RÉSUMÉ

La pandémie de COVID-19 a fait ressortir à la fois les forces et les faiblesses de la capacité étatique du Canada, ce qui a mis en valeur la capacité du gouvernement fédéral à mettre rapidement en œuvre les programmes de soutien au revenu à grande échelle et les modèles novateurs de prestation des services des provinces. Toutefois, la pandémie a aussi révélé d’importantes lacunes, notamment au niveau de la capacité du système de soins de santé et des processus d’approvisionnement, attirant ainsi l’attention sur la question élargie de la capacité étatique qui transcende les affiliations ou préférences politiques.

La capacité étatique, définie comme la capacité du gouvernement à lever des impôts de façon efficace, à maintenir l’ordre public et à fournir des biens au public[1], revêt de plus en plus de pertinence face à la complexité des enjeux d’aujourd’hui. Ce compte rendu vise à amorcer le dialogue sur la façon dont le Canada peut renforcer sa capacité étatique, en mettant l’accent sur la composante fédérale sans pour autant perdre de vue les conséquences pour les autres ordres de gouvernement.

Le compte rendu se penche sur les origines et l’évolution de la capacité étatique en sciences politiques et en économique pour ainsi mettre en lumière son rôle crucial à jouer vis-à-vis du développement économique et de la gouvernance. Le compte rendu souligne que même si la capacité étatique n’est pas intrinsèquement liée à la taille du gouvernement, elle est néanmoins essentielle à l’atteinte de résultats efficaces en matière de politiques.

En examinant la capacité étatique actuelle du Canada, le compte rendu reconnaît la stabilité des établissements publics du pays et sa fonction publique fondé sur le mérite, mais en même temps il dégage plusieurs axes d’amélioration. Il s’agit notamment de réduire la bureaucratisation, de moderniser les technologies et processus désuets, de rehausser la coordination des politiques entre les ministères, et de renverser la tendance accrue à faire appel à des consultants.

Plusieurs réformes clés sont proposées pour renforcer la capacité étatique du Canada :

  1. Révision des règles de reddition de comptes et de transparence : Rationaliser ces règles afin d’habiliter les fonctionnaires et d’atténuer la culture qui décourage la prise de risques.
  2. Élargissement des programmes d’échange : Favoriser le transfert du savoir entre les secteurs public et privé afin d’insuffler au gouvernement de nouvelles idées et perspectives.
  3. Création de nouveaux établissements publics : Établir des organismes expérimentaux dotés de structures souples conçues pour façonner des démarches et des cultures novatrices.
  4. Renforcement de la capacité de surveillance et d’élaboration de politiques centralisées : Rehausser la coordination et la surveillance des initiatives politiques multiministérielles par le biais d’un mécanisme centralisé semblable au National Economic Council des États-Unis.

La nécessité d’adopter ces réformes est mise en évidence par la nécessité croissante pour le gouvernement de remédier aux problématiques du vieillissement de la population, du changement climatique, des percées technologiques et des virages géopolitiques. Renforcer la capacité étatique est d’une importance capitale dans l’optique non seulement de gérer ces enjeux, mais également de préserver la confiance du public dans les établissements gouvernementaux.

Le présent compte rendu vise à élargir le débat d’orientation sur la possibilité d’accroître la capacité étatique, d’encourager l’échange d’idées et de suggestions nouvelles afin de veiller à ce que le Canada continue de maintenir sa place de leader mondial en matière d’efficacité des services publics.

INTRODUCTION

La pandémie de COVID-19 a nécessité une réponse extraordinaire de la part de l’État canadien. En effet, les gouvernements se sont vus obligés non seulement de gérer une crise de santé publique qui n’arrive qu’une fois dans une vie, mais en outre de concevoir et de mettre en œuvre des programmes de soutien au revenu à grande échelle, de surveiller l’acquisition d’un nouveau vaccin et d’en assurer la distribution en un temps record chez une vaste proportion de la population, en plus de composer avec une poussée de la demande sans précédent pesant sur leurs systèmes de soins de santé.

Les gouvernements canadiens ont réussi raisonnablement bien à relever ces défis. La rapidité à laquelle on a élaboré et mis en œuvre de nouveaux programmes comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU)[2] et la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC)[3] a démontré une créativité et une souplesse remarquables en matière de politiques de la part du gouvernement fédéral. Dans le même ordre d’idée, les provinces ont expérimenté avec de nouveaux modèles de prestation des services, y compris le recours à des audiences judiciaires virtuelles[4] qui se sont traduites par des améliorations durables.

