Innovation et leadership dans la fonction publique durant la pandémie de la COVID-19 : quelles sont les leçons à tirer?
En mars 2020, le Canada est entré dans sa pire pandémie depuis un siècle. Le pays n’avait pas été confronté à un défi pluridimensionnel de cette ampleur depuis les deux guerres mondiales. Cependant, le Canada faisait cette fois partie du théâtre des opérations et, comme la majeure partie de la planète, il était mal armé contre un ennemi silencieux qui le menaçait de toutes parts.
Le présent rapport n’a pas pour vocation d’évaluer la réponse de l’administration publique canadienne à cette crise globale, ni de prétendre qu’elle a été parfaite. Bon nombre de ces travaux sont déjà en cours ou à venir et, avec un peu de chance, viendront appuyer les réponses à l’avenir.
Si la crise a apporté son lot de défis, elle a également créé un certain nombre d’occasions pour les différents niveaux de l’administration publique de faire preuve d’innovation et d’adapter leurs programmes afin de mieux servir les Canadiens et Canadiennes. Dans le cadre du projet intitulé Innovation et leadership dans la fonction publique pendant la pandémie de la COVID-19, le FPP a tenté de recueillir des exemples de réponses à la pandémie de COVID-19 apportées par la fonction publique à travers le Canada, des réponses qui ont témoigné d’un leadership unique et souvent audacieux en situation de crise, mais sans doute plus important encore, qui ont mis en évidence des approches fondamentalement nouvelles pour envisager et faire les choses.
Nous souhaitons, par l’entremise de ce rapport, décrire certaines de ces nouvelles méthodes de travail sur la base de neuf études de cas, de plus de 50 entrevues et de plus de 200 sondages auprès de fonctionnaires des gouvernements provinciaux et fédéral. Mais surtout, nous souhaitons déduire de ces cas les facteurs critiques qui offrent le meilleur potentiel pour des changements durables.
Nous avons examiné ces études de cas afin de mieux comprendre les raisons pour lesquelles l’innovation peut être plus facile en temps de crise et certains des facteurs qui mériteraient d’être encouragés pour favoriser une culture de l’innovation dans l’administration publique, une culture qui facilite l’expérimentation et l’adoption des initiatives les plus prometteuses.
PREMIÈRE PARTIE : LES CAS
La crise de la COVID-19 a pris la forme de la tempête du siècle en raison de sa portée planétaire, de ses répercussions profondes sur les personnes et les activités humaines, et de sa durée exceptionnelle qui a fait appel à la résilience des intervenant.e.s à tous les niveaux et des citoyen.ne.s. Pourtant, les impératifs de la crise ont également créé un cadre d’innovation et des changements dans les comportements organisationnels qui se sont traduits par des avantages significatifs pour les citoyen.ne.s. À travers le prisme de nos neuf études de cas, nous allons examiner dans quelle mesure les administrations publiques ont adopté l’innovation pour servir les Canadiens et Canadiennes en pleine crise de grande ampleur.
Communiquer avec les citoyen.ne.s
L’incertitude qui accompagne un nouveau virus, compte tenu de l’évolution quotidienne des connaissances scientifiques, crée un climat propice à la désinformation. Si les fréquentes conférences de presse des élu.e.s et des expert.e.s en santé publique ont permis de faire le point sur la situation et de donner des conseils, les sites Web et les centres de contact des autorités sanitaires ont été inondés de demandes de renseignements, les gens cherchant à obtenir des informations particulières, les dernières mises à jour ou à être rassurés par rapport à leurs symptômes.
Pour répondre à cette soif d’information, Santé Canada a mis en place, en quelques jours, une plateforme axée sur le client et accessible par abonnement électronique, qui fournit des informations objectives et personnalisées en fonction des intérêts des client.e.s.
En vue de répondre aux inquiétudes, l’agence Alberta Health Services a rapidement développé un outil d’autoévaluation en ligne pour guider les citoyen.ne.s quant à leurs symptômes et leur indiquer s’ils ou si elles doivent se faire dépister. Forte de son succès initial, la plateforme a élargi ses fonctionnalités et est devenue le canal privilégié pour prendre des rendez-vous de dépistage et recevoir les résultats.
Flexibilité des outils et des réponses de l’action publique
En réponse aux préoccupations du secteur privé concernant l’incidence de la COVID-19 sur de nombreuses entreprises et au désir de maintenir la relation entre les employeurs.euses et les employé.e.s afin de bien se positionner pour la reprise, le ministère des Finances et l’Agence du revenu du Canada ont conçu et déployé, en quelques jours, un programme de subvention salariale pour compléter les programmes initiaux de soutien du revenu (PCU) qui avaient été mis en place au début de la pandémie.
