducateurs de la petite enfance (EPE) ont suivi un programme de formation en éducation de la petite enfance d’un à deux ans, reconnu par l’ECE Registry et qui comprend des stages pratiques.
  • Les aides-éducatrices et aides-éducateurs de la petite enfance (AEPE) ont suivi un cours d’éducation de la petite enfance et appuient les EPE dans les programmes de garde d’enfants.
  • Les adultes responsables (AR) ont suivi au moins 20 heures de formation.

Les EPE peuvent améliorer leur formation en obtenant des titres de compétence pour les poupons et les bambins ou pour les besoins spéciaux, en suivant une formation complémentaire en direction, en administration et en gestion des services de garde d’enfants ou en obtenant des diplômes de troisième cycle en éducation de la petite enfance.

Les EPE et les AEPE travaillent dans divers programmes, qu’il s’agisse de programmes de garde d’enfants en milieu familial, de centres de garde d’enfants collectifs plus importants, de programmes d’apprentissage pour jeunes enfants autochtones ou d’écoles. Les AD travaillent dans divers milieux de garde d’enfants et sont souvent employés dans des programmes avant et après l’école. Selon l’ECE Registry, on trouve actuellement 21 502 EPE actives et actifs (une hausse de 4 000 depuis 2018) et 9 000 APE (une hausse de 3 000 depuis 2018).[1],[2] Cette croissance des effectifs reflète la création d’un plus grand nombre de places.

[1] Province de la Colombie-Britannique, septembre 2018. Investing in our Early Childhood Educators: Early Care and Learning Recruitment and Retention Strategy. p9.

[2] Ministère de l’Enfance et de la Famille de la Colombie-Britannique. Early Childhood Educator Registry. Par courriel, le 3 février 2022.

L’organisme Early Childhood Educators of B. C. a dirigé l’évaluation de la stratégie de recrutement et de rétention de la Province, en commandant une recherche sur la main-d’œuvre des services de garde (en anglais). Parmi les EPE et les AEPE :

  • la grande majorité sont des femmes (95 %).
  • beaucoup travaillent à temps partiel (37 %).
  • il est fréquent de suivre des cours tout en travaillant (20 %).
  • près de la moitié ont des enfants (45 %).
  • plus de la moitié ont fait des études postsecondaires (52 %).

La Colombie-Britannique compte la deuxième plus grande proportion au Canada de nouvelles arrivantes et de nouveaux arrivants qui travaillent dans le secteur des services de garde, soit 39 %, et les professionnelles et professionnels autochtones représentent 7 % de la main-d’œuvre des services de garde.

Les ratios d’EPE pour la garde d’enfants sont les suivants :

Personnel/enfants Maximum
Poupons de 0 à 36 mois 1:4 12
30 mois à 5 ans 1:8 25
De la maternelle à la 1e année 1:12 24
2e année et plus 1:15 30

La pénurie de main-d’œuvre dans les services de garde est un problème de longue date en Colombie-Britannique.

Au moment où nous assistons à un investissement public extraordinaire dans les services de garde, nous voyons des centres fermer des places parce qu’ils ne peuvent trouver suffisamment d’éducatrices et d’éducateurs formés pour atteindre leurs ratios.

Le YMCA, qui est le plus important fournisseur de services de garde d’enfants agréés en Colombie-Britannique, connaît actuellement une pénurie de plus de 108 employées et employés de services de garde d’enfants et près de 400 places non prises en raison de cette pénurie de main-d’œuvre. L’évaluation triennale de la stratégie de recrutement et de rétention de la province (en anglais) a montré que cette pénurie persistante de main-d’œuvre n’avait guère changé, sans compter que les complexités supplémentaires engendrées par la COVID-19 ont contribué à accroître l’instabilité de la main-d’œuvre. Il existe également d’importantes variations régionales; bien que la pénurie de main-d’œuvre se manifeste partout, la proportion de la main-d’œuvre certifiée en EPE est la plus faible dans les communautés du Nord.

kids at school

La complexité de l’édification d’une main-d’œuvre qui connaît une pénurie chronique depuis des décennies ne peut être résolue du jour au lendemain. Il faut une approche globale pour aborder les salaires et les conditions de travail, des systèmes d’éducation et de formation novateurs, le développement professionnel et le mentorat/soutien de spécialistes. Diverses approches sont actuellement déployées pour permettre aux étudiantes et étudiants d’obtenir plus facilement leurs titres de compétences en EPE, de parfaire leur formation et de se sentir soutenus dans leur rôle, mais il est trop tôt pour déterminer l’impact de ces efforts sur la main-d’œuvre. Il est nécessaire d’innover davantage, en faisant appel à tous les secteurs.