Et pourtant, la pandémie a mis en évidence certaines faiblesses de la gouvernance canadienne, entres autres, mais surtout le manque de capacité qu’accuse le pays au niveau des soins de santé, allant des lits en soins intensifs au personnel en passant par des technologies médicales comme les ventilateurs. On a aussi assisté à de sérieux retards d’approvisionnement, à des délais d’attente prolongés pour des services comme le traitement des demandes d’immigration et de passeports, et à l’envolée des coûts de l’appli ArriveCan, qui ont passé de 4.5 $[5] à près de 60 millions de dollars[6].

Il ne faudrait pas interpréter ces lacunes comme une simple série d’erreurs éventuelles, les échecs d’un gouvernement particulier, ou bien, une condamnation du gouvernement lui-même. Ces lacunes ne sont pas non plus une affliction de gauche ou de droite, mais représentent plutôt un défi plus large qui caractérise de plus en plus l’élaboration et la prestation de politiques dans de nombreuses instances où il existe un éventail d’ententes de gouvernance. Il s’agit dans une large mesure d’une manifestation de la complexité accrue des enjeux d’aujourd’hui et de la rapidité à laquelle le gouvernement sait combler le vide des compétences réduites et remédier à son incapacité à exploiter le potentiel des nouvelles technologies. Ces faiblesses reflètent l’existence d’un problème « de capacité étatique » auquel les décideurs canadiens doivent désormais faire face.

Une bonne définition pratique de capacité étatique est « la capacité du gouvernement à faire son travail avec efficacité : en vue de lever des impôts, à maintenir l’ordre public et à fournir des biens au public »[7]. Le concept, qui tire ses origines des études en sciences politiques, a suscité un intérêt grandissant au cours des dernières années, alors que nous sommes aux prises avec une série de grandes questions de politique parmi lesquelles on retrouve le vieillissement de la population, le changement climatique, la montée de l’intelligence artificielle et l’évolution du contexte géopolitique. On a de plus en plus l’impression qu’afin de relever l’ensemble de ces défis toujours croissants – ce que le politicologue et commentateur Ian Bremmer qualifie[8] de « polycrise » – de vieux débats sur la taille et la portée appropriée du gouvernement en sont subordonnés à de nouveaux qui traitent de l’efficacité de l’action publique.

Une nouvelle attention accordée à la capacité étatique ne fait que commencer à se manifester dans la politique canadienne et les discussions politiques. Ce compte rendu a pour objet d’attirer davantage l’attention sur le sujet et de formuler certaines recommandations sur la façon dont nous pourrions améliorer les capacités des gouvernements canadiens, tout en mettant l’accent sur l’ordre fédéral.

Les deux bords du fossé politique ont intérêt à améliorer la capacité étatique. Les progressistes qui ont tendance à avoir une vision plus ambitieuse du rôle que joue l’État dans l’économie et la société devraient s’inquiéter de son efficacité, ne serait-ce que parce qu’il influe sur la volonté du public à souscrire à ses priorités. Les conservateurs qui ont tendance à avoir une vision moins activiste de l’État devraient également s’inquiéter de son efficacité de base – sa capacité à accomplir de grandes choses de façon abordable et en temps voulu et sa capacité à fournir ces services selon une norme élevée – afin de minimiser les fardeaux et les coûts associés au gouvernement. Et ils ont tous deux intérêt à maintenir la confiance du public dans nos établissements gouvernementaux.

Les questions de capacité étatique doivent transcender les différences normatives à propos des rôles et des responsabilités du gouvernement. Il s’agit en fin de compte de garantir que l’État puisse relever tous les défis que notre politique lui impose.

Ce qui s’ensuit est un examen du concept de capacité étatique, des forces et des faiblesses de la capacité étatique du Canada, et de certaines réformes institutionnelles et de politique susceptibles de la renforcer. L’analyse est orientée par une combinaison de consultation des analyses et des études actuelles sur la capacité étatique, de même que par mes propres expériences comme membre du personnel du premier ministre au sein du gouvernement canadien entre plus ou moins 2008 et 2015. L’accent est mis principalement sur le gouvernement fédéral – quoiqu’une partie importante de l’analyse et certaines des recommandations pourraient aussi s’appliquer à d’autres ordres gouvernementaux.

QU’EST-CE QUE LA CAPACITÉ ÉTATIQUE?