En l’espace de quelques semaines, Affaires mondiales Canada, grâce à une étroite collaboration avec les compagnies aériennes et à une multitude de démarches diplomatiques pour permettre les départs, a organisé le rapatriement consulaire le plus complexe à ce jour, permettant à plus de 50 000 citoyen.ne.s canadiens et aux membres de leur famille immédiate de rentrer chez eux.
Tirer parti du Web pour donner accès aux soins de santé mentale et à la justice
Les services de santé mentale et de toxicomanie de l’Île-du-Prince-Édouard, qui redoutaient que la COVID-19 n’aggrave la situation déjà tendue des services de santé mentale destinés à une population vulnérable, ont su tirer parti des possibilités offertes par les soins virtuels, si bien que l’offre et le soutien se sont améliorés pendant la pandémie.
Dans un secteur caractérisé par sa dépendance au papier et aux audiences en personne, le ministère du Procureur général de l’Ontario a été en mesure de concevoir et de mettre en œuvre, en quelques semaines, un système de tribunal virtuel qui a permis d’assurer l’accès à la justice et de réduire l’arriéré croissant des procédures judiciaires.
Sortir de sa zone de confort pour servir les intérêts nationaux
Bien que disposant d’une expérience dans le domaine de la mesure de l’incidence des récessions économiques, Statistique Canada manquait de stratégies pour mesurer l’incidence d’un confinement économique et ses effets disproportionnés sur divers segments de la population, afin de répondre aux besoins urgents en matière de réponses politiques opportunes et fondées sur des preuves. En tirant parti de nouvelles approches, comme la production participative, et des ensembles de données existants, l’agence a mis au point des outils qui, bien que perfectibles, étaient suffisamment fiables pour guider une réponse politique en temps opportun.
Alors que les meilleurs scientifiques de la planète étaient engagés dans une course aux vaccins et aux traitements, l’incertitude créait une atmosphère propice aux campagnes de désinformation systémique. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), en étroite collaboration avec son organisme connexe, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), a dû mettre sur pied un programme de sensibilisation virtuelle à l’intention des entreprises biopharmaceutiques afin de les informer des menaces et des vulnérabilités liées à leurs recherches. Il a également soutenu les efforts visant à lutter contre la désinformation systémique.
Combiner les connaissances scientifiques et traditionnelles pour lutter contre la COVID-19
Fort de son expérience dans la prestation de services sociaux et de santé dirigés par les Autochtones, le Kenora Chiefs Advisory (KCA), un organisme de services autochtone, a su tirer parti des conseils de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de ses ressources locales et traditionnelles pour contenir la propagation de la COVID-19 au sein d’une collectivité vulnérable.
DEUXIÈME PARTIE : QUELS SONT LES FACTEURS FAVORABLES CONSTATÉS PARMI CES CAS?
Une crise, en particulier une crise de longue durée comme celle de la COVID-19, mobilise et concentre toute l’attention sur les solutions (ce qui est réalisable). Elle est à l’origine de conditions propices à l’innovation et au leadership transformationnel. Nous avons regroupé les facteurs favorables sous quatre catégories :
- La gouvernance, la prise de décision et le leadership;
- La prise de risque;
- Les capacités fondamentales de la fonction publique; et
- La communication.
Gouvernance, prise de décision et leadership
Les crises créent un environnement unique qui permet souvent d’adopter des approches nouvelles et innovantes, car elles attirent et concentrent l’attention de l’institution sur un ensemble de problèmes communs. La haute direction se concentre avant tout sur la crise : une seule priorité, et non une dizaine.
Cette attention ciblée et les impératifs urgents ont encouragé les dirigeant.e.s à créer le cadre nécessaire pour que les solutions potentielles soient identifiées, analysées et débattues, et que les meilleures soient lancées avec la masse critique adéquate pour aboutir dans un délai considérablement réduit. Comme le souligne l’étude de cas sur les adhésions à Santé Canada et comme on le constate dans de nombreux autres cas, les cadres supérieurs étaient là pour fournir une orientation stratégique et surmonter les obstacles, mais le personnel était chargé de proposer des innovations et de les mettre en œuvre.
