Le 3 décembre 2021, le Forum des politiques publiques a réuni des parties prenantes, des experts et des défenseurs des secteurs public, privé et non gouvernemental avec le soutien du Forum canadien des innovateurs spécialisés dans les maladies rares (iRARE) et de Life Sciences Ontario (LSO). La discussion « Combler le fossé dans les soins de santé au Canada pour les maladies rares » a eu lieu avec les panélistes Durhane Wong-Rieger, présidente et directrice générale de Canadian Organization for Rare Disorders (CORD); Andrew Taylor, directeur et conseiller principal en politiques chez Santé Canada; et le Dr Jason Field, président et chef de la direction de LSO. Les participants ont mis l’accent sur la façon d’attirer des investissements dans les secteurs des sciences de la vie, sur la collaboration intergouvernementale et intersectorielle et sur l’importance de s’attaquer maintenant aux nombreux problèmes auxquels les patients atteints d’une maladie rare font face dans le système de soins de santé au Canada. Fatemah Ebrahim, associée de politiques au Forum des politiques publiques a fait part de ses réflexions sur la conversation.


La pandémie de la COVID-19 a démontré à tous que des systèmes de soins de santé solides sont réellement essentiels au bien-être économique. Les investissements dans ce secteur sont des investissements dans l’économie, car ils créent des emplois dans l’industrie des services de soins de santé et permettent d’assurer que les personnes dans l’incapacité de travailler à cause de problèmes de santé peuvent réintégrer la population active en temps voulu. Le Canada est fier de son système de soins de santé inclusif et complet, mais il tire de l’arrière par rapport à de nombreux pays développés dans l’adoption d’une stratégie cohésive sur le traitement des maladies rares. Il est actuellement estimé que déjà, plus de 7 000 maladies rares ont été identifiées, lesquelles touchent collectivement une personne sur 12 au Canada (en anglais seulement). Toutefois, il n’existe pas de normes de soins, peu de traitements efficaces sont offerts pour chacune des maladies et l’expertise médicale et les services de soutien sont limités et fragmentés à l’échelle du pays.   

En 2015, CORD a publié sa Stratégie sur les maladies rares (en anglais seulement), jouant un rôle déterminant pour faire avancer l’élaboration de politiques dans ce domaine. Dans son budget 2019, le gouvernement canadien a proposé un investissement pouvant aller jusqu’à un milliard de dollars sur deux ans et 500 millions de dollars par année ensuite pour donner l’accès aux Canadiens à des traitements pour les maladies rares à compter de 2022-2023. Le budget fédéral 2021 a maintenu cette promesse et dans la plus récente lettre de mandat du ministre de la Santé, le gouvernement du Canada s’est engagé à aller de l’avant avec une stratégie nationale sur les médicaments pour les maladies rares.  

Tandis que cet engagement d’un milliard de dollars est favorablement accueilli par plusieurs défenseurs, il est important de comprendre le contexte d’une stratégie nationale. L’accès inéquitable aux médicaments n’est qu’une partie du problème et figure parmi une gamme plus étendue d’obstacles, dont l’accès au diagnostic, des soins cliniques efficaces et un soutien continu du début à la fin des traitements. Une stratégie nationale sur les médicaments doit être ancrée dans une stratégie nationale sur les maladies rares et pour cela, il est crucial d’investir dans l’infrastructure des sciences de la vie.  

En Ontario seulement, l’industrie des sciences de la vie se classe parmi les plus robustes en Amérique du Nord, contribuant plus de 21 milliards de dollars au PIB de la province (en anglais seulement) et employant plus de 82 000 personnes. Une stratégie exhaustive en matière de maladies rares serait une importante partie de cette perspective élargie. Elle doit inclure des investissements dans la recherche et les cliniciens au Canada afin de bâtir une communauté qui peut aider à diagnostiquer, à traiter et à soutenir les patients atteints de maladies rares; d’approfondir les connaissances sur des options de traitements efficaces; et de créer des emplois et stimuler l’innovation. En septembre 2021, Life Sciences Ontario a publié un rapport (en anglais seulement) qui souligne la manière dont une stratégie provinciale sur les maladies rares pourrait améliorer la vie des patients, tout en stimulant l’économie novatrice de l’Ontario. Parmi les cinq piliers stratégiques indiqués dans le rapport, le quatrième explique comment faire de la gestion des maladies rares une stratégie de développement économique par le biais de dépenses dans des infrastructures complètes et intégrées qui stimuleront l’économie après la pandémie. Ceci comprend d’encourager les investissements privés dans les entreprises des sciences de la vie et dans les installations de santé publique afin d’accroître les taux d’emploi, de renforcer la capacité de recherche clinique de l’Ontario et de fournir de meilleurs services de diagnostics et de soins.  