Le concept de capacité étatique tire ses origines[9] des études en sciences politiques. Elle a depuis été appliquée par des économistes et des économistes du développement comme élément de base permettant de comprendre les inégalités du développement économique qui existent entre les différentes instances. La documentation attribue ce phénomène à l’influence de la capacité étatique (y compris au niveau des établissements, des processus et des règles) sur la compréhension de la façon dont certains pays s’enrichissent, tandis que d’autres demeurent affligés par la pauvreté.

En particulier, les universitaires se sont inspirés d’un cadre de capacité étatique afin d’analyser l’interdépendance entre la haute capacité étatique et ce que l’économiste Deirdre McCloskey appelle[10] le « grand enrichissement » pour faire référence à l’accentuation de la croissance économique et des niveaux de vie qui remontent au dix-neuvième siècle. Il existe un large consensus sur l’idée que les améliorations apportées à la capacité étatique l’ont mis à l’abri des menaces de l’extérieur et ont soutenu l’économie de marché sous forme de droits de propriété, de transports et de services de base fournis par l’État comme l’éducation universelle. Ce faisant, cela a eu pour effet d’accélérer le développement économique dans les états dotés de grandes capacités autour du monde.

Comme l’ont décrit les économistes Noel Johnson et Mark Koyama[11] : « L’importance de la montée des états dotés de grandes capacités relativement à cette histoire, c’est que ces états ont aidé à mettre en place les conditions institutionnelles nécessaires pour permettre la concrétisation de la croissance et de l’innovation ou, du moins, pour en prévenir la destruction au moyen de la guerre et ou de comportements de recherche du profit ».

Dans leurs écrits, les deux économistes soulignent qu’un état doté de grandes capacités doit posséder la capacité juridique de faire respecter ses règles au sein de tout le territoire qu’il prétend gouverner et la capacité fiscale de générer suffisamment de revenus fiscaux à partir de l’économie afin de mettre en œuvre ses politiques. Ces deux composants s’unissent pour permettre à l’état de soutenir le fonctionnement précoce et continu d’une économie de marché.

Il faut souligner que cette définition pratique de capacité étatique se veut neutre par rapport à la taille et à la portée du gouvernement. Il ne s’agit pas d’un jugement normatif, puisqu’elle reflète une méthode à appliquer pour déterminer si l’état est en mesure d’exercer les fonctions et les responsabilités qui lui ont été attribuées par le processus politique. Comme l’explique le politicologue Mark Dincecco[12] : « la capacité étatique [est la] capacité de l’état à mener à bien ses mesures politiques voulues – entre autres, sur les plans économique et fiscal ».

Bien que le concept théorique de capacité étatique tire ses origines de l’histoire économique et de l’économie du développement, son usage a néanmoins évolué ces dernières années pour s’étendre à l’analyse des politiques contemporaines et des lacunes en matière de gouvernance dans les pays développés. À titre d’exemple, dans un compte rendu publié en 2021[13] à l’intention du Niskanen Center, l’universitaire spécialisé en politiques publiques Brink Lindsey fait valoir que le déclin de la capacité étatique aux États-Unis a compromis les résultats économiques et sociaux clés (telles que l’éducation et la croissance économique) et a contribué à éroder la confiance du public dans le gouvernement lui-même.

Selon cette analyse, même si la capacité étatique peut toujours se définir comme la capacité de l’État à lever des impôts, à faire respecter la loi et l’ordre public, et a fournis des biens au public, elle peut aussi prendre une dimension qualitative, voire quantitative, concernant l’avantage d’un État donné par rapport à ses paires.

L’essentiel de cette argumentation, c’est que bien que les compétences de base qui ressortent de l’économie du développement – notamment au niveau de la capacité fiscale et juridique – constituent des conditions préalables au développement économique des pays en voie de développement, elles demeurent tout aussi cruciales pour les pays développés qui cherchent à faire face à la hausse des niveaux de vie et à préserver la cohésion sociale ainsi que la confiance du public, au sens plus large, dans les établissements gouvernementaux.

Voilà un point capital. L’efficacité de l’État est essentielle non seulement à l’évaluation d’un vaste éventail de résultats économiques et sociaux à l’échelle des instances, mais en outre à la compréhension de l’opinion publique et des circonstances politiques qui y résident.

