La conception et l’exécution des efforts de vaccination ont donc différé grandement d’une province à l’autre. Dans ce rapport, nous explorons brièvement les campagnes de vaccination de la Nouvelle-Écosse, du Québec et de l’Ontario. Bien que l’approche de chaque province ait été différente, le taux de vaccination est aujourd’hui sensiblement le même dans chaque province, ce qui pourrait suggérer qu’en fin de compte, les détails de chaque campagne importent peu. Mais ce serait là une conclusion superficielle.

Par Simon Avery

Immuniser les Canadiens et Canadiennes contre la COVID-19 s’est avéré un processus compliqué dans un pays qui n’a ni la capacité de produire son propre vaccin, ni un système de santé centralisé pour administrer ce vaccin.

Les premiers vaccins à arriver à Ottawa ont été ceux de Pfizer en décembre 2020, suivis de ceux de Moderna quelques semaines plus tard, et de ceux d’Oxford-AstraZeneca au printemps 2021. Le centre national des opérations, situé dans les quartiers généraux de l’Agence de la santé publique du Canada, à Ottawa, a supervisé la distribution équitable des vaccins à travers le pays. Mais c’est aux provinces et territoires qu’il a incombé de déterminer la meilleure manière d’administrer les doses à leur population.

La conception et l’exécution des efforts de vaccination ont donc différé grandement d’une province à l’autre. Dans ce rapport, nous explorons brièvement les campagnes de vaccination de la Nouvelle-Écosse, du Québec et de l’Ontario. Bien que l’approche de chaque province ait été différente, le taux de vaccination est aujourd’hui sensiblement le même dans chaque province, ce qui pourrait suggérer qu’en fin de compte, les détails de chaque campagne importent peu. Mais ce serait là une conclusion superficielle.

Des acteurs.rices clés de la campagne de vaccination de la Nouvelle-Écosse ont généreusement accepté d’aider le Forum des politiques publiques dans la préparation de cette étude comparative de cas. Les représentant.e.s des gouvernements du Québec et de l’Ontario, cependant, ont refusé de discuter de leurs efforts de vaccination.

COMPARaISON : Trois provinces, trois campagnes différentes

NoUvelle-Écosse

Dans les jours précédant l’arrivée des vaccins contre la COVID-19 au Canada, de haut fonctionnaires de la Nouvelle-Écosse souhaitaient éviter les problèmes de distribution que connaissaient certaines régions de l’Europe et des États-Unis : des millions de personnes obligées de faire des pieds et des mains ou d’attendre en file pendant des heures pour obtenir un rendez-vous, le résultat de politiques chaotiques. Ils pensaient que la solution résidait dans l’utilisation d’un système de réservation centralisé qui permettrait aux gens de s’inscrire en ligne ou par téléphone recevoir pour leurs vaccinations.

Que ce soit le résultat de la chance ou d’une vision avisée, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse avait déjà étudié avec une jeune entreprise canadienne l’élaboration d’un système centralisé pour la vaccination contre la grippe. Le module de gestion du flux des cliniques de CanImmunize s’est avér un outil fondamental ayant permis à la Nouvelle-Écosse d’atteindre son objectif et d’élaborer un programme de vaccination contre la COVID-19 qui était à la fois fiable, équitable et accessible.

Mais les ambitions de la province ont provoqué un dilemme dès le départ. En effet, la mise en œuvre d’un système numérique pouvant gérer automatiquement plus d’un million et demi de rendez-vous de vaccination dans près de 400 pharmacies, et ce, tout en fournissant aux autorités sanitaires des informations en temps réel sur le taux de vaccination de la province selon le lieu et la tranche d’âge, allait demander plus de temps que de simplement acheminer le vaccin aux prestataires de soins de santé et de demander à la population de se le faire administrer.

