Au cours de six mois, Affaires mondiales s'est mué en service consulaire et agence de voyage géant. Dans le cadre de la série sur l'Innovation et le leadership dans la fonction publique pendant la pandémie de la COVID-19, nous examinons cette mutation historique de l’ensemble du ministère en services consulaires, pour aider les Canadiens et Canadiennes à l’étranger. La mobilisation d'une main-d’œuvre volontaire de plus de 1 000 fonctionnaires détachés de leurs postes de travail quotidien a débouché sur une refonte majeure de la façon dont le ministère répond à une situation d’urgence et a souligné la nécessité de communiquer en utilisant les mêmes canaux que les Canadiens et Canadiennes.

Brent Robson a passé 20 ans dans la sécurité et la gestion des urgences, aidant à mettre les Canadiens et Canadiennes à l’abri du danger. Il a tout vu – guerre, agitation civile, ouragans, attaques terroristes, épidémies mortelles d’Ebola – mais il n’a jamais imaginé l’ampleur des bouleversements causés par un virus invisible qui a mis le monde à l’arrêt.

Comment les Canadiens et Canadiennes allaient-ils rentrer chez eux? C’était la seule préoccupation de M. Robson, directeur du centre de surveillance et d’intervention d’urgence d’Affaires mondiales Canada, lorsqu’à la mi-mars, le premier ministre Justin Trudeau appelait les Canadiens et Canadiennes à rentrer chez eux, déclenchant le plus grand effort de rapatriement en temps de paix de l’histoire du pays.

Le coronavirus mortel était en marche et le monde était sur le point de s’arrêter. Les uns après les autres, les pays ont brusquement fermé leurs frontières et leur espace aérien; les compagnies aériennes ont annulé leurs vols. Des mesures de quarantaine ont été mises en place, et même la loi martiale a été imposée.

Alors que les ministères fédéraux, sous la direction de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), se démenaient pour contenir la propagation du virus à l’intérieur du pays et faire face à l’effondrement économique, le centre des opérations consulaires et des services d’urgence d’Affaires mondiales a reçu un financement COVID-19 de 100 millions de dollars pour gérer l’aspect international de la réponse gouvernementale.

La stratégie de gestion de la crise a été élaborée et mise en œuvre en un temps record de cinq jours – du 16 mars, jour où Justin Trudeau a demandé aux Canadiens et Canadiennes de rentrer chez eux, au 21 mars, date à laquelle le gouvernement, en partenariat avec Air Canada, a rapatrié le premier groupe de Canadiens et de Canadiennes coincés au Maroc.

Durant les six mois qui ont suivi, Affaires mondiales a quitté le discret monde de la diplomatie et des affaires internationales pour se muer en service consulaire et agence de voyage géant. La mutation historique de l’ensemble du ministère en services consulaires, pour aider les Canadiens et Canadiennes à l’étranger, a permis de mobiliser une main-d’œuvre volontaire de plus de 1 000 fonctionnaires détachés de leurs postes de travail quotidien.

Cette orientation vers les services consulaires a débouché sur une refonte majeure de la façon dont le ministère répond à une situation d’urgence et a souligné la nécessité de communiquer en utilisant les mêmes canaux que les Canadiens et Canadiennes.

Affaires mondiales Canada a mis en place un réseau d’ambassades itinérantes et temporaires, déployant des personnes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, dans les missions et les administrations centrales pour organiser la logistique de 692 vols en provenance de 109 pays, qui ont permis de ramener 57 202 Canadiens et Canadiennes et résidents et résidentes permanents au pays.

Le ministère a conclu des partenariats avec des compagnies aériennes et signé de nouvelles ententes commerciales pour des vols de rapatriement qui n’ont coûté que 4,1 millions de dollars au gouvernement. Un programme de prêts d’urgence de 20 millions de dollars a été créé, une première, et ce, pratiquement du jour au lendemain, pour les Canadiens et Canadiennes coincés à l’étranger qui voulaient rentrer chez eux, mais qui ne disposaient pas des fonds nécessaires.

Certains ont même affirmé que cette stratégie a changé la perception que le ministère avait de lui-même, comblant le fossé entre la diplomatie et les services consulaires en montrant au pays que la sûreté et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes sont au cœur de tous les enjeux de politique étrangère.

« J’ai la plus haute estime pour le travail consulaire effectué à Ottawa et dans le monde entier. Ce qu’ils font au quotidien est extraordinaire, mais les efforts qu’ils fournissent pendant cette pandémie sont surhumains », a déclaré Patricia Fortier, diplomate à la retraite et ancienne sous-ministre adjointe responsable de la sécurité, des affaires consulaires et de la gestion des urgences à Affaires mondiales.

Robson est directeur d’Intervention d’urgence à Affaires mondiales. Il rend compte au directeur général de la sécurité des missions et des opérations d’urgence, qui répond au sous-ministre adjoint pour les affaires consulaires, la sécurité et la gestion des urgences. Cette direction, alors sous la responsabilité de la sous-ministre adjointe Heather Jeffrey, était « le ciment, le cerveau, le moteur, l’épine dorsale de l’opération », a déclaré le secrétaire parlementaire aux Affaires étrangères, Rob Oliphant.

« Je dois vous dire que la fonction publique canadienne a bien joué sur ce coup », a-t-il ajouté. « Il m’arrive de critiquer la fonction publique. Je trouve qu’elle n’est pas très imaginative parfois et peut être lente à changer, mais sa réaction cette fois a été rapide. J’ai été constamment impressionné. C’était incroyable », a-t-il conclu.

Le petit centre de surveillance et d’intervention d’urgence ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, que dirige M. Robson est une machine bien huilée. L’équipe, ainsi que son armée de volontaires, est formée pour accroître et réduire ses effectifs sur le champs pour répondre aux exigences de l’urgence.

« Nous planifions, nous nous formons, nous répétons et nous élaborons des stratégies pour faire face aux urgences », a déclaré M. Robson. « C’était tout simplement sans précédent en termes de taille et d’échelle. Personne n’avait jamais véritablement imaginé que nous aurions une pandémie qui toucherait simultanément tous les pays de la planète et le Canada », a-t-il ajouté.

Le modèle d’urgence habituel et les structures de commandement des incidents n’étaient pas suffisamment englobants. Il fallait les aggrandir pour en faire un modèle opérationnel gigantesque pour tout le ministère.

Après cinq jours et cinq nuits frénétiques et éprouvantes, le plan a été mis en œuvre et adapté à la volée aux besoins fluctuants des Canadiens et des Canadiennes au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie. Le dernier vol de rapatriement a eu lieu le 17 juillet, lorsque WestJet a ramené 165 passagers de Trinité-et-Tobago.

Chaque employé, peu importe son emploi, sa direction, sa division ou son poste d’affectation, a été requis pour réserver des hôtels ou des bus, organiser des vols, préparer des documents de voyage ou des listes de passagers. Affaires mondiales a été baptisé le nouveau « ministère des Affaires consulaires ».

Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, était tellement pris par les opérations quotidiennes, appelant les compagnies aériennes ou négociant avec ses homologues étrangers l’ouverture de l’espace aérien et des créneaux d’atterrissage, qu’il se présentait comme « l’agent de voyage du Canada ».

Les fonctionnaires affirment que les ministres se mêlent rarement des détails comme l’a fait M. Champagne, mais il a été, en tant que ministre, un porte-voix essentiel pour communiquer les dernières nouvelles et transmettre des informations aux Canadiens et Canadiennes coincés à l’étranger et à leurs familles.

Et tout ce travail a été abattu alors que de nombreuses ambassades à l’étranger avaient considérablement réduit leur personnel pour contenir le virus.

À Ottawa, la plupart des employés ont été isolés dans des bureaux de fortune à domicile, se démenant à travailler à distance sur des réseaux informatiques surchargés. Pour compliquer les choses, la sous-ministre aux Affaires étrangères, Marta Morgan – la commandante en chef désignée des incidents – a été testée positive à la COVID-19 au plus fort de la crise et a dû s’isoler pendant 14 jours.

La crise a forcé des innovations, mais a également révélé la nécessité pour le ministère de « se mettre au goût du jour » et de repenser sa façon d’interagir et de communiquer avec les citoyens et les citoyennes canadiens et les résidents et résidentes permanents lorsqu’ils se trouvent à l’étranger, a déclaré un haut fonctionnaire.

