Ne vous y trompez pas, le Canada est confronté à des défis et à des possibilités uniques s’il veut atteindre ses objectifs en matière de changement climatique, à savoir une réduction de 40 à 45 % des émissions de GES d’ici 2030 et un niveau net zéro d’ici 2050, si ce n’est plus tôt. La façon dont nous y parviendrons doit être à la hauteur de notre intérêt national : atteindre un avenir net zéro tout en assurant une économie forte, l’unité nationale et la réconciliation avec les peuples autochtones.

De nombreux facteurs critiques entrent en jeu. Comme nation nordique, la dispersion de notre population sur l’immense étendue de notre géographie, l’importance cruciale des transports pour notre économie et notre société ainsi que les importants intérêts économiques régionaux sont autant de facteurs qui façonnent la définition de l’intérêt national du Canada.

Au centre de la conversation sur le « net zéro » se trouve la question de savoir comment concilier nos besoins climatiques indéniables avec une économie forte et en croissance. Pour ce faire, il faut aider l’industrie existante à passer à une économie à faibles émissions de carbone, tout en tirant parti des nouvelles possibilités offertes par la décarbonisation.

Cinq principes fondamentaux ont façonné nos recommandations stratégiques. Chacun d’eux reflète le but ultime : atteindre ou dépasser les objectifs climatiques du Canada. En travaillant ensemble, ils garantissent que nous y parvenons d’une manière qui reconnaît et respecte les besoins d’une économie nationale forte et les valeurs canadiennes de possibilité, d’équité et d’inclusion. Au nombre des principes directeurs, on trouve les suivants :

  • Maintenir la concurrence du Canada par rapport aux autres pays dans la transition vers une économie nette zéro.
  • Garantir une utilisation responsable des fonds publics pour atteindre le bien public de nos objectifs climatiques.
  • S’assurer que le secteur privé est un partenaire responsable qui fait cause commune avec le gouvernement.
  • Déterminer et justifier le besoin d’investissement public et privé dans les premiers projets.
  • Respecter la nécessité de la réconciliation avec les Autochtones, la sécurité et la protection de l’environnement.

Nous pensons qu’une industrie de « gestion du carbone » pourrait jouer un rôle indispensable pour aider le Canada à atteindre ses objectifs climatiques et économiques. Par gestion du carbone, on entend toute activité qui permet de capter le carbone, d’utiliser ou de stocker le carbone ou d’aider à relier le captage et l’utilisation du carbone. Elle comprend le captage ponctuel du carbone dans les installations industrielles ou manufacturières ainsi que les technologies d’élimination du dioxyde de carbone comme le captage direct dans l’air.[1]

Si le captage du carbone est prometteur pour l’industrie de l’énergie, nous tenons à préciser que la gestion du carbone est une possibilité véritablement nationale qui s’étend à tous les secteurs et à toutes les régions de notre pays. Elle peut être mise en œuvre sur un large éventail de sites et d’activités industriels dans toutes les régions du Canada, avec la capacité d’éliminer des niveaux importants d’émissions de CO2. Le volet élimination du dioxyde de carbone de la gestion du carbone peut également contribuer à compenser les émissions qu’il est très difficile de réduire directement (p. ex., l’aviation long-courrier) et pourrait jouer un rôle essentiel en contribuant à réduire le carbone dans l’atmosphère. Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol, a déclaré que sans le captage du carbone, « nos objectifs en matière d’énergie et de climat deviendront pratiquement impossibles à atteindre ».

La gestion du carbone ne doit pas être une raison pour retarder les énergies propres et les autres efforts d’atténuation. Les projets de gestion du carbone doivent plutôt s’inscrire au sein d’une stratégie globale visant à atteindre la cible net zéro, l’énergie à faible et à zéro émission de carbone menant la transition vers un avenir où l’énergie non émettrice devient le fondement de l’économie canadienne. Il faut poursuivre en tandem la gestion du carbone avec un effort ambitieux pour atténuer les émissions au moyen d’autres outils tels que l’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique, une réduction mesurée des combustibles fossiles et plus encore. Nous aurons besoin de tous les outils à notre disposition.