« En ce qui concerne le taux de vaccination, nous avons connu un départ plus lent [que les autres provinces]. Nous avions un nouveau gouvernement et un nouveau premier ministre qui n’étaient guère à l’aise d’être les derniers au pays, ce qui se comprend », explique Tracey Barbrick, responsable de la vaccination pour la Nouvelle-Écosse et sous-ministre adjointe. « Mais nous avons continué de répéter le même message : “Nous sommes en train de construire quelque chose, et quand les autres provinces toucheront leur plafond, nous allons continuer de tourner”. Et c’est exactement ce qui est arrivé. »

Ontario

En Ontario, la méthode à utiliser pour prendre un rendez-vous de vaccination contre la COVID-19 variait selon l’âge et le lieu de résidence. Certain.e.s Ontariens et Ontariennes étaient invités à utiliser le portail du gouvernement, alors que d’autres étaient priés de prendre un rendez-vous directement auprès d’une clinique de santé publique, d’un hôpital, d’une clinique médicale mobile ou d’une pharmacie.

Le système ontarien a été largement critiqué et accusé d’être un processus laborieux ayant inutilement causé beaucoup d’anxiété chez les citoyen.ne.s. Cependant, il a également réussi à distribuer des millions de doses en peu de temps.

Québec

Au Québec, tous les rendez-vous en ligne doivent être pris via une plateforme appelée Clic Santé. Cette dernière a été développée par Trimoz Technologies, une firme québécoise spécialisée dans la gestion de rendez-vous médicaux. Le gouvernement était déjà familier avec Clic Santé, puisqu’il utilisait la solution développée par la petite entreprise depuis une décennie pour gérer les campagnes annuelles de vaccination contre la grippe.

En juin, la province a reçu des doses additionnelles de vaccin. Le Québec a donc offert à ses citoyen.ne.s la possibilité de devancer leur rendez-vous pour recevoir leur seconde dose. La modification des rendez-vous pour la seconde dose s’est avérée frustrante pour certain.e.s, qui se sont plaints que le système n’arrivait pas à authentifier leurs renseignements personnels. Trimoz Technologies a cependant réussi à résoudre ce problème en apportant des modifications au logiciel.

En détail : L’EXPéRIENCE de la nouvelle-Écosse

« La façon la plus rapide d’enfoncer des aiguilles dans des bras, c’est de faire défiler des milliers de personnes par jour et de les vacciner l’une après l’autre », explique Tracey Barbrick, qui occupait le rôle de sous-ministre adjointe à la santé et au bien-être avant de devenir responsable de la vaccination pour la Nouvelle-Écosse. « Mais cette approche est malavisée », ajoute-t-elle.

« Au bout du compte, l’ensemble du pays allait arriver au même point avec seulement quelques jours de différence. Il y a donc eu une espèce d’urgence artificielle qui, d’un pur point de vue de santé publique, n’allait pas changer quoi que ce soit pour la population. »

Elle admet qu’elle est elle-même tombée dans ce « piège » avant d’être convaincue par d’autres intervenant.e.s du milieu de la santé, dont le Dr Robert Strang, médecin hygiéniste en chef de la province, qu’il y avait d’autres éléments à prendre en compte.

Données justes

En prenant le temps nécessaire pour configurer le module de gestion du flux des cliniques de CanImmunize afin de répondre aux besoins de la province, la Nouvelle-Écosse a pu recevoir un flux régulier de données précieuses concernant la campagne de vaccination. Par exemple, un tableau de bord en temps réel a permis au personnel de santé publique de surveiller les régions et tranches d’âge où la vaccination progressait plus lentement.

Des bénévoles « ont fait du porte-à-porte pour parler aux membres de leur propre communauté et les rendre plus à l’aise avec les vaccins », explique Mme Barbrick.