La priorité accordée à un objectif commun a favorisé une collaboration visant à trouver la meilleure combinaison de talents et de compétences complémentaires et à tirer parti des partenariats, internes ou externes, susceptibles de favoriser la réussite, au lieu de privilégier les structures, la hiérarchie et les intérêts particuliers. Comme l’illustre le cas des services de santé mentale de l’Île-du-Prince-Édouard, il est essentiel de réunir les bonnes personnes plutôt que des chiffres, et la pandémie a été l’occasion de mobiliser les bonnes personnes au service d’une cause commune. L’engagement de Statistique Canada auprès du secteur privé pour l’accès aux données, et le fait qu’Affaires mondiales Canada ait sollicité les compagnies aériennes en tant que partenaires dans le rapatriement, montrent l’importance de tirer parti des partenaires externes qui sont sans doute les mieux placés pour contribuer à l’effort.
Prise de risque
Le secteur public a toujours été globalement plus réticent à prendre des risques, ce qui n’est probablement pas surprenant compte tenu de l’importance d’une gestion responsable des finances publiques. Pourtant, une prise de risque judicieuse est cruciale pour les gouvernements afin de faire avancer les principaux dossiers stratégiques. Il existe de nombreux exemples dans l’histoire du Canada où les pouvoirs publics ont effectué de délicats calculs du rapport risque/rendement qui ont abouti à des avantages considérables pour le public. (Parmi les exemples, on peut citer les Pères de la Confédération avec leur chemin de fer national et le gouvernement du Québec avec le projet de barrage de la baie James). En revanche, une aversion excessive au risque qui ne réserve aucune place à l’expérimentation dissimule souvent le coût d’opportunité énorme de l’inaction.
Les impératifs urgents liés à la résolution des problèmes lors d’une crise ont affecté le calcul du rapport risque/rendement étant donné que, subitement, le risque de l’inaction (le coût d’opportunité) était perçu comme plus élevé. La nécessité de trouver des solutions immédiates a créé un état d’esprit de « l’art du possible » qui a ouvert la voie à l’expérimentation agile dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques, des programmes et des services. Le phénomène de paralysie par l’analyse a été remplacé par des solutions créatives pouvant être mises en œuvre rapidement, moyennant un ajustement régulier de la trajectoire. Les fonctionnaires se concentraient davantage sur les résultats publics immédiats souhaités que sur les questions potentielles que pourraient poser les organismes de surveillance externes si les choses ne se déroulaient pas correctement.
Nous avons constaté que la crise a également constitué une occasion d’agir ou de mettre en œuvre des initiatives qui étaient en gestation depuis des années, mais qui n’étaient ni urgentes ni prioritaires. Par exemple :
- Statistique Canada était bien engagée sur la question existentielle de l’identification de nouvelles sources de données lorsque la réponse à la pandémie exigeait la collecte de preuves en temps opportun pour encadrer les mesures de soutien.
- Affaires mondiales Canada avait effectué une analyse des leçons tirées des défis auxquels le ministère avait été confronté lors de la réponse des services consulaires à la saison des ouragans de 2017 dans l’Atlantique, qui a bloqué les Canadiens et Canadiennes dans une région où le gouvernement canadien n’avait pratiquement aucun moyen sur le terrain.
- Dans un monde où la propriété intellectuelle des entreprises privées de pointe ou les opinions publiques sont désormais des cibles courantes d’activités étrangères mal intentionnées, le SCRS et son organisme connexe, le CST, étaient déjà sur la voie d’un engagement plus actif avec le secteur privé et les citoyen.ne.s sur les menaces de la sécurité économique et de la désinformation.
- Les procédures judiciaires virtuelles ont été envisagées comme un moyen d’accroître la capacité du système judiciaire en Ontario.
La mise au point de l’outil d’évaluation en ligne de l’Alberta est une initiative particulièrement instructive sur la question du rapport risque/rendement. Bien qu’il ait pu sembler plus risqué au départ de développer un outil d’autodépistage en ligne des symptômes de la COVID-19 que d’ajouter du personnel à des centres d’appels débordés, le dispositif en ligne a permis d’atteindre un volume élevé d’autoévaluation standardisée, de cibler le dépistage et de libérer du personnel médical pour des tâches plus critiques. Sa mise en œuvre réussie et son adoption par le public ont permis son expansion progressive en tant que canal privilégié pour obtenir des rendez-vous et des résultats de dépistage.
