Processus, individus et responsabilité à l’égard du public
Introduction
Des chercheurs et des reporteurs ont documenté trois formes de communications haineuses en ligne observées au cours de la campagne électorale fédérale de 2019 du Canada :
- Injures personnelles : la ministre Catherine McKenna a reçu des milliers de messages négatifs sur les médias sociaux durant la campagne électorale, y compris des menaces de violence aux relents misogynes, qui ont culminé avec le vandalisme de son bureau de circonscription.
- Intolérance et haine envers les groupes marginalisés dans les espaces publics en ligne : sur Twitter, Facebook, Reddit et YouTube, les musulmans et d’autres groupes sociaux ont été la cible d’un volume important de contenu intolérant, allant de l’utilisation occasionnelle de termes dédaigneux aux théories du complot en passant par les propos racistes.
- Soutien à la haine dans les espaces privés en ligne : des réseaux suprématistes blancs, ethnonationalistes et antigouvernementaux, dont faisaient partie des membres des forces armées canadiennes, ont partagé des idées et coordonné des activités dans des groupes Facebook privés et des clavadoirs en ligne.
Ces cas illustrent quelques-unes des multiples formes de communication en ligne qui peuvent être considérées comme haineuses. Il s’agit notamment de formes de communication qui sont déjà illégales au Canada (p. ex. faire des menaces), de cas de propos haineux mais pas illégaux (p. ex. publications antimusulmans ne pouvant pas être qualifiées de discours haineux criminel) et de formes préjudiciables de communication qui contribuent à la discrimination systémique (p. ex. quantités importantes de propos dédaigneux et irrespectueux à l’égard des femmes).
Dans le présent rapport, nous proposons un modèle pour distinguer les principales dimensions de la communication haineuse en ligne au Canada et nous résumons les premiers résultats de notre étude sur la communication haineuse en ligne visant les candidats politiques à l’élection fédérale de 2019. L’étude souligne la façon dont les schémas de discours et les interactions entre les expériences en ligne et hors ligne peuvent être préjudiciables. Ensuite, nous analysons les réponses politiques proposées par des gouvernements à l’international et par des sociétés de médias sociaux. Nous concluons en formulant plusieurs principes pour guider l’élaboration de politiques au Canada : 1) focalisation sur les processus systémiques plutôt que sur les éléments individuels de contenu; 2) attention portée sur les personnes qui tiennent des propos haineux, à celles qui en sont victimes et à celles qui luttent contre ce phénomène, et pas seulement aux espaces en ligne; et 3) promotion de la responsabilité à l’égard du public, notamment la transparence, des instances réglementaires et des sociétés propriétaires des plateformes en ligne. Bien que notre rapport se concentre sur les effets négatifs des communications en ligne, nous ne devrions pas oublier les bénéfices potentiels des communications en elles-mêmes, y compris la façon dont les groupes sociaux et les acteurs politiques tirent parti de ces espaces à des fins démocratiques. En effet, la lutte contre la communication haineuse en ligne peut favoriser une distribution plus équitable des bénéfices de l’utilisation d’Internet.