En plus d’augmenter le nombre de places en EPE dans les établissements d’enseignement postsecondaire (1 150 nouvelles places ont été créées entre 2018 et 2022), la Province fournit des aides financières directement aux étudiantes et étudiants en EPE depuis 2018 par le biais du Education Support Fund. Le programme comporte deux volets de financement, offrant des bourses aux étudiantes et étudiants pour les frais de scolarité et les frais de subsistance, et aux professionnelles et professionnels AGJE pour la mise à niveau de leurs titres de compétences.

L’apprentissage intégré au travail (AIT) (en anglais) est mis à l’essai de différentes façons dans des établissements postsecondaires de la province, en partenariat avec des fournisseurs de services de garde communautaires. L’AIT aide les étudiantes et étudiants à devenir des EPE agréées et agréés tout en acquérant une expérience de travail rémunérée. Certains programmes incitent également les EPEA (en anglais) à rehausser leurs titres de compétences en démontrant les compétences nécessaires pour faire un examen de reconnaissance des acquis dans certains cours tout en restant sur le marché du travail. À l’heure actuelle, le modèle ne prévoit pas de financement pour les exploitants de centres de services de garde qui assurent le leadership, la supervision et le soutien des stagiaires en EPE dans les centres de services de garde. Ce service est d’une grande valeur pour intégrer l’apprentissage en classe dans le milieu de la garde d’enfants et est un élément à considérer dans les futurs modèles d’AIT.

De nombreux établissements postsecondaires s’associent aux conseils scolaires pour offrir des programmes à double crédit en éducation de la petite enfance. Les élèves de 11e et de 12e années peuvent obtenir des crédits en vue de l’obtention de leur diplôme d’études secondaires et de leur agrément en éducation de la petite enfance en combinant des cours et une expérience pratique dans des programmes de garde d’enfants. Ce programme est en cours d’expansion grâce à une combinaison de financement provincial et fédéral.

Le développement professionnel est également une priorité dans le secteur, avec de nouvelles approches pour renforcer la prestation de programmes d’apprentissage des jeunes enfants de haute qualité. Le First Nations Pedagogies Network (en anglais) et le Early Childhood Pedagogy Network (en anglais) soutiennent le leadership dans l’éducation de la petite enfance en aidant à mettre la théorie en pratique, et le Professional Development Hub (en anglais) de BC Early Years élargit les possibilités de développement professionnel. La Province s’est engagée à favoriser la croissance et le développement des professionnelles et professionnels autochtones de l’éducation de la petite enfance, tout en aidant les professionnelles et professionnels non autochtones à acquérir des compétences culturelles. Le cadre péragogique pour la petite enfance de la Colombie-Britannique, mis à jour en 2019, offre du soutien pour dispenser des programmes d’apprentissage aux jeunes enfants de haute qualité, fondés sur le jeu, qui mettent l’accent sur la réconciliation et la vision du monde autochtone et tiennent compte des diverses capacités des enfants.

kids at school

En juillet 2021, la Colombie-Britannique a été la première Province à signer l’Accord Canada-Colombie-Britannique sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada. En vertu de cet accord, le gouvernement fédéral investira 3,2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour aider à améliorer les services réglementés d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de moins de six ans en C.‑B. Le développement de la main-d’œuvre est une priorité clé dans cet accord – 49,2 millions de dollars sont appliqués aux bourses d’études, à l’apprentissage intégré au travail, aux programmes à double crédit, au développement professionnel et aux incitatifs de rétention. La Province s’est également engagée à élaborer une grille salariale pour les EPE (en anglais).

Nous avons vu des priorités de politique publique et des investissements dans les services de garde d’enfants en Colombie-Britannique et dans tout le Canada, pour ainsi créer une occasion de mettre enfin sur pied un programme national de services de garde d’enfants de haute qualité. Mais la seule façon d’atteindre cet objectif est d’adopter une approche dévouée et complète de la part de tous les ordres de gouvernement, en partenariat avec le secteur des services de garde et les collèges, afin d’attirer, de retenir et de célébrer une main-d’œuvre professionnelle dans le domaine des services de garde.


  1. Province of B.C. Sept 2018. Investing in our Early Childhood Educators: Early Care and Learning Recruitment and Retention Strategy. p9.
  2. B.C. Ministry of Children and Family Development. Early Childhood Educator Registry. Via email, Feb. 3, 2022.