Capacité (ressources financières, humaines et technologiques)
Il ne fait aucun doute que les crises sont propices aux investissements financiers dans les innovations et les transformations qui n’auraient pas été immédiatement disponibles dans un contexte stable. Pourtant, bon nombre des études de cas que nous avons recensées ne nécessitaient pas nécessairement des investissements importants, en dehors des programmes de soutien au revenu tels que l’initiative de subvention salariale ou la PCU. Cependant, la pandémie, en tant que crise substantielle et durable, a créé des opportunités d’expansion et d’optimisation des capacités :
- Simplifier et alléger certains des obstacles aux processus, tels que les règles relatives à l’approvisionnement et aux ressources humaines en matière d’embauche, afin de permettre une réaction rapide;
- Permettre une réaffectation importante et rapide des ressources humaines pour répondre aux besoins de résilience et de capacité d’intervention rapide. Le fait que certaines autres demandes aient diminué pendant la pandémie a facilité cette réaffectation de la masse critique (par exemple, le rapatriement consulaire d’Affaires mondiales Canada qui a nécessité une opération intense 24 h/24, 7 j/7 pendant plusieurs semaines en raison de sa portée et de son ampleur);
- Tirer pleinement parti des capacités numériques en place et en acquérir de nouvelles. Nombre de nos interlocuteurs.rices ont indiqué qu’ils/elles n’avaient aucune idée des capacités en ligne disponibles sur leurs ordinateurs de bureau existants jusqu’à ce qu’elles deviennent nécessaires pendant la pandémie. Pourtant, cette adoption par nécessité peut ouvrir des opportunités pour un modèle de travail plus flexible susceptible de présenter des avantages plus importants (accès aux régions éloignées, environnement, qualité de vie, etc.); et
- Explorer de nouveaux partenariats innovants en harmonisant les intérêts communs (par exemple, Statistique Canada avec les associations d’entreprises, Affaires mondiales Canada avec les compagnies aériennes et SCRS/CST).
Mais les cas illustrent également que la capacité et la préparation à l’intervention d’urgence des organisations antérieures à la crise influencent leur capacité de réaction : il est plus facile de réagir de manière créative et agile si les mécanismes de réponse à une multitude de scénarios, y compris les plus imprévus, ont été testés et si les protocoles et outils appropriés sont en place. Quelques exemples :
- La maturité acquise par Affaires mondiales Canada lors de l’évacuation à grande échelle du Liban en 2006 et d’autres interventions consulaires complexes, ainsi que les enseignements tirés de ses échecs lors de la réponse aux ouragans de l’Atlantique en 2017, ont permis de semer les graines de futures interventions consulaires complexes;
- Les capacités informatiques internes que les services de santé de l’Alberta ont mises en place ont permis une réponse rapide en collaboration avec les propriétaires d’entreprises pour développer l’outil d’autoévaluation de la COVID-19 en ligne;
- Un partenariat durable similaire entre le ministère des Finances, en tant qu’organe d’élaboration des politiques, et l’Agence du revenu du Canada, en tant qu’organe de mise en œuvre des politiques fiscales, ainsi que la force de la plateforme de technologie de l’information de l’ARC, qui a toujours été bien financée en raison de sa mission essentielle de production de recettes, en ont fait le canal logique pour la PCU et les initiatives de subventions salariales;
- La capacité d’offrir des soins médicaux en ligne du jour au lendemain, comme c’est le cas pour les services de santé mentale à l’Î.-P.-É., a été entravée dans certaines provinces par l’absence de programmes de rémunération préexistants; et
- L’agence de santé et de services sociaux autochtone a pu s’appuyer sur la relation solide qu’elle avait établie avec une communauté vulnérable pour mettre en œuvre des mesures de protection de la santé publique fondées sur la science et tirer parti des atouts uniques de la communauté, comme les connaissances traditionnelles, pour soutenir la sécurité alimentaire et les espaces pour faciliter les mesures de distanciation.
Communication
La pandémie a également redéfini les approches de communication de plusieurs manières.
Communication interne
D’un point de vue interne, les administrations publiques ont dû repenser du jour au lendemain la manière dont elles allaient adapter leur communication à un environnement en ligne. Les entrevues que nous avons menées et les études de cas montrent qu’au début, la situation était irrégulière et largement influencée par les pratiques et la situation antérieures à la pandémie. Alors que celles qui avaient déjà adopté l’environnement de travail virtuel par nécessité ou par curiosité étaient initialement mieux placées au cours des premiers mois du printemps, la plupart des administrations publiques ont acquis un certain confort avec leur nouvel environnement en ligne en quelques mois. Si l’environnement en ligne a exigé des ajustements substantiels de l’environnement de travail, les dirigeant.e.s notent également qu’il a permis d’ouvrir de nouveaux moyens de communiquer avec un plus grand nombre d’employé.e.s via un média moins stérile que les courriers électroniques.
Communication externe
Si les administrations publiques ont été mises au défi pour adapter du jour au lendemain leurs méthodes de communication interne à un nouvel environnement en ligne, la communication externe a été le principal défi.