La gestion du carbone représente une énorme occasion économique – si nous choisissons de la saisir. Il existe une voie claire vers un marché mondial d’un billion de dollars (en anglais) au cours des prochaines décennies. Le Canada est bien placé pour s’emparer d’une part importante de ce marché, mais seulement si nous agissons rapidement.

D’autres pays ont vu cette occasion et agissent rapidement. Qu’il s’agisse des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Norvège ou d’autres pays, ils vont de l’avant avec des investissements publics et privés qui permettent de créer un secteur émergent de la gestion du carbone au sein d’une économie de l’énergie verte.

À l’heure actuelle, les membres du secteur financier canadien affirment que le Canada a pris du retard en tant que destination pour les investissements dans le domaine de la gestion du carbone et qu’il n’est plus concurrentiel. La plupart des capitaux vont plutôt aux États-Unis et les politiques de soutien offertes par notre voisin du Sud sont un exemple instructif dont le Canada doit tenir compte lorsqu’il élabore ses propres politiques.

Les États-Unis offrent jusqu’à 50 $ par tonne pour les projets de captage du carbone, en fonction du moment et du type de projet. Actuellement, une législation au Congrès propose d’augmenter ce montant à entre 60 et 180 $ par tonne, selon le type de projet. Ces avantages s’ajoutent à un marché de crédits carbone dans le cadre de la norme californienne sur les carburants à faible teneur en carbone, où les promoteurs de la gestion du carbone peuvent actuellement vendre des crédits pour environ 200 $ américains par tonne. Les États-Unis investissent également plus de 10 milliards de dollars américains dans les « stations » de captage direct de l’air, l’infrastructure de transport du carbone, la démonstration d’usines, la commercialisation du stockage, le programme d’utilisation et l’hydrogène[2] bleu. En bref, le gouvernement américain offre un soutien très généreux pour attirer les investissements dans les projets de gestion du carbone. Plusieurs autres pays (en anglais), comme le Royaume-Uni et l’Australie, poursuivent également de manière agressive la gestion du carbone.[3]

Le temps est venu pour le Canada d’agir. De nombreux intervenants auront un rôle à jouer, mais l’industrie et le gouvernement, ainsi que les partenariats autochtones, seront particulièrement importants. L’industrie doit faire sa part pour lutter contre les GES provenant des activités d’exploitation et de la production, notamment en consacrant des capitaux importants à la décarbonisation de ses procédés. Il est clair que la majorité des investissements nécessaires au développement d’une industrie viable de gestion du carbone doit provenir du secteur privé. Mais pour que cela se produise, le gouvernement doit jouer un rôle essentiel dans l’élaboration de politiques qui créent les conditions de la réussite, y compris des politiques qui peuvent aider à attirer les quantités abondantes de capitaux privés nécessaires à notre transition vers le bien public d’une économie à faible émission de carbone. De nombreuses nouvelles technologies (en anglais) ont bénéficié d’un soutien important des pouvoirs publics pour leur permettre de devenir plus économiques et enfin de proliférer. La gestion du carbone ne sera pas différente.

Le Canada possède l’expertise, l’expérience et les connaissances nécessaires pour être un chef de file dans la gestion du carbone grâce à son avance sur les technologies de captage et de stockage et à sa longue expérience des grands projets énergétiques. Comme que pays, notre objectif doit être de poursuivre la décarbonisation de manière à réduire les émissions tout en préservant l’aspect concurrentiel et en générant de la prospérité pour la population canadienne.

Accélérer la croissance de la gestion du carbone : recommandations politiques pour le gouvernement fédéral
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[1] Pour obtenir de plus amples détails, consulter notre document précédent intitulé « Capturing a Carbon Opportunity » (en anglais)

[2] www.upstreamonline.com (en anglais)

[3] Par exemple, le projet à ciel ouvert Northern Lights en Norvège capte le carbone des sites industriels et le stocke sous la mer du Nord. Le gouvernement norvégien couvre 67 % des 2,9 milliards de dollars que coûte le projet et verse 80 % des 791 millions de dollars nécessaires à la première phase. Le gouvernement britannique a sélectionné deux grappes de captage du carbone pour recevoir un financement de la première étape de son fonds d’infrastructure CUSC de 1,4 milliard de dollars américains et a l’intention de mettre en place quatre grappes CCUS d’ici 2030.