Avant-PROPOS

Les actions en faveur du climat, malgré leur importance évidente, ne sont pas aussi faciles à réaliser qu’on le dit. Cela devrait être suffisamment clair si l’on considère les tensions que l’Europe, malgré ses meilleures intentions, a commencé à subir avant même l’invasion de l’Ukraine. Comme beaucoup d’autres endroits, l’Europe, dans sa quête d’être un leader en matière de réduction des émissions, n’a pas accordé une attention suffisante aux questions de sécurité et d’accessibilité financière. Aujourd’hui, il est devenu impossible d’ignorer les compromis. L’Europe s’efforce de rectifier son manque d’attention à la complexité de la transition énergétique par le biais d’une stratégie à deux volets : une tentative d’accélérer encore la croissance des énergies renouvelables, tout en fouillant d’urgence la terre pour trouver de nouvelles sources de gaz, en relançant l’exploration gazière en mer du Nord, en creusant de nouvelles installations d’importation de GNL, en remettant en service des centrales au charbon fermées et peut-être des installations nucléaires, et en prévoyant la possibilité très réelle d’un rationnement de l’énergie.

On se souviendra notamment de l’hiver 2022 au cours duquel une crise énergétique s’est ajoutée à la crise climatique. Le message à tous est que les transitions énergétiques sont des affaires compliquées et que les décideurs politiques ne peuvent jamais se permettre de perdre de vue le large éventail de risques auxquels sont exposés les citoyens et les consommateurs contraints de vivre ici et maintenant.

Pour le Canada, on dit souvent que le fait d’être à la fois fournisseur et consommateur de combustibles fossiles – et d’avoir des économies régionales très différenciées – rend d’autant plus complexe la poursuite de politiques climatiques et énergétiques judicieuses. Pour atteindre nos objectifs nationaux, à savoir atteindre ou dépasser les objectifs fixés à Paris en 2030 et parvenir à des émissions nettes nulles d’ici 2050, nos choix doivent être viables sur le plan environnemental, économique et politique pendant des décennies, et non seulement des années. Les Canadiens sont, par nature, des internationalistes. Ils ont également horreur du désordre. À ce titre, ils s’attendent à contribuer aux solutions climatiques mondiales, à condition de ne pas être soumis à des perturbations de type européen.

Pendant trop longtemps, la situation énergétique inhabituelle du Canada a été perçue comme un élément négatif. En fait, notre combinaison de richesse en ressources, de prouesses technologiques et de bonne citoyenneté mondiale offre au Canada une occasion unique d’aider d’autres nations à effectuer leur transition énergétique tout en servant nos intérêts nationaux. En tant qu’exportateur d’énergie ayant des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) élevés, il n’y a pas de contradiction préétablie entre le bien public national du Canada et le bien mondial. Pour atteindre ces deux objectifs, il faut simplement faire preuve d’un peu d’imagination en matière de politiques – et pas de beaucoup.

Le gaz naturel en est un bon exemple. Les Canadiens seront peut-être surpris d’apprendre que notre gaz naturel est parmi les plus propres au monde en termes de teneur en carbone. Comme nous le démontrerons dans ce document, cette juxtaposition d’un gaz naturel abondant et à faible teneur en carbone permet de prospérer au pays et de compter à l’étranger.

Le mot « ambition » est souvent – et à juste titre – associé à des actions climatiques toujours plus nombreuses et ambitieuses. L’ambition doit également s’appliquer à la capacité d’exécuter les objectifs nationaux et mondiaux, ce qui, dans une démocratie, signifie également la capacité de porter le public sans division indue. Lorsqu’ils sont confrontés à ce qui est considéré comme un « problème épineux », les responsables politiques se rappellent souvent que « parfait ne peut être l’ennemi du bien ». Cela est tout à fait vrai pour l’avenir du gaz naturel du Canada. La capacité du Canada à jouer un rôle de premier plan dépend de la possession et de la communication d’objectifs clairs et de leur mise en œuvre pragmatique.

En mars 2022, le Forum des politiques publiques a organisé un « Sommet sur le gaz canadien » afin d’explorer les possibilités et les obstacles que présentent les dons de gaz naturel du Canada, et d’évaluer si et comment développer davantage une ressource qui demeure en forte demande au pays et à l’étranger. Le Sommet sur le gaz canadien a été l’une des principales sources d’information du présent document, qui s’appuie sur les fondements intellectuels établis dans le rapport « Leadership Blueprint on Canada’s Net-Zero Energy Transition » (plan directeur sur la transition énergétique nette zéro du Canada) publié par le FPP en février 2022. Le Forum des politiques publiques fonctionne selon un principe que nous appelons « de l’inclusion à la conclusion ». Cela signifie qu’il faut s’assurer qu’un éventail d’intérêts et de perspectives (penseurs, exécutants et décideurs) ayant des intérêts mutuels confrontent les compromis inhérents à toute décision politique (Inclusion) avant de choisir les options les plus prometteuses pour un avenir meilleur (Conclusion).

Dans le cas du Sommet sur le gaz canadien, les points de vue ont été présentés par des fonctionnaires, des environnementalistes, des investisseurs, des stratèges géopolitiques, des professionnels de l’opinion publique, des dirigeants autochtones, des distributeurs de gaz naturel, des utilisateurs industriels, des partisans du gaz naturel liquéfié (GNL) et de l’hydrogène, des importateurs d’énergie canadienne, etc. Bon nombre des participants ont participé au Forum sur l’avenir énergétique du FPP. On y a entendu des représentants basés en Europe, en Asie, aux États-Unis et au Canada, et on y a débattu et tiré des conclusions sur des questions telles que le captage et l’élimination du carbone, les solutions fondées sur la nature, la décarbonisation des combustibles fossiles, l’électrification, la propriété autochtone, le financement durable et les exportations à faible teneur en carbone.

Nous sommes reconnaissants à chacun d’entre eux pour leur contribution enthousiaste au Sommet sur le gaz canadien et aux autres activités du Forum sur l’avenir énergétique. Nous espérons qu’ils verront que les discussions auxquelles ils ont participé se reflètent dans la réflexion qui sous-tend ce document. Je suis particulièrement reconnaissant à nos partenaires de McCarthy Tétrault, Wayne Wouters et Dave Nikolejsin, pour leur co-direction dans ce processus, Kim Henderson pour avoir présidé notre groupe de travail sur le gaz et co-rédigé ce document, Steve Carr, Janet Annesley et Dale Eisler pour leurs contributions aux versions préliminaires, ainsi qu’à un grand nombre de mes collègues du Forum des politiques publiques, notamment Darren Touch, David Campbell, Nina Newman, Masha Kennedy, Brian Bohunicky et Hannah Yakobi.

Il n’y a pas de place pour le compromis sur le fléau du changement climatique. Pourtant, il existe des voies meilleures et pires, plus sûres et plus risquées pour notre avenir collectif. Identifier ces voies est l’objectif de la série des plans directeurs sur l’énergie du FPP.

Edward Greenspon

Président et chef de la direction

Forum des politiques publiques

Ce rapport est réalisé en partenariat avec McCarthy Tétrault.

Plan directeur pour du gaz à critères ESG élevés au Canada
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