« Nous communiquons avec les Canadiens et Canadiennes par téléphone et courriel depuis 30 ans et ne nous sommes pas réellement mis à jour… mais tout le monde ne communique plus par ces moyens de nos jours », a reconnu M. Robson.

« Certaines personnes communiquent par téléphone et par courriel. D’autres utilisent des applications de clavardage. Ils veulent WhatsApp et WeChat. Ils pourraient vouloir utiliser Facebook, ils pourraient utiliser Signal. Nous devons évoluer avec l’environnement dans lequel nous travaillons et avec les clients que nous soutenons en adoptant ces outils », a-t-il ajouté.

Jusqu’à trois millions de Canadiens et de Canadiennes sont en permanence à l’étranger, que ce soit pour travailler, voyager, étudier ou y vivre. À moins de s’inscrire au Registre consulaire des Canadiens à l’étranger (ROCA), le gouvernement ne peut savoir l’endroit où ils se trouvent. ROCA n’a jamais été utilisé par les voyageurs autant que le gouvernement le souhaiterait, ce qui est devenu un problème lorsque l’on a essayé de joindre les Canadiens et Canadiennes.

En janvier 2020, au début de la propagation du coronavirus, les Canadiens et Canadiennes ont effectué 4,7 millions de voyages à l’étranger – dont plus des trois quarts aux États-Unis. Au moment où les vols de rapatriement se mettaient en branle, Affaires mondiales a été submergé par plus de 350 000 appels et courriels de Canadiens et de Canadiennes à l’étranger en quête d’aide.

Les appels provenaient de Canadiens et de Canadiennes préoccupés par la stabilité et la qualité des soins de santé dans les pays où ils vivaient. Ils émanaient de gens en voyage d’affaires ou d’agrément dont les vols de retour avaient été annulés et qui voyaient les hôtels et les restaurants se fermer autour d’eux. Des personnes se retrouvaient à court d’argent et de médicaments, tombaient malades ou étaient incapables de trouver un endroit pour se loger.

Dans la hiérarchie des ministères responsables des affaires étrangères, les opérations consulaires sont éclipsées par les affaires plus prestigieuses de la diplomatie, du commerce et de la politique internationale. Les services consulaires du Canada emploient environ 550 personnes dans le monde et accaparent environ 53 millions de dollars du budget annuel de 7 milliards de dollars du ministère.

Ce personnel soutient les services consulaires dans 150 pays pour les Canadiens et Canadiennes qui font face à des problèmes lorsqu’ils voyagent ou vivent à l’étranger. Par exemple, si leurs passeports sont perdus ou volés; s’ils sont arrêtés ou détenus ou s’ils doivent être rapatriés en raison d’une maladie ou d’un décès. En 2019, le ministère a enregistré 202 400 cas consulaires de ce genre; la plupart étaient considérés comme courants, mais 6 675 étaient urgents.

Gilles Rivard, ancien ambassadeur en Haïti et aux Nations Unies, qui enseigne la gestion de crise, a qualifié les agents consulaires de cousins « pauvres » du service extérieur dont le travail dans les missions est largement sous-estimé. Mme Fortier les a présentés aux députés comme des « négociateurs, des confesseurs, des casse-cous et des membres de la famille ».

« Je peux vous dire que lorsque vous devez gérer une crise ou que vous vous trouvez dans un pays difficile, vous avez besoin de vos agents diplomatiques et consulaires parce que sans eux, vous avez vraiment de graves difficultés », a déclaré M. Rivard.

Malgré ce que s’imaginent de nombreux Canadiens et Canadiennes, la loi n’oblige pas le gouvernement à les ramener chez eux, ni à payer ou même à organiser de tels voyages. La bible des agents consulaires, également appelée Charte consulaire, énonce clairement que le voyage est un choix et que les Canadiens et Canadiennes sont responsables de leur sécurité et de leur retour au pays s’ils se trouvent en difficulté.

« Nous pouvons conseiller aux personnes de ne pas voyager pendant la COVID-19 et, si vous êtes à l’étranger, vous devez faire tout votre possible pour rentrer chez vous, mais cela ne nous oblige pas à envoyer des avions chercher des gens », a déclaré Mme Jeffrey. « Les Canadiens et Canadiennes peuvent voyager et voyagent dans toutes sortes d’endroits que nous ne leur recommandons pas. Nous fournissons des informations aux personnes pour les aider à prendre les bonnes décisions pour elles-mêmes », ajoute-t-elle.

Ainsi, l’appel lancé par Justin Trudeau aux Canadiens et Canadiennes pour les inciter à rentrer chez eux ne les contraignait pas à le faire ni ne contraignait le gouvernement à aller les chercher. Il a plutôt souligné la gravité du virus qui se propageait rapidement, déclaré pandémie par l’Organisation mondiale de la santé.

L’appel du premier ministre coïncidait également avec le début d’un repli international généralisé, imposant une sorte d’obligation morale au gouvernement. Du jour au lendemain, les pays ont fermé leurs frontières, leur espace aérien, leurs aéroports et même des routes locales. Sans l’aide du gouvernement, de nombreux Canadiens et Canadiennes n’auraient pas pu rentrer chez eux par eux-mêmes.

« Si les gens peuvent prendre un vol commercial et rentrer chez eux par leurs propres moyens, nous n’intervenons pas. Le soutien au rapatriement est fourni en dernier recours, lorsque les Canadiens et Canadiennes n’ont pas d’autre choix et que leur sécurité est menacée de façon imminente », a déclaré Mme Jeffrey.

« Mais des Canadiens et des Canadiennes étaient coincés à l’étranger. Ils ont été pris au dépourvu lorsque les restrictions à la frontière ont été imposées dans un délai très court, parfois du jour au lendemain. Même s’ils voulaient rentrer chez eux, les gens se sont retrouvés incapables de le faire », a déclaré Mme Jeffrey.

De plus, les ambassades, qui ne fonctionnaient qu’avec du personnel essentiel, n’auraient pas pu gérer le risque d’infection de centaines de Canadiens et de Canadiennes qui auraient pu tomber malades à l’étranger.

Des centaines de milliers de personnes ont réussi à rentrer par leurs propres moyens. Elles sont parties de Floride et d’autres régions des États-Unis en voiture, ont pris des vols commerciaux ou ont été prises en charge par leurs agences de voyage. Selon les médias, plus d’un million de citoyens et de résidents et résidentes permanents sont rentrés en une seule semaine à la mi-mars.

 Cinq pays desquels le plus grand nombre de Canadiens ont été rapatriés :

Les efforts de rapatriement ont commencé début février lorsque Affaires mondiales, avec le soutien d’une équipe médicale militaire et de fonctionnaires de l’ASPC, a affrété trois vols pour évacuer 400 Canadiens et Canadiennes de Wuhan. Ils ont été emmenés sur une base des Forces canadiennes à Trenton pour y être examinés et mis en quarantaine.

Puis, c’était le tour des bateaux de croisière avec des milliers de Canadiens et de Canadiennes à bord, qui ont parcouru le monde pendant que la pandémie faisait rage. Le Diamond Princess est devenu tristement célèbre lorsque le Japon l’a mis en quarantaine après qu’un passager a été diagnostiqué positif à la COVID-19. Plus de 700 personnes ont été infectées et 14 d’entre elles sont mortes pendant l’immobilisation du navire qui a duré un mois.

Le Canada a décidé, en raison des « circonstances exceptionnelles » auxquelles faisaient face les Canadiens et Canadiennes à bord du navire et de la charge qu’ils imposaient aux hôpitaux japonais, d’envoyer un vol affrété pour transporter 129 citoyens et citoyennes non infectés. Ils ont été conduits par avion à la base des Forces canadiennes de Trenton pour y être examinés, puis à l’Institut de formation de NAV Canada, à Cornwall, pour une mise en quarantaine.

Quelques semaines plus tard, un vol affrété a transporté 225 Canadiens et Canadiennes qui se trouvaient à bord du Grand Princess, retenu au large des côtes de Californie pour des tests de dépistage du coronavirus.

Pendant des semaines, le centre d’intervention d’urgence a suivi de près les milliers de passagers et membres d’équipage canadiens à bord de 197 navires. Des écrans géants ont suivi des centaines de points rouges, chacun représentant un navire, naviguant de port en port sans pouvoir accoster par crainte d’infection.