La santé publique néo-écossaise a travaillé avec les chefs et directeurs.rices sanitaires des Premières Nations, les communautés afro-néo-écossaises, les organismes œuvrant auprès des personnes en situation de handicap, les refuges pour sans-abri, les refuges pour victimes de violence familiale, etc. Dans plusieurs cas, des cliniques mobiles ont permis d’aller vacciner des personnes défavorisées qui avaient de la difficulté à prendre rendez-vous ou à se déplacer vers un autre lieu, souligne également Mme Barbrick.

Commerces partenaires

La Nouvelle-Écosse était déterminée à éviter les réservations multiples et les annulations, étant persuadée qu’il en résulterait une campagne chaotique, frustrante et inefficace. Faire appel à des pharmacies reliées par une plateforme centralisée de prise de rendez-vous était donc au cœur du plan.

« Nous sommes l’un des seuls regroupements de pharmacies [au pays] ayant travaillé sur le terrain dès le premier jour », indique Allison Bodnar, présidente-directrice générale de la Pharmacy Association of Nova Scotia. « Les pharmacies sont des expertes dans la gestion de la chaîne du froid. Nous savons comment stocker, gérer et injecter. »

La province a établi des normes minimales pour toutes les pharmacies participant à la campagne. Chaque établissement devait être muni d’une génératrice pour protéger les vaccins en cas de panne électrique. Il devait également adopter le système CanImmunize. Au début, quelques pharmacies ont résisté, préférant utiliser leur propre système de prise de rendez-vous. Mais lors d’un programme pilote, les pharmacien.ne.s ont constaté que les tâches administratives prenaient beaucoup de temps : la plupart des appels téléphoniques, par exemple, demandaient chacun près de 10 minutes afin de répondre aux questions et d’expliquer le vaccin. Le module de gestion du flux de clinique permettait d’automatiser l’ensemble du processus, y compris la prise de rendez-vous, la documentation et la facturation. « Ils ont rapidement changé d’idée », souligne Tracey Barbrick.

Gestion des imprévus

« C’est grâce à la présence d’un système spécialisé de prise de rendez-vous que la campagne de vaccination de la Nouvelle-Écosse a si bien fonctionné », indique Kumanan Wilson, fondateur et président-directeur général de CanImmunize et spécialiste en médecine interne générale à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa. « Il y a eu quelques difficultés au début, mais dans l’ensemble, le système est vraiment ce qui a rendu la campagne beaucoup moins chaotique et beaucoup plus flexible en cas de virages ou changements rapides. »

Lors de son lancement en mars, le système CanImmunize a rapidement connu ce que Tracey Barbrick décrit comme « une panne monumentale » provoquée par la ruée de la population sur le site dans le but de prendre un rendez-vous de vaccination. Les critiques ont aussitôt blâmé le gouvernement, mais elle félicite l’entreprise d’avoir travaillé sans interruptions pour régler le problème et remettre le système en ligne dans les plus brefs délais.

Conclusion

La distribution des vaccins contre la COVID-19 au Canada a été un énorme projet auquel auront participé tous les paliers de gouvernement de la plupart des Canadiens et Canadiennes. L’ampleur de l’effort et les circonstances uniques qui l’entourent offrent aux décideurs.euses et responsables politiques l’occasion de tirer des leçons afin d’améliorer les campagnes de vaccination nationales et, éventuellement, d’autres initiatives de santé publique, mais seulement s’ils et si elles prennent le temps d’évaluer de manière impartiale ce qui a fonctionné et ce qui n’as pas fonctionné.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a opté pour une approche différente de la plupart des autres provinces en plaçant l’expérience client au cœur de la conception. En utilisant une plateforme numérique visant à centraliser la prise de rendez-vous, les autorités néo-écossaises ont diminué la confusion et l’anxiété pour les citoyen.ne.s tout en obtenant des données en temps réel sur la progression de la campagne de vaccination. Malgré la lenteur du départ, la province affiche aujourd’hui un taux de vaccination et un taux d’immunité plus élevés, ainsi qu’un taux d’infection plus bas, que la moyenne nationale.

MERCI À NOS PARTENAIRES