Alors que la COVID-19 se répandait dans la population canadienne, la communauté génomique du pays s’est réunie au sein d’un ambitieux consortium national pour séquencer les génomes du virus et des Canadiens et Canadiennes exposés à ce dernier. Mary Gooderham raconte.

Par Mary Gooderham

La découverte d’une nouvelle souche – connue sous le nom de lignée B.1.1.7 et appelée par la suite variant Alpha ou britannique – a été annoncée aux membres du Réseau canadien de génomique COVID-19 (RCanGéCO). Le groupe avait été lancé en avril 2020 avec pour mandat de séquencer les génomes du virus de la COVID-19 et des personnes infectées par ce virus au Canada. Il y avait là un tout nouvel objectif, une véritable urgence et, en toute franchise, un argument en faveur des derniers mois de travail de surveillance acharné et exhaustif que nous avons effectué.

« Le moment a été résolument déterminant », se souvient la Dre Catalina Lopez-Correa, directrice générale du RCanGéCO. « La présence de variants préoccupants, comme le variant Alpha et les autres, a réellement changé la donne ».

L’effort – un consortium d’autorités en matière de santé publique et de leurs partenaires du secteur des soins de santé, d’universités, de l’industrie, d’hôpitaux, d’instituts de recherche et de centres de séquençage à grande échelle – a commencé au moment où la COVID-19 était en passe de chambouler le monde.

Le programme de surveillance virale, dont le coût est de 20 millions de dollars et connu sous le nom de VirusSeq, fait appel à des laboratoires de santé publique fédéraux et provinciaux ainsi qu’à des établissements universitaires de tout le pays pour séquencer le virus chez un maximum de 150 000 cas positifs à la COVID-19. Le génome du SRAS-CoV-2 est constitué de près de 30 000 « lettres » d’ARN, soit une séquence relativement petite. Le séquençage de génomes individuels à partir d’échantillons viraux dans le temps et l’espace permet notamment de suivre l’évolution et la propagation du virus, fournissant ainsi des données susceptibles de participer à la fois à la détection du virus et à l’évaluation de l’efficacité des traitements ou des vaccins.

Un autre montant de 20 millions de dollars est consacré au séquençage des génomes de 10 000 personnes exposées à ou affectées par la COVID-19. Appelé HostSeq, ce projet permet d’étudier les facteurs génétiques susceptibles d’expliquer la variabilité des résultats obtenus par les patient.e.s. Par exemple, les raisons pour lesquelles la gravité des maladies varie fortement d’une personne à l’autre. L’ADN humain comprend trois milliards de paires de bases (environ 20 000 gènes), ce qui rend son séquençage nettement plus complexe. La comorbidité et les facteurs environnementaux, ainsi que les mutations virales, sont également des éléments à prendre en compte.

Guillaume Poliquin, vice-président intérimaire du Laboratoire national de microbiologie (LNM), affirme que l’un des héritages de la première crise du SRAS a permis à son laboratoire de mettre au point le premier test fonctionnel pour le SRAS-CoV-2 à la mi-janvier, cinq jours après la publication de sa séquence en ligne par des chercheur.e.s de Chine. « Si nous avons été en mesure de réaliser cela, c’est parce qu’avec le SRAS 1, nous avions mis au point des tests de diagnostic exploratoires capables de détecter de nouveaux coronavirus dès leur apparition », explique-t-il. « Cette capacité existait donc, et nous avons été en mesure d’en tirer parti. »

Selon le Dr Poliquin, RCanGéCO a été conçu comme une initiative de surveillance et de recherche, avec des implications pour les vaccins et les enquêtes sur les épidémies. Mais « l’importance biologique » des variants du virus qui allaient apparaître, comme la souche Alpha et bientôt la souche Delta, signifiait que les génomes « devaient être examinés avec un degré de fidélité accru et dans des délais beaucoup plus courts que ce qui avait été envisagé au départ », explique-t-il.