Les passagers entassés dans les cabines, les repas communs et les activités de groupe ont transformé les navires de croisière en incubateurs flottants de virus dont aucun pays ne voulait. Les pays ont refusé de laisser les navires accoster, ou de laisser les passagers débarquer ou transiter par leurs installations portuaires ou leurs aéroports. C’est alors qu’une nouvelle équipe maritime a pris le relais.

Elle a négocié avec les différents pays, les compagnies de croisière et les compagnies aériennes – alors que 45 autres pays ayant des passagers à bord essayaient d’en faire autant. Elle a organisé le ramassage des passagers, les a transportés chez eux, a négocié les droits d’atterrissage pour raisons humanitaires et, avec les responsables de la santé publique, a veillé à ce qu’ils soient évalués, testés et mis en quarantaine à leur retour au Canada.

C’est en fin d’avril que tous les navires de croisière ayant à leur bord des passagers canadiens ont accosté. Le gouvernement a payé pour leurs vols et a facturé les coûts aux compagnies de croisière. Le dernier équipage canadien a débarqué en juillet, après le rapatriement de 5 729 passagers canadiens et de 366 membres d’équipage bloqués sur des navires de croisière.

Rétrospectivement, les rapatriements de Wuhan et des navires de croisière ont été des tests à blanc pour l’événement principal. Le coronavirus n’avait pas encore été déclaré une pandémie et n’était pas encore devenu une urgence nationale au Canada.

Robson a décrit ces opérations comme des urgences de « niveau moyen ». Elles ont été prises en charge à l’aide du système standard de gestion de commandement des incidents que le centre utilise en tout temps.

Chacune d’entre elles présentait des complications uniques. Contenir un virus mortel qui se propage rapidement constituait un défi majeur. Ajoutez à cela les obstacles pour entrer à Wuhan, une zone de quarantaine truffée de barrages routiers et de points de contrôle et située à 11 heures de l’ambassade canadienne la plus proche à Shanghai. Le ministère a également eu du mal à déterminer le nombre de Canadiens et de Canadiennes qui s’y trouvaient. Les personnes ayant une double nationalité qui voyagent avec leur passeport chinois ont tendance à ne pas s’inscrire et ne se connectent pas aux médias sociaux canadiens.

Mme Jeffrey affirme que les rapatriements de Wuhan et des bateaux de croisière étaient « très compliqués et très lourds », mais qu’ils consistaient en fin de compte à faire sortir des personnes d’un seul endroit, ce qui était beaucoup plus facile que de déplacer de « partout des milliers de personnes » qui attendaient tandis que le monde se refermait de plus en plus.

« Cela ressemblait beaucoup plus à un tremblement de terre en Turquie ou à une petite guerre civile dans laquelle il fallait ramener un groupe de personnes d’un endroit précis. C’était compliqué par le fait qu’il s’agissait d’une urgence sanitaire et les différents paramètres qui l’entouraient, mais ces opérations étaient beaucoup plus semblables à notre réponse d’urgence habituelle », a ajouté Mme Jeffrey.

Une semaine après le retour des passagers du Grand Princess, Justin Trudeau a demandé aux Canadiens et Canadiennes de ne plus voyager et de rentrer chez eux. La bataille décisive commençait.

Dans les coulisses, les fonctionnaires se bousculaient. L’équipe d’intervention d’urgence créée pour Wuhan était toujours en place. Les fonctionnaires jonglaient avec différentes idées pour aider les Canadiens et Canadiennes à rentrer chez eux, allant de l’organisation de vols aux prêts d’urgence, mais rien de tout cela n’était concret ou immédiatement applicable.

Tout d’abord, le ministère a dû se réorganiser, car l’ancienne méthode de gestion des urgences ne pouvait pas fonctionner. Le volume de travail était trop important et les décisions étaient prises depuis le sommet.

Affaires mondiales possède son propre manuel de gestion des urgences, basé sur le système classique de commandement des incidents et sur les structures que les gouvernements du monde entier utilisent pendant les urgences.

En cas d’urgence, M. Robson devient généralement le commandant des incidents. Il mobilise sa petite équipe, en faisant appel à des renforts de tout le ministère, et coordonne la réponse du gouvernement, qu’il s’agisse d’un écrasement d’avion ou d’un ouragan.

L’équipe se transforme en équipe d’intervention d’urgence utilisant le modèle de commandement des incidents avec des rôles et des tâches prédéfinis au fur et à mesure que la crise évolue. Elle comporte des groupes distincts chargés des opérations, de la planification, de la logistique, de l’établissement de rapports, des finances et de l’administration.

En tant que commandant, M. Robson peut rapidement faire appel à des personnes dans les domaines de spécialité nécessaires au sein du ministère et prendre des décisions concernant la gestion de l’intervention, y compris les structures de rapport et les responsabilités de chacun.

Le modèle a permis de gérer toutes les catastrophes humanitaires, politiques ou naturelles, et parfois plusieurs en même temps. En fait, l’équipe d’intervention d’urgence a fonctionné à plein régime l’année précédant la COVID-19, gérant une crise après l’autre.

Début 2019, l’équipe d’intervention d’urgence a été dépêchée sur les lieux de l’écrasement d’avion éthiopien qui a tué 18 Canadiens et Canadiennes. Le cyclone Idai a frappé l’Afrique; le désordre civil a éclaté à Khartoum et à Port-au-Prince, et des manifestations antigouvernementales ont secoué Hong Kong pendant des mois. Il y a eu l’ouragan Dorian, les protestations en Bolivie, d’autres épidémies d’Ebola et des incendies qui ont fait rage pendant des mois en Australie.

En janvier, le nouveau coronavirus est apparu sur la scène internationale. Mais le Canada était en pleine crise après l’écrasement d’un avion ukrainien qui a tué 85 Canadiens et Canadiennes.

La pandémie allait rapidement dépasser les capacités des opérations et des rôles d’urgence existants – et la recherche d’une réponse pouvait prendre des mois. Le nombre de personnes coincés dans plus de 100 pays et le cauchemar logistique que représentent la recherche de ces personnes, l’organisation des vols et l’ouverture des aéroports exigeaient quelque chose de nouveau.

Selon Reid Sirrs, sous-ministre adjoint intérimaire des Affaires consulaires, de la sécurité et de la gestion des urgences, la structure de commandement des incidents pour les situations d’urgence devait être « élargie » pour devenir le modèle opérationnel à l’échelle du ministère.

« Pendant qu’ils (les cadres supérieurs) se focalisaient sur les grands dossiers du gouvernement et de la politique, ceux qui se trouvaient dans la salle d’intervention traitaient les vols, les appels, les courriels, les prêts », a ajouté M. Sirrs. « Nous devions nous focaliser sur cette partie; nous n’avions pas d’autre choix que de renforcer, d’améliorer, de perfectionner, de développer, de mettre à niveau, peu importe le terme que vous employez, toute la structure de commande des incidents pour transformer ce modèle traditionnel en modèle hyperréactif », a-t-il conclu.

Tous les postes à la tête de toutes les fonctions clés, de la logistique à la communication, ont été élargis et répartis entre les cadres de l’ensemble du ministère pour couvrir des quarts de travail de 24 heures.

Prenez le service des communications, qui est essentiel en temps de crise. L’équipe de deux personnes dont dispose M. Robson en cas de situation d’urgence ordinaire s’est agrandie pour atteindre 45 personnes. Elles recueillaient des informations et les dernières nouvelles auprès des missions diplomatiques pour les synthétiser dans des rapports qui ont été transmis au sous-ministre, au ministre, au Bureau du Conseil privé et à d’autres ministères.

Au plus fort de la crise, plus de 1 000 employés des administrations centrales et des missions diplomatiques travaillaient 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Environ 700 se sont portés volontaires pour travailler comme « intervenants d’urgence » et ont été formés à la hâte pour les divers équipes et centres d’appel mis en place.

Des équipes aériennes et maritimes ont été créées pour la première fois pour gérer la logistique du rapatriement des personnes dans 109 pays et sur 197 navires de croisière. L’équipe aérienne a découpé le monde en trois équipes régionales chargées de la planification des vols : une dans les Amériques, une en Europe, et une au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie.

Au centre d’appels, des équipes distinctes s’occupaient des appels et des courriels affluant vers les missions diplomatiques ou prenaient le relais lorsque les ambassades fermaient pour la journée. Une équipe répondait aux appels concernant les prêts et une autre aux appels de familles inquiètes au Canada à la recherche d’informations sur des membres de leur famille.