Mais la collaboration à l’échelle de tous les secteurs est nécessaire pour y arriver. Par exemple, avec le soutien du gouvernement (dont par l’entremise de la Stratégie en matière de biofabrication et de sciences de la vie du Canada), l’industrie privée peut réaliser des progrès plus significatifs dans le renforcement des capacités du pays et investir dans des technologies de rupture. Ces types d’investissements peuvent ouvrir la voie à des solutions qui améliorent l’accessibilité et l’abordabilité du dépistage et des traitements des maladies rares, y compris des registres de patients et autres types d’infrastructures de données. Une coordination et une gouvernance adéquates de l’ensemble des parties prenantes permettent d’assurer que le système fonctionne pour tous les patients.  

Une stratégie globale nécessiterait également une coopération et une cohérence entre tous les gouvernements des provinces et des territoires. Il n’est pas réaliste que chacune des provinces possède la gamme complète des connaissances spécialisées, des établissements de santé et des ressources pour diagnostiquer et traiter toutes les maladies rares. Une approche nationale coordonnée dotée de la bonne technologie et de la prestation de services appropriée est essentielle pour déplacer les patients et leurs dossiers d’une juridiction à l’autre pour des diagnostics, des consultations et des traitements en temps opportun.  

Man and woman in lab

Santé Canada a invité chacune des provinces et les territoires à participer par l’entremise de la Conférence des sous-ministres de la Santé ou de conversations bilatérales. Bien que les besoins varient d’une province et d’un territoire à l’autre, et que des stratégies individuelles peuvent être requises pour s’attaquer à des obstacles uniques, il y a une volonté à travailler ensemble et à passer aux prochaines étapes au pays. Santé Canada a publié un rapport en juillet 2021 sur la consultation de parties prenantes à l’échelle du pays concernant l’élaboration d’une stratégie nationale en matière de médicaments pour les maladies rares, laquelle comprenait des commentaires dont le besoin d’une définition uniforme du terme « maladie rare », d’un organisme de coordination national, de créer un système de génération et de partage des preuves et d’explorer des modèles novateurs de remboursement pour partager les coûts et regrouper les risques.   

En changeant une grande partie du paysage des sciences de la vie et de la biomédecine, la COVID-19 a fourni une occasion unique de faire avancer une stratégie nationale significative et efficace sur les maladies rares au Canada. En plus de l’engagement du gouvernement fédéral à élaborer ce cadre, les partenariats entre les industries, les secteurs de la santé, le gouvernement et les chercheurs universitaires s’améliorent. Bien qu’il subsiste certaines préoccupations en matière de politique concernant les réformes fédérales de l’examen des prix des produits pharmaceutiques et, en particulier, les changements apportés au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, cela a contribué à accroître la sensibilité et la sensibilisation du public à ce que signifie vivre les défis liés à l’accès aux tests et aux traitements nécessaires à la santé et au bien-être. 

Bien qu’aucun pays ne dispose de la stratégie parfaite en matière de maladies rares, certains sont des pionniers et ouvrent la voie. Un examen de 11 politiques nationales pour les maladies rares (en anglais seulement) en 2017 cite la France et l’Allemagne comme ayant des plans nationaux bien développés pour les maladies rares, avec des réseaux coordonnés, de solides initiatives de recherche, un bon accès aux traitements et les dépenses de santé les plus élevées parmi les pays étudiés. Ainsi, le Canada peut retenir plusieurs leçons d’autres juridictions lors de l’établissement de sa structure nationale pour les maladies rares, une structure qui est unique, qui travaille pour les Canadiens et accorde la priorité aux patients.