Face à l’évolution rapide des connaissances scientifiques sur le virus et de la meilleure méthode pour s’en protéger, le gouvernement a dû informer le public et le faire participer à la lutte contre le virus, tout en assumant la délicate responsabilité de transgresser les libertés individuelles pour le bien-être collectif. Une communication transparente et honnête, axée sur le/la client.e et portant sur une situation incertaine et évoluant rapidement, s’est avérée essentielle, avec un accent plus marqué sur les besoins du public que sur l’intention de communication du gouvernement. L’exemple du service d’abonnement par courriel de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) montre comment une plateforme axée sur le/la client.e a permis de mieux comprendre les lacunes réelles en matière d’information et de connaissances et la marche à suivre pour les combler.
Quels sont les changements qui seront (ou devraient être) soutenus à long terme?
Ce virus nous apprend à prendre du recul et à évaluer ce qui compte vraiment. L’occasion se présente de changer fondamentalement nos systèmes, nos processus et nos façons de faire. » – Lorraine Cobiness, présidente du Kenora Chiefs Advisory
Il serait triste d’ignorer certains des enseignements sur la capacité de la fonction publique à innover et à se transformer pendant l’une des crises les plus importantes du siècle. En nous appuyant sur les enseignements tirés, nous avons identifié trois domaines susceptibles de faire l’objet de changements durables :
- Une mission ciblée: Après la crise, les organisations de la fonction publique doivent susciter le même type d’attention ciblée grâce à une meilleure segmentation des priorités et à un leadership décentralisé qui leur permet d’agir de manière plus agile en temps de crise. Pour cela, les dirigeant.e.s doivent 1) approuver une voie et engager leurs troupes dans un but commun vers les résultats souhaités de l’initiative; 2) apporter la masse critique favorable tant en termes de talent que de capacité pour mener l’initiative au succès; et 3) aider à éliminer les obstacles qui sont déjà présents ou qui feront inévitablement surface, comme nous l’avons noté dans nos études de cas. Dans un environnement de mission ciblée, le rôle des dirigeant.e.s à tous les niveaux est de créer les conditions pour que l’identification d’un ensemble limité de priorités puisse recevoir l’attention, les ressources et les interventions appropriées pour réussir.
- Une main-d’œuvre et un milieu de travail plus autonomes, axés sur les résultats en faveur des citoyen.ne.s.: dans le cadre du retour progressif à la « normale », les administrations publiques devraient adopter certains des facteurs favorables qui ont contribué à leur capacité à innover pendant la crise :
- Une approche axée sur le/la citoyen.ne lors de l’élaboration de politiques, approche dans le cadre de laquelle « l’incidence sur le bien public » constitue la mesure plutôt que des cases à cocher durant le processus;
- Un espace créatif qui rassemble les bons talents dans le cadre d’une gouvernance axée sur la mission, par opposition aux structures et aux hiérarchies;
- Un mélange de penseurs.euses et de responsables de l’action politique pour appliquer dès le départ une optique de mise en œuvre à l’initiative, afin d’accroître les perspectives et la rapidité de l’application réussie;
- Un permis pour mener des expérimentations, avec la possibilité de faire des erreurs et de rectifier le cap, tout en reconnaissant que l’inaction entraîne des risques et des coûts; et
- Des modalités de travail plus souples, axées sur les résultats (et non sur la production), qui peuvent optimiser les objectifs organisationnels ainsi que le bien-être et la santé mentale des employé.e.s.
- Transposer les succès à plus grande échelle et appliquer les enseignements tirés : certaines des innovations documentées dans les études de cas, par exemple les services de santé mentale en ligne de l’Île-du-Prince-Édouard et l’initiative de tribunal virtuel de l’Ontario, offrent un trop grand potentiel dans les secteurs débordés des soins de santé et de la justice pour ne pas être adaptées et transposées à plus grande échelle. Cela nécessite une évaluation rapide des apprentissages et des exigences pour les étendre à leur plein potentiel dans ce secteur précis d’activités postpandémie. Il faut que les dirigeant.e.s à tous les niveaux s’engagent dans cette adoption plus large. Des organismes comme Statistique Canada et le SCRS doivent élargir les partenariats externes qu’ils ont établis pour remplir leurs missions respectives, comme l’élaboration de politiques éclairées et la protection de la sécurité économique des Canadiens et Canadiennes.
Mais surtout, toutes les organisations du secteur public devraient réfléchir à leurs innovations réussies et tirer les leçons de leurs échecs, afin de soutenir les transformations en cours et de se préparer à la prochaine crise.