Le nombre d’appels a grimpé en flèche, jusqu’à la sous-ministre, qui est devenue de fait la commandante en chef des incidents, jusqu’à son isolement pour infection au coronavirus. Face à l’ampleur de l’urgence, toutes les autres activités de politique étrangère ont dû être suspendues et, sur instruction de la sous-ministre, tout le ministère a focalisé ses énergies sur la pandémie.

Les missions, dont beaucoup fonctionnaient avec seulement le personnel essentiel, constituaient un grand défi. Les employés canadiens considérés à haut risque ou vulnérables à l’infection avaient été renvoyés chez eux et de nombreux employés recrutés localement étaient isolés ou mis en quarantaine chez eux.

Cela a obligé le ministère à créer des missions itinérantes et temporaires afin que les efforts de rapatriement puissent se poursuivre 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ainsi, l’ambassade de New Delhi en Inde, qui gérait un grand nombre de Canadiens et Canadiennes et de résidents et résidentes permanents en vue de leur rapatriement, a confié son travail à une équipe temporaires à Ottawa à la fin de sa journée pour que cette dernière le poursuive pendant la nuit.

« La mission à Delhi travaillait selon l’heure d’Inde et lorsqu’ils devaient s’arrêter pour la nuit, ils passaient la relève à l’équipe temporaires, constituée du personnel rapatrié de l’ambassade de Delhi, et ils continuaient le travail, à distance, depuis Ottawa jusqu’à ce que l’Inde se réveille », a déclaré Mme Jeffrey.

Cette dernière a déclaré que les ambassades temporaires étaient une première, qu’elles se sont avérées très efficaces et qu’elles seront maintenues à l’avenir comme « meilleure pratique », particulièrement pour les situations d’urgence prolongées ou chevauchantes qui épuisent le personnel. Le ministère fait souvent face à une succession de tempêtes pendant la saison des ouragans et le rythme ininterrompu pendant des mois est parfois insoutenable. Une équipe sur le terrain et une équipe « temporaire » à distance, qui maitrise le contexte local, permettent de travailler à un rythme beaucoup plus soutenable.

D’autres ambassades sont intervenues pour aider à supporter la charge de travail supplémentaire. Avec la pandémie, la demande de passeports a chuté. Les agents des visas de Hong Kong, par exemple, qui délivrent le plus grand nombre de passeports, ont participé au traitement des demandes de prêts d’urgence en dehors des heures de bureau à Ottawa et ont plus tard aidé à recouvrer les prêts.

Affaires mondiales Canada dirigeait la réponse internationale, mais ses plans dépendaient également du travail des autres ministères – Transports; Agence des services frontaliers du Canada; Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; Santé Canada et l’Agence de santé publique du Canada. En fait, une unité spéciale a été créée pour interpréter les décrets et les arrêtés provisoires que le gouvernement a émis pour gérer la pandémie et sa propagation.

Le gouvernement a utilisé ses pouvoirs d’urgence en vertu de La loi sur la mise en quarantaine et de la Loi sur l’aéronautique pour édicter des règles strictes concernant les voyages, l’isolement obligatoire et les quarantaines. Contrairement à de nombreux pays, il a exigé des compagnies aériennes qu’elles procèdent à des contrôles sanitaires, évaluent les passagers et interdisent l’embarquement à toute personne présentant des symptômes de la COVID-19 ou même des signes suggérant la présence du virus respiratoire.

Ces ordonnances ont également imposé une discipline et un certain niveau de collaboration entre les ministères dont les opérations quotidiennes peuvent être mises à mal par des guerres de juridiction.

« Ils ont guidé efficacement notre réponse », a déclaré M. Robson. « Il était essentiel que nous ayons une compréhension et une interprétation communes des décrets. Sinon, nous risquerions d’avoir des individus bloqués dans les aéroports dans différentes parties du monde. Le partenariat étroit était essentiel pour assurer un fonctionnement harmonieux », a-t-il ajouté.

Des centaines de fonctionnaires et de diplomates travaillaient dans des bureaux improvisés à domicile, avec un accès peu fiable à des réseaux informatiques surchargés.

Le centre d’appels a reçu en moyenne 626 appels par jour entre avril et juillet – près de 2 000 par jour au plus fort de la crise.

Presque du jour au lendemain, le centre d’appels, qui fonctionne généralement avec 15 personnes, est passé à 140 personnes pour prendre en charge les appels. Cependant, le système ne pouvait pas traiter plus de 50 appels à la fois, ce que Services partagés Canada a augmenté à 250 appels simultanés « en une seule fin de semaine, du jamais vu au gouvernement », a noté M. Robson.

Avec une pandémie, il a fallu repenser le travail qui exige généralement de la proximité physique. Les centres d’intervention d’urgence bondés, où des centaines d’employés et de volontaires reçoivent des appels, parlent fort et beaucoup, sont des endroits propices pour la propagation du virus.

La plupart des bâtiments étant vides, il a été possible de répartir les travailleurs à deux mètres les uns des autres et sur plusieurs étages dans les administrations centrales à Ottawa – avec des protocoles rigoureux concernant les portes d’entrée et de sortie et le nettoyage des surfaces. Il a également fallu arrêter les repas préparés par des traiteurs et la livraison de nourriture.

Robson ne pouvait pas risquer une éclosion de la COVID-19 qui « détruirait notre centre d’appels ». Grâce aux nouvelles technologies et aux nouveaux processus opérationnels, il a mis en place une équipe de secours composée de travailleurs qui ont traité les appels à distance. Une équipe à distance, et qui sera un dispositif permanent, a renforcé « notre résilience et notre planification d’urgence pour continuer à fournir le service », a-t-il déclaré. Elle a également permis de créer un nouveau bassin de volontaires expérimentés parmi les travailleurs à haut risque qui ont été renvoyés chez eux.

Mais apprendre à gérer les travailleurs à distance est un défi majeur pour les opérations où des personnes se rassemblent pour travailler en urgence sur une crise.

Les superviseurs n’étaient plus dans la salle pour aider lorsque les appels déraillaient clairement. Les gestionnaires ne pouvaient pas simplement taper des mains à l’avant de la salle pour attirer l’attention afin de donner les dernières nouvelles ou crier de nouveaux ordres. Ils devaient apprendre à le faire avec des personnes travaillant à domicile. Ils ont effectué des vérifications régulières, ont demandé des rapports détaillés sur le type et la nature des appels entre les différents quarts de travail, et ont lancé des téléconférences pour introduire un superviseur dans un appel nécessitant une aide supplémentaire.

« Cela nous a permis de prendre nos cadres d’intervention d’urgence de routine, de les mettre au point, de les faire connaître, de les tester et de les enseigner, de sorte qu’à l’avenir, lorsque nous devrons recommencer, nous disposerons des outils et du langage pour le faire », a expliqué M. Robson. « C’est une occasion formidable pour nous », s’est-il réjoui.

 

Le baptême du feu a eu lieu au Pérou.

Le premier ministre avait à peine demandé aux Canadiens et Canadiennes de rentrer chez eux que le Pérou avait décrété un confinement national. Pas de vols, couvre-feu nocturne, pas de transports publics, populations confinées chez elles et la police déployée pour faire respecter les mesures.

« C’était un arrêt complet. Aucun mouvement à travers le pays. Chacun restait cloîtré chez soi. Personne ne travaillait plus. Du jour au lendemain, les frontières ont été fermées, y compris tous les aéroports commerciaux. Pas de vols entrants ou sortants. Et tout cela sans aucun avertissement préalable », a relevé Ralph Jansen, ambassadeur du Canada au Pérou.

L’idée de conclure des ententes pour des vols de rapatriement avait fait son chemin de l’administration jusqu’aux ministres, mais cette proposition n’en était encore qu’au stade de l’idée lorsque Justin Trudeau a appelé les Canadiens et Canadiennes à rentrer chez eux.

« Il y avait un appel à retourner au pays, mais sans structure pour organiser cela… Il fallait tout accélérer », a précisé M. Jansen

Il faudrait plus d’une semaine pour faire sortir les Canadiens et Canadiennes du Pérou.