Avec le variant Alpha, « il est devenu évident que le séquençage ne se limitait plus simplement à réagir aux épidémies ou à poser des questions concernant les réinfections », explique la Dre Natalie Prystajecky, du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique. Il s’agissait alors d’essayer de trouver et de répondre aux variants préoccupants dans la province, dit-elle. Le laboratoire séquençait 1 000 échantillons ou plus par semaine, soit jusqu’à 100 % des cas. La raison du séquençage a continué d’évoluer au fil du temps et les données sont aujourd’hui utilisées pour étudier l’efficacité des vaccins et comprendre si les infections chez les personnes vaccinées sont différentes, dit-elle. À la fin septembre 2021, le laboratoire séquençait 4 000 génomes viraux par semaine, soit environ 80 % des cas. « C’est très loin du stade où nous en étions au début de ce projet, lorsque nous en faisions 24 en une semaine et que nous pensions être fantastiques. »

La mobilisation de cet effort massif en matière de séquençage et d’analyse du génome en plein cœur d’une pandémie a été comparée à la construction d’un avion en plein vol. Les décisions ont dû être prises à la vitesse de l’éclair. Par exemple, les laboratoires provinciaux avaient besoin de fonds pour accomplir leur travail, mais les sommes demandées pour séquencer chaque génome viral variaient considérablement. La formule du RCanGéCO a permis de calculer la moyenne des coûts et de prendre en compte le volume des cas.

« Nous voulions que l’avion vole vite », dit la Dre Lopez-Correa, soulignant que la conclusion d’un accord sur de tels enjeux aurait normalement pris plusieurs mois.

La pandémie de COVID-19 a, d’une certaine façon, permis de « sortir la génomique du laboratoire », commente la Dre Lopez-Correa, qui se passionne pour la communication scientifique. Elle travaille depuis 2008 au Canada pour sensibiliser le public à l’importance de la génomique dans des domaines tels que la foresterie, l’agriculture et la santé. « Tout à coup, avec cette pandémie, nous avons un moyen unique pour tout le monde de comprendre la génomique », dit-elle. « Elle fait désormais partie de la vie quotidienne. Dorénavant, les gens ne se demandent pas pourquoi elle est si importante. »

La Dre Prystajecky abonde dans le même sens. « C’est devenu un sujet brûlant et une priorité pour les gens. Davantage de personnes sont maintenant conscientes de la génomique microbienne alors qu’elles n’en auraient jamais entendu parler ou ne s’en seraient jamais souciées auparavant », dit-elle. « De nos jours, les gens parlent des résultats du séquençage grâce à des initiatives comme le RCanGéCO. »

La COVID-19 a également permis aux laboratoires de santé publique d’acquérir l’expérience et l’équipement nécessaires pour effectuer davantage de séquençage, souligne-t-elle. « Nous travaillons déjà sur nos prochains projets en matière de génomique, en nous concentrant par exemple sur la tuberculose et la grippe. Le projet nous a vraiment mis sur la voie de la transformation d’un grand nombre de nos travaux en génomique », déclare Natalie Prystajecky, qui prévoit une augmentation continue du séquençage dans le domaine de la santé publique. « La génomique n’est plus seulement une activité marginale à laquelle nous nous consacrons de temps à autre. »

« La maladie à coronavirus sera avec nous pendant un certain temps encore », déclare Rob Annan, président et chef de la direction de Génome Canada. Même si les choses s’améliorent au Canada, la situation ne se résorbera pas de sitôt partout. « Il y a toujours l’occasion et la possibilité qu’un autre variant apparaisse quelque part dans le monde et qu’il soit soudainement infectieux d’une manière à laquelle nous ne nous attendions pas », poursuit M. Annan. Ce qui l’inquiète le plus, c’est que dans 10 ou 15 ans, alors que nous lutterons contre les déficits et que nous nous occuperons d’autres enjeux comme les changements climatiques, il y aura moins d’intérêt à maintenir la vigilance dans ce domaine. Entre-temps, le RCanGéCO prodigue des conseils sur les avantages de la coordination nationale dans la lutte contre d’autres fléaux comme le cancer ou la crise en santé mentale.

Pour le Dr Poliquin, l’une des leçons à tirer des deux épidémies de SRAS est qu’un « organisme capable de réagir aux pandémies doit être maintenu en santé et toujours approvisionné entre les périodes de crise ». Il est nécessaire que les décideurs.euses réfléchissent à la façon dont le Canada restera prêt pour les « pandémies de routine », dit-il. « La façon dont nous gardons le système en vie et en bonne santé dans ces périodes intermédiaires sera en fait le test qui nous incombera à tous et à toutes. »

Ceci est un extrait du texte complet. Vous pouvez lire le texte intégral en anglais.

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