Le travail a été réparti entre Ottawa et l’ambassade à Lima. L’équipe de Mme Jeffrey a négocié une entente avec Air Canada, qui a finalement envoyé sept vols à Lima en près de deux mois pour ramasser des passagers. Mais c’est l’ambassade qui s’est chargée de retrouver les Canadiens et Canadiennes coincés, dispersés dans un pays aux routes bloquées, et de les amener à l’aéroport.

Comme Mme Jeffrey l’a fait savoir aux députés lors d’une audition parlementaire, envoyer des avions est la partie la plus facile. Le gros du travail consiste à négocier avec les autorités locales pour « amener les Canadiens et Canadiennes à l’endroit où nous pouvons les atteindre directement pour les aider à sortir ».

Comme à Ottawa, la mission a mis en place son équipe d’intervention d’urgence, chacun assumant son rôle pour gérer la logistique, les communications et les opérations, avec M. Jansen comme commandant des incidents.

Et la tâche au Pérou a été titanesque. Un grand nombre de personnes se sont retrouvées bloquées par le confinement national, loin de Lima, la ville d’où elles devaient partir. Outre la fermeture drastique, M. Jansen a déclaré que l’ambassade a rapidement découvert qu’au moins 3 000 Canadiens et Canadiennes et résidents et résidentes permanents voyageant ou vivant au Pérou voulaient quitter le pays.

D’abord, il y a eu des négociations avec le gouvernement péruvien pour obtenir l’autorisation de faire atterrir des avions, puis plusieurs niveaux d’autorisation pour créer un système de vols aller-retour.

Une base militaire disposait du seul aéroport opérationnel et ne pouvait accueillir qu’un avion avec une capacité de 400 passagers. Il n’était pas équipé pour les passagers, et ne comportait ni services au sol ni douanes, et aucun endroit pour évaluer et enregistrer les passagers ou émettre des billets. Le personnel de l’ambassade devait effectuer tout ce travail.

Le Canada et les États-Unis sont les deux pays qui comptaient le plus grand nombre de ressortissants au Pérou, mais 25 autres pays faisaient également pression sur le Pérou, se disputant les créneaux d’atterrissage et négociant les permis, les autorisations et les droits d’entrée et de sortie des avions.

Environ 500 Canadiens et Canadiennes se trouvaient à Cusco, joignable uniquement par avion. Le gouvernement a donc dû affréter huit petits avions et manœuvrer pour obtenir toutes les autorisations pour qu’ils puissent décoller et atterrir.

D’autres étaient dispersés dans la campagne, souvent à 15 heures de bus de Lima. Le personnel de l’ambassade s’est démené pour obtenir les autorisations des autorités fédérales, régionales et locales pour des dizaines de bus, puis a dû obtenir des permis individuels pour chacun de leurs passagers.

Une fois à Lima, il n’y avait ni taxis ni bus. Le personnel rassemblait les passagers à l’ambassade, les soumettait à un dépistage du virus et les faisait monter dans les dizaines de bus qu’il louait pour emmener les passagers à l’aéroport de la base militaire.

Tout ce travail a été effectué par une équipe de l’ambassade d’environ 15 personnes, soit cinq fois moins que l’effectif habituel. Le personnel considéré à haut risque pour le virus avait été renvoyé au Canada et le personnel local mis en quarantaine. Ceux qui restaient ne pouvaient pas quitter leur domicile sans autorisation, donc tout était géré « à travers des cellulaires et des ordinateurs portables depuis la maison », a indiqué M. Jansen.

Avec le recul, M. Jansen a déclaré que le rapatriement s’est déroulé « remarquablement vite pour passer de zéro à 100 en moins de 10 jours ». L’attente a cependant été difficile pour les Canadiens et Canadiennes anxieux, particulièrement les personnes vulnérables ou les familles qui avaient des enfants en voyages scolaires.

Beaucoup se sont plaints que le Canada était trop lent à communiquer et prenait trop de temps pour les faire sortir par rapport à d’autres pays. Environ 2 500 personnes étaient inscrites au système ROCA, mais celui-ci connaissait certains problèmes.

Les Canadiens et Canadiennes ont tendance à ne pas s’inscrire ou à l’oublier. Nombreux sont ceux qui ont longtemps épinglé l’idée d’un système d’inscription obligatoire, mal à l’aise avec l’idée que le gouvernement sache où ils se trouvent et puisse les suivre.

Pendant la pandémie, Affaires mondiales a fortement encouragé les Canadiens et Canadiennes à s’inscrire à ROCA afin de pouvoir recevoir des instructions et des informations sur les vols, mais dans certains cas, ces informations ne sont pas arrivées à destination ou sont allées dans le dossier des pourriels.

Des problèmes surviennent lorsque les personnes oublient de se désinscrire, qu’elles ne se trouvent pas dans le lieu qu’elles ont indiqué, ou qu’elles en sont déjà parties. Cela signifie que des personnes figurent sur la liste alors qu’elles ne devraient pas y être et que d’autres ont été supprimées. Beaucoup ont utilisé des applications de messagerie pour rester en contact et n’ont pas reçu les avis envoyés par le gouvernement par courriels, par SMS ou par les médias sociaux.

L’ambassade a utilisé ROCA pour envoyer des codes de réservation aux passagers à haut risque et prioritaires – tels que les personnes âgées, les groupes scolaires ou les personnes souffrant de problèmes médicaux – afin qu’ils puissent réserver des sièges avant l’ouverture de la vente des billets. Mais les codes ont été largement diffusés sur les médias sociaux, ce qui a pu faire perdre des sièges aux passagers prioritaires.

« Le plus gros problème est que nous ne disposions pas de système capable de gérer des dizaines de milliers de personnes », explique M. Oliphant. « ROCA n’a tout simplement pas été conçu pour une crise mondiale de ce genre. Il peut peut-être gérer un pays à la fois, un tremblement de terre ou un ouragan, mais nous étions face à un tsunami d’ampleur mondiale. … Nous devons repenser le système et disposer d’un plan, car cela pourrait se reproduire », a-t-il expliqué.

Jansen a déclaré que rien dans sa carrière de diplomate ne se rapprochait de la pandémie et cette expérience soulève la vieille question lancinante de l’équilibre des responsabilités entre le gouvernement et ses citoyens et citoyennes qui voyagent.

« Des personnes se rendent dans des endroits qui sont difficiles ou à des moments difficiles. … Est-il raisonnable de s’attendre à être secouru lorsque l’on veut rentrer chez soi? Et de quoi est-on responsable en tant que citoyen et citoyenne? Là est toute la question. »

La sous-ministre des Affaires mondiales, Marta Morgan, a déclaré dans un balado interne que dans les premiers jours, personne n’imaginait la complexité, l’ampleur ou le volume mêmes de l’effort de rapatriement qui a été déployé.

Lorsque nous avons commencé, nous regardions le verso d’une enveloppe en disant : « Eh bien, qu’en pensez-vous? Disons 10, 12 vols? »

En juillet, le gouvernement avait déjà participé à, facilité ou assisté l’organisation de 692 vols. C’était la mi-mars et Air Canada voyait dans les avis de l’industrie que les pays, les uns après les autres, se confinaient. La compagnie aérienne avait décidé de stationner sa flotte lorsque le ministre des Affaires mondiales, François-Philippe Champagne, a appelé le PDG Calin Rovinescu pour discuter d’une éventuelle collaboration en vue de ramener les Canadiens et Canadiennes chez eux.

« Nous étions en train de démanteler tout notre réseau et de stationner nos avions », a déclaré Ferio Pugliese, premier vice-président d’Air Canada. « C’était en fait fortuit. Le ministre a dit ˮattendez, avant d’aller garer certains gros porteurs, nous pourrions peut-être effectuer des missions autour du monde et ramener des gens chez euxˮ ».

Les négociations ont commencé. En quelques jours, les responsables d’Affaires mondiales et de Transports Canada ont conclu le premier accord commercial pour le rapatriement des Canadiens et des Canadiennes, que Mme Jeffrey a remis au sous-ministre à 7 h, à temps pour une réunion à 8 h.

La première destination d’Air Canada a été Casablanca le 21 mars, suivi par le Pérou trois jours plus tard. Fin avril, Air Canada avait ramené plus de 10 000 personnes au pays à bord de 41 vols de rapatriement.

La politique du gouvernement a toujours été de faire payer les vols d’évacuation. Il renonce aux paiements dans des situations désespérées ou si tout le monde peut être évacué en un seul vol. Mais dans le cas de centaines de vols, il est « logique de recouvrer les coûts », a noté Mme Jeffrey.

Les vols affrétés n’étaient plus disponibles; ils étaient trop chers. La Défense nationale n’avait pas les capacités nécessaires et ne voulait pas risquer de contaminer l’armée en cas de situation d’urgence. Les vols gratuits ont été exclus, car ils pouvaient attirer plus que les personnes vulnérables et celles ayant un besoin pressant de rentrer chez elles.

Le gouvernement voulait plutôt s’associer aux compagnies aériennes qui étaient les experts et disposaient des infrastructures nécessaires. Le gouvernement a insisté que les compagnies aériennes fixent des tarifs raisonnables et qu’elles garantissent les vols.

Les responsables d’Air Canada affirment qu’ils ont fait des calculs et estimé qu’ils pourraient couvrir leurs coûts si les avions étaient remplis à 80 %. L’entente a été conclue, devenant le modèle pour les vols à contrat avec les compagnies aériennes canadiennes et étrangères. Pour tout vol dont moins de 80 % des sièges étaient occupés, le gouvernement payait la différence. Cette différence a coûté aux contribuables environ 4,1 millions de dollars.

« Nous connaissions le volume de la demande sur toutes ces routes et il était extrêmement rare qu’on ne dépasse pas ce seuil de 80 % », a souligné M. Robson. « C’était un excellent accord : bon pour les transporteurs aériens, bon pour les citoyens canadiens et bon pour les contribuables », a-t-il expliqué.

Les tarifs étaient plus élevés que la normale parce que les avions volaient à vide pour prendre les passagers qui payaient un aller-retour pour un voyage aller simple. Air Canada a déclaré que ses tarifs pour les vols de rapatriement du gouvernement variaient entre 900 et 1 800 dollars. Certains tarifs en Afrique avoisinaient les 6 000 dollars, ce que le prêt d’urgence a permis de compenser.

Mais de nombreux passagers étaient furieux. Non seulement ils payaient des tarifs plus élevés, mais les compagnies aériennes refusaient de rembourser les vols annulés et proposaient plutôt des crédits pour des voyages futurs.

« Nous devions tarifer ces rapatriements parce que nous mettions à pied des milliers de personnes et que nous dépensions environ 40 millions de dollars par jour en espèces. Nous ne pouvions pas le faire de manière purement humanitaire, nous contentant de transporter les personnes gratuitement. Nous devions recouvrer le coût… et tout le monde le comprenait », a déclaré M. Pugliese.

À l’origine, le but de ce filet de sécurité était de réduire le risque pour les compagnies aériennes qui craignaient que les avions ne soient arrêtés en plein vol ou ne puissent atterrir, ou que les passagers ne se présentent pas et que les avions rentrent à vide. M. Pugliese a rappelé qu’Air Canada avait été informée en plein vol d’un couvre-feu à Casablanca, entrainant ainsi la fermeture de l’espace aérien et de l’aérodrome.

« Littéralement, pendant que l’avion était en plein vol, ils (Affaires mondiales Canada) négociaient avec le gouvernement marocain pour nous permettre d’entrer, de faire ce que nous avions à faire, de faire demi-tour et de sortir », a-t-il déclaré.

Toutes les grandes compagnies aériennes canadiennes ont été contactées pour recevoir un financement de sûreté, mais Air Canada a été la première à accepter la proposition. D’autres compagnies aériennes, notamment WestJet, Air Transat et Sunwing, lui ont rapidement emboîté le pas et ont proposé des vols de rapatriement en utilisant la garantie.

Mais les compagnies aériennes canadiennes n’étaient pas toujours prêtes à proposer des vols, surtout vers des pays qu’elles ne desservaient pas ou pour des trajets qui ne faisaient pas partie de leur réseau. C’est à ce moment-là que des transporteurs étrangers sont intervenus, mais ils n’étaient pas aussi enthousiastes à l’idée de bénéficier d’un filet de sécurité financière.

Dans le cadre de ces contrats, le gouvernement payait à l’avance et recouvrait ses coûts directement ou par l’intermédiaire d’une agence de voyages. Toutefois, la règle de base était que tous les vols devaient être réservés à 80 % de leur capacité ou sans contrat.

« Un vol devait être complet ou sans contrat. Nous n’avons pas effectué de vols partiels », a déclaré M. Robson.

Le gouvernement ne concluait de contrats sur des vols que si aucune compagnie aérienne n’offrait d’options commerciales – lesquelles étaient encore disponibles dans une grande partie de l’Europe et des États-Unis. En général, le gouvernement ne concluait de contrats sur des vols que s’il y avait au moins 150 passagers – le seuil de 80 % nécessaire pour les plus petits avions de 190 places utilisés.

Les efforts de rapatriement ont été consentis sur quatre modèles de vol. Le plus grand nombre était des vols à contrat. Le gouvernement soutenait ces vols à 80 ou 100 % de leur capacité ou payait d’avance et recouvrait les coûts auprès des passagers.

Le gouvernement a également noué des partenariats avec des compagnies aériennes en vue d’organiser des « vols facilités ». Il s’agissait de vols commerciaux réguliers pour lesquels le gouvernement n’avait pas de contrat. Toutefois, les fonctionnaires ont effectué une grande partie des démarches, qu’il s’agisse de la négociation des droits d’atterrissage, des autorisations, des permis, des documents de voyage, des manifestes ou des listes de passagers.

Les gouvernements étrangers, notamment des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, ont offert au Canada des places sur les vols affrétés pour rapatrier ses citoyens et citoyennes. Le gouvernement promouvait ces vols au moyen des médias sociaux ou par l’entremise de ROCA. Enfin, les compagnies aériennes, les agences de voyages ou les sociétés privées ont organisé des vols de secours, que le gouvernement a également publicisés pour aider à remplir les sièges vides.

Les vols de secours ont été effectués, par exemple, pour transporter les citoyens et citoyennes de l’Inde vers les plaques tournantes de Doha, Francfort, Londres ou Paris, puis vers leur pays d’origine, ou pour ramener les citoyens indiens du Canada en Inde.

« C’était un terrain de jeu assez complexe. Nous avons mobilisé toutes les personnes que nous pouvions pour les envoyer là où nous voulions qu’ils aillent le plus vite possible. C’était un heureux mélange de partenariats et de compagnies aériennes », a déclaré Mme Jeffrey.

Certains responsables de compagnies aériennes ont fait valoir que le gouvernement a été pris au dépourvu, attisant la panique autour d’un retour au Canada alors qu’aucun plan de rapatriement n’était prêt. Toutefois, ils ont salué l’approche de partenariat adoptée par le gouvernement. Au dire de tous, les négociations ont été franches et ouvertes. Le gouvernement a été coopératif et n’a pas imposé aux compagnies aériennes ce qu’elles devaient faire, ni adopté l’attitude de « papa a raison », a déclaré un responsable d’une compagnie aérienne.

« C’est l’un des meilleurs exemples de collaboration entre le gouvernement et le secteur privé que j’ai vu en huit ans chez WestJet. Le gouvernement ne nous a pas imposé une obligation insurmontable ou financièrement impossible et a reconnu que nous pouvions faire quelque chose qu’il n’était pas en mesure de faire », a déclaré Andrew Gibbons, directeur des relations gouvernementales et des affaires réglementaires chez WestJet.

Le coronavirus a frappé différentes parties du monde à des moments différents, mais les vols de rapatriement du Canada n’ont pas toujours suivi le trajet du virus. Si aucun vol commercial n’était disponible, le calendrier des vols était dicté par la sévérité des mesures de confinement d’un pays plutôt que par l’épidémie.

En cinq mois, plus de la moitié des personnes rapatriées, soit 36 000, se trouvaient dans cinq pays : Inde, Pakistan, Pérou, Maroc et les Philippines. Le Canada compte une importante population indo-canadienne, avec des milliers de personnes qui passent leurs vacances, travaillent ou étudient en Inde. Le gouvernement a utilisé ses quatre modèles de vol pour rapatrier plus de 25 073 citoyens et citoyennes et résidents et résidentes permanents de l’Inde au Canada – avec certains vols de secours se poursuivant jusqu’à l’automne.

Le dernier vol de rapatriement officiel a eu lieu le 17 juillet, lorsque WestJet a débarqué 165 passagers à Toronto en provenance de Port of Spain. Il n’y a eu ni fanfare ni annonce publique, si ce n’est les applaudissements des passagers du vol et des employés du centre d’intervention. L’équipe d’intervention d’urgence a été dissoute discrètement le 7 août; les volontaires ont repris leur travail, tandis que les 15 employés du centre ont repris leur veille de 24 heures, 7 jours sur 7, en vue de la prochaine crise.

Les fonctionnaires ont été complètement pris au dépourvu lorsque le premier ministre Trudeau a annoncé un programme de prêts d’urgence – d’une valeur de 5 000 dollars – pour aider les Canadiens et Canadiennes pris à l’étranger.

L’idée d’une aide d’urgence avait certainement été évoquée au sein de la bureaucratie, dans la mesure où les fonctionnaires ont vu les frontières se fermer, mais rien n’a été précisé ni approuvé avant que le premier ministre n’invite les Canadiens et Canadiennes, le 16 mars, à revenir au pays.

Le déploiement a commencé ce même jour pour mettre en place rétroactivement un programme de prêt, un plan de mise en œuvre et une équipe chargée de l’administrer, et les faire approuver par le ministère des Finances et le Conseil du Trésor. Le formulaire de demande en ligne a été mis en place deux jours plus tard.

« Nous avons travaillé à rebours. C’est l’inverse total de la façon dont nous fonctionnons normalement », a déclaré Lisa Almond, directrice générale des affaires consulaires, qui a dirigé le programme de prêt.

« Nous élaborons généralement nos propositions, qui remontent la chaîne avant d’être approuvées. Vous avez déjà un plan de mise en œuvre. Là, c’était complètement l’inverse. Quelque chose est annoncé et nous nous sommes dit “Quoi?” En quoi consiste un programme de prêts d’urgence? Nous devions effectuer tout ce travail rétroactivement », a-t-elle précisé.

Et cela devait être effectué rapidement.

Les appels et les demandes déferlaient déjà, avec 4 000 demandes reçues au cours des cinq jours suivant l’annonce de M. Trudeau. La rapidité était également primordiale, car le gouvernement allait soutenir les vols de rapatriement et ne pouvait pas risquer que des Canadiens et Canadiennes coincés à l’étranger ne puissent pas rentrer parce qu’ils n’avaient pas accès à l’argent nécessaire pour acheter des billets.

En somme, plus les avions étaient remplis, moins il en coûterait au contribuable.

« Nous avons réalisé que si nous ne réussissons pas à faire monter les gens dans l’avion, non seulement nous les laisserions dans une situation de vulnérabilité, mais également nous ne serions pas en mesure de remplir ces avions. Il était de notre intérêt de faire revenir le plus grand nombre possible de Canadiens et Canadiennes sur les vols de rapatriement », a déclaré Mme Almond.

Toutefois, les prêts n’étaient pas seulement destinés à aider au rapatriement des Canadiens et Canadiennes au pays. Ils étaient également destinés aux Canadiens et Canadiennes qui devaient « trouver refuge sur place ». Les prêts couvraient les frais accessoires de ceux qui attendaient de rentrer chez eux ou qui étaient en quarantaine. Les prêts pouvaient également être utilisés pour les frais médicaux de ceux qui étaient infectés ou mis en quarantaine à l’étranger.

Au dernier décompte, environ 4 800 prêts ont été accordés, pour un total d’environ 17 millions de dollars. Environ 30 % des prêts ont été accordés à des familles ou à des groupes, ce qui signifie que près de 6 000 personnes ont reçu des prêts allant jusqu’à 5 000 dollars.

La majorité des prêts a été accordée pour couvrir les frais de rapatriement au Canada, les frais de transport aérien ou de transport local nécessaires pour se rendre à un aéroport afin de prendre un vol à destination du Canada. Environ 20 % des prêts étaient destinés aux personnes devant trouver un « refuge sur place » pour aider à couvrir les dépenses engagées par les Canadiens et Canadiennes coincés à l’étranger qui ne pouvaient pas rentrer au pays, tandis qu’environ 1 % des prêts était destiné aux frais médicaux. Le montant du prêt moyen était d’environ 3 700 dollars.

Voilà longtemps qu’Affaires mondiales Canada a mis en place un petit programme de prêts de dernier recours en faveur des personnes démunies bloquées à l’étranger. Les prêts accordés en vertu du Fonds d’assistance aux Canadiens en difficulté sont difficiles à obtenir. Les processus d’évaluation et d’approbation sont rigoureux, notamment la vérification des références visant à s’assurer que la personne démunie n’a aucune autre source de financement, tels les comptes bancaires ou les amis et la famille. Le ministère dépense généralement environ 150 000 dollars par an pour ces prêts de dernier recours.

Selon Mme Almond, les critères d’admissibilité pour les prêts d’urgence devaient être « beaucoup plus larges » et la « diligence raisonnable plus légère ». Il n’y avait pas assez de temps pour effectuer l’évaluation habituelle, des vérifications de solvabilité et des approbations. Par ailleurs, les compagnies aériennes mettraient des mois à rembourser ou à créditer le compte des voyageurs pour les billets annulés. Il fallait en grande partie croire les Canadiens et Canadiennes sur parole.

« Nous avons réalisé que le niveau de contrôle nécessaire n’était pas possible dans les délais impartis pour ces vols », a déclaré Mme Almond. « Dans de nombreux cas, les vols annoncés devaient être effectués le lendemain. Il fallait donc arriver rapidement avant la fermeture des frontières et le blocage des Canadiens et Canadiennes à l’étranger ».

Le programme de prêts représentait un tournant important pour le gouvernement sur plusieurs fronts. Tout d’abord, les services consulaires ne sont offerts qu’aux citoyens et citoyennes canadiens, et le prêt a été étendu aux résidents et résidentes permanents sous certaines conditions. Le ministre a également insisté pour que le prêt soit sans intérêt.

Cette décision a permis d’éviter la division des familles, notamment celles constituées d’enfants canadiens et de mère canadienne, mais dont le père est résident permanent. Le risque est que le gouvernement n’ait aucun recours pour recouvrer les prêts impayés auprès des résidents et résidentes permanents qui ne paient pas d’impôts au Canada. L’Agence du revenu du Canada peut recouvrer les prêts impayés à partir d’un remboursement d’impôt non réglé.

Environ 86 % des demandes de prêt provenaient de citoyens et de citoyennes canadiens et 7 % de résidents et de résidentes permanents.

Seulement environ 60 % des prêts de dernier recours accordés dans le cadre du Fonds d’assistance aux Canadiens en difficulté sont remboursés et les fonctionnaires s’attendent à un taux de remboursement similaire ou inférieur, car les prêts d’urgence sont sans intérêt.

Environ un mois après le lancement du programme, les règles d’admissibilité ont été renforcées, exigeant que les demandeurs prouvent qu’ils avaient l’intention de revenir au Canada avant la COVID-19. À l’origine, les règles ne faisaient pas de distinction entre les Canadiens et Canadiennes qui voyageaient ou s’installaient pour un long séjour à l’étranger. Le personnel dans les missions a fait part de ses préoccupations quant au fait que des citoyens et citoyennes vivant à l’étranger en tant que résidents à long terme sollicitaient des prêts à titre de supplément ou de prestation sociale, car ils avaient perdu ou s’attendaient à perdre leur emploi en raison de la COVID-19.

La décision a été prise pour que le programme soit destiné aux « vrais voyageurs ». Les résidents à long terme dans d’autres pays, qui n’ont pas forcément de domicile ou d’endroit au Canada pour se placer en auto-isolement ou qui n’ont pas accès aux soins de santé avant la fin d’une période d’attente, pouvaient également présenter un risque pour la santé des autres Canadiens et Canadiennes.

Les spécialistes des technologies de l’information se sont empressés de mettre en place un nouveau portail et un formulaire de demande en ligne facile à télécharger et à remplir par téléphone. Il fallait quand même envoyer ledit formulaire par courrier électronique et toutes les données devaient être saisies à nouveau dans le système de gestion des dossiers consulaires. Une équipe distincte composée de 50 volontaires prenait les appels, évaluait les demandes et transférait les prêts pour approbation.

Toutefois, le personnel informatique était déterminé à trouver une nouvelle solution numérique plus rapide sous forme d’un assistant logiciel ou d’un assistant de configuration pour aider à guider les demandeurs tout au long du processus de prêt. Le plan consistait à utiliser l’intelligence artificielle pour recueillir les données qui permettraient de jumeler, en temps réel, les demandes de prêts et les besoins de vols.

D’après Mme Almond, le projet de développer, de piloter et de tester un système en pleine situation d’urgence était tout simplement trop ambitieux. Elle a ajouté que les équipes de prêt et d’informatique savaient qu’il s’agissait d’un pari risqué et qu’à la fin du mois de mai, tout le monde s’est rendu compte que le prototype avait encore un mois pour faire l’objet de contrôles de sécurité et de tests avant d’être prêt à fonctionner.

Toutefois, Mme Almond a déclaré que le travail n’était pas perdu et qu’il serait utilisé comme « preuve de concept » pour mettre en ligne plus de services consulaires, notamment le Fonds d’assistance aux Canadiens en difficulté, ou pour aider à recueillir et à mettre à jour les données des manifestes de vol en temps réel lors des situations d’urgence. Les volontaires qui organisaient les vols de rapatriement ont passé de longues heures à copier-coller les données dans des feuilles de calcul Excel pour préparer les manifestes.

« Il a fallu des efforts et du temps pour investir dans une solution dont nous savions tous qu’elle pourrait ne pas fonctionner », a déclaré Mme Almond. « Toutefois, je pense que nous avons bien fait d’explorer des solutions en temps réel susceptibles de ne pas être un avantage pour nous, mais pour d’autres ».

Robson soutient que le ministère n’a pas fini de tirer des leçons de la COVID-19.

Il a créé un compte courriel pour les volontaires ayant travaillé avec l’équipe d’intervention d’urgence, afin de leur permettre de donner leur rétroaction sur ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné dans la gestion de la crise. Ces courriels sont devenus les éléments constitutifs d’un document officiel sur les leçons retenues.

La demande pour les services consulaires a explosé, tout comme le nombre de cas compliqués de Canadiens et Canadiennes en détresse à l’étranger, bien avant que le coronavirus ne frappe le monde.

La pandémie a révélé au grand jour le besoin de ressources supplémentaires, que le ministère a traité en étendant son modèle d’urgence à l’ensemble du ministère et en recrutant ses employés en tant que volontaires. M. Robson estime que la nécessité d’utiliser plus de personnes pour gérer les crises se poursuivra et que tous les employés devront être mieux formés à la gestion des situations d’urgence et au travail des agents consulaires.

Les attentes des Canadiens et Canadiennes en matière d’aide gouvernementale à l’étranger ont également augmenté et continueront à augmenter au lendemain d’un rapatriement largement réussi. Le gouvernement – qui maintient le slogan « un Canadien est un Canadien et une Canadienne est une Canadienne » – a élargi les services consulaires habituellement offerts aux seuls citoyens et citoyennes pour y inclure les résidents et résidentes permanents, augmentant considérablement le nombre de personnes à ramener au pays.

Nombreux sont ceux qui affirment que les attentes croissantes renforcent la nécessité de gérer et de maîtriser ces attentes. C’est en partie à ce niveau que de meilleures technologies et communications peuvent aider à donner aux Canadiens et Canadiennes les renseignements dont ils ont besoin pour gérer les risques de leurs propres voyages.

Voici plus d’un an qu’Affaires mondiales Canada a achevé une révision majeure de sa stratégie consulaire pour le XXIe siècle. La pandémie a considérablement accéléré la modernisation recommandée des communications, de sorte qu’il est possible d’adapter les messages aux publics cibles, qu’il s’agisse d’un couple de retraités ou d’un voyageur de 22 ans en sac à dos, et d’utiliser les canaux souhaités.

Les employés de l’ambassade sont les seuls témoins directs du ministère sur le terrain, mais en raison du confinement, le ministère n’a pas pu envoyer de renforts et de nombreux employés de l’ambassade n’ont même pas pu aller au travail. Des équipes virtuelles, des ambassades temporaires, de nouveaux procédés opérationnels et technologies ont permis de gérer les charges de travail sans précédent, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

La pandémie n’est pas encore terminée. Les fonctionnaires chargés de gérer la pandémie se préparent ou répondent actuellement à la prochaine tempête ou catastrophe.

Ces fonctionnaires sont fatigués, les budgets du ministère sont fortement sollicités et les retombées économiques ont laissé de nombreux Canadiens et Canadiennes avec moins d’argent pour se préparer à la prochaine catastrophe.

Selon Mme Jeffrey, la flexibilité et la résilience deviendront plus importantes, car les gens ne peuvent pas travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pendant des mois. Les agents consulaires et les équipes d’urgence avaient jonglé frénétiquement avec des crises internationales les unes après les autres depuis un an lorsque le coronavirus a frappé.

« Nous étions essentiellement en train d’effectuer une entrée en scène continue par l’entremise de diverses situations d’urgence qui se sont poursuivies jusqu’en juillet. Cela nécessite une gestion tout à fait différente de la réponse. Ce n’est pas seulement une urgence qui se termine; vous revenez à une situation normale, vous vous restructurez et vous reprenez votre souffle avant que la prochaine urgence se déclenche », a déclaré Mme Jeffrey.

Robson estime que la nouvelle façon de penser imposée par la COVID-19 a permis d’élaborer une « feuille de route » pour de futures situations d’urgence, qui favorise la flexibilité et la résilience. Selon lui, le département sait maintenant comment « passer du petit au grand en passant par le moyen » pour ensuite revenir en arrière avec l’aide du personnel des ambassades et de l’administration centrale, et qu’il peut le faire à nouveau.

Mais la pandémie pourrait aussi avoir définitivement effacé le clivage traditionnel entre la diplomatie et les opérations consulaires. M. Robson estime que tous les employés ont compris que les affaires étrangères, ce sont d’abord les responsabilités consulaires pour la sûreté et la sécurité des Canadiens et Canadiennes à l’étranger.

« Tout le monde au ministère comprend maintenant mieux que, quel que soit votre travail au quotidien, lorsque la situation est cruciale, c’est avant tout le ministère des Affaires consulaires. Je pense que les gens saisissent mieux cette réalité. Et je pense que cela restera gravé dans nos mémoires », a-t-il conclu.

Aide consulaire et intervention d’urgence d’Affaires mondiales

23 janv. : Wuhan, Chine confinée
26 janv. : Mise en place de l’équipe d’intervention d’urgence
29 janv. : Appel aux voyageurs d’éviter les voyages non essentiels à Wuhan
7 févr. : Premier vol pour ramener des citoyens et résidents permanents canadiens de Wuhan
11 févr. : Deuxième vol pour ramener des Canadiens de Wuhan
20 févr. : Vol nolisé pour ramener les passagers canadiens du paquebot Diamond Princess de Tokyo
9 mars : Passagers canadiens du paquebot Grand Princess sont ramenés de San Diego
10 mars : L’OMS déclare la COVID une pandémie
13 mars : Avis d’éviter tout voyage non essentiel
15 mars : L’équipe d’intervention d’urgence commence à travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7

Les cinq jours : 16-21 mars

Affaires mondiales crée un plan d’intervention et envoie le premier vol de rapatriement

16 mars :  Le premier ministre Trudeau appelle les Canadiens à rentrer au pays
16 mars : Le premier ministre Trudeau annonce le Programme de prêts d’urgence COVID-19
17 mars : Tsunami de courriels et d’appels; plus de 9 000 courriels et de 5 800 appels en une journée
18 mars : 25 pour cent des missions redirigent les appels vers le Centre de surveillance et d’intervention d’urgence (CSIU)
21 mars : Fermeture de la frontière canado-américaine
21 mars : Air Canada envoie un avion nolisé par AMC pour rapatrier des passagers du Maroc
24 avril : À ce jour, 21 400 Canadiens sont revenus au pays sur 175 vols
24 avril : Tous les paquebots avec des passagers canadiens sont accostés
10 mai : Plus de 3 100 prêts approuvés pour un total de 9,9 millions $
7 juin : Plus de 42 000 Canadiens sont revenus de 100 pays sur 425 vols
17 juil. : WestJet opère le dernier vol de rapatriement depuis Trinidad
18 juil. : Les derniers membres d’équipage canadiens quittent un paquebot
7 août : L’équipe d’intervention d’urgence est dissoute

Le Gouvernement du Canada, la Wilson Foundation, la Lawson Foundation et Microsoft.