M. Lindsey attribue le déclin à la capacité étatique – ce qu’il appelle la « capacité déficitaire de l’État » – dans les démocraties de marché avancées à deux mouvements intellectuels distincts, mais qui se renforcent mutuellement à gauche et à droite. La version de droite peut s’exprimer comme un anti-étatisme qui visait non seulement à réduire la taille et la portée du gouvernement, mais aussi à délégitimer l’état lui-même sous ses formes les plus extrêmes. La version de gauche a quant à elle donné lieu à ce qu’il appelle une « vétocratie sclérotique » qui vient miner la capacité étatique à agir de façon plus efficace, et ce dans le but de faire rayonner la « voix des citoyens » dans le monde des politiques publiques et de la gouvernance.

Il propose donc une solution[14] intellectuelle. Comme il l’explique dans son article :

Ce dont on a le plus besoin c’est un échange d’idées : notamment un renversement des tendances intellectuelles des derniers 50 ans, plus ou moins, qui nous ont menés à l’impasse actuelle. À droite, cela signifie abandonner l’anti-statisme réactionnaire qui a prévalu au cours des dernières décennies, souscrire à la légitimité d’un grand état Providence et réglementaire complexe, et reconnaître le rôle capital que jouent les fonctionnaires de la nation (pas uniquement les membres des corps policier et militaire). À gauche, cela signifie envisager de nouveau le modèle de gouvernance légaliste décentralisé qui a guidé l’agrandissement de l’état dirigé par les progressistes depuis les années 1960, réduire le pouvoir de véto qu’exercent les groupes d’activistes par l’intermédiaire des tribunaux, et réorienter l’objectif de la conception des politiques, plus précisément en passant d’un pouvoir soumis à des contrôles progressistes à un pouvoir qui peut effectivement être exercé avec efficacité.

On constate des signes positifs qu’une telle réflexion commence à s’affirmer. À droite, Tyler Cowen, économiste de l’Université George-Mason, a rédigé[15] des articles au sujet de ce qu’il appelle le « libertarianisme de la capacité étatique » afin de décrire un conservatisme promu par un gouvernement limité qui prend plus au sérieux les fonctions de base de l’état. À gauche, Ezra Klein, chroniqueur du New York Times, a écrit des articles sur le soi-disant[16] « fétichisme procédural » de l’état moderne et la nécessité de s’orienter vers, selon ses propres mots, un « libéralisme qui construit ».

Le Forum des politiques publiques du Canada (FPP) a cherché à cultiver un nouveau consensus canadien en faveur de l’idée de privilégier la capacité étatique, en général, et un programme moderne d’élaboration de politiques orientées vers l’offre. Comme nous, Edward Greenspon et moi, l’avons écrit dans notre article publié en 2022 qui s’intitulait The Supply Rebuild[17] :

[Ce dont nous avons besoin] c’est une nouvelle façon d’aborder la capacité étatique – an paradigme de la politique économique selon laquelle on applique le pouvoir cumulé du capital, des technologies et des talents en vue de stimuler l’offre et de faire passer finalement la société d’un modèle de rareté axé les limites de la croissance à la réalisation d’une vision libérale de longue date fondée sur l’abondance, l’inclusion et l’expression personnelle.

Bien qu’on puisse être d’accord avec l’assertion de Lindsey que les idées sont un élément clé pour influer sur nos impressions de la capacité étatique et sur la façon dont nous en parlons, elles doivent aussi s’accompagner d’une série de réformes administratives, institutionnelles et politiques conçues pour renforcer la capacité étatique du Canada de sorte à lui permettre de mieux relever les grands défis auxquels fera face le pays à court et à long terme.

QUEL EST L’ÉTAT DE LA CAPACITÉ ÉTATIQUE DU CANADA?

Avant d’envisager d’éventuelles réformes, il est utile d’essayer de comprendre les forces et les faiblesses de la capacité étatique du Canada et comment elles ont évolué au fil du temps.

Il existe un ensemble massif d’études canadiennes en administration publique, de commentaires sur les dépenses publiques et la prestation des programmes gouvernementaux, et d’évaluations des établissements et des programmes gouvernementaux eux-mêmes, l’analyse de la capacité étatique contemporain du Canada tel que défini dans la section précédente a été insuffisante. On peut trouver des articles universitaires sur le développement précoce[18] de l’état du Canada, ou sur la capacité d’élaboration de politiques[19] à l’échelle des différents ordres de gouvernement ou dans le cadre des diverses ententes intergouvernementales[20]. Mais on a constaté que très peu d’études ont porté sur l’évaluation ou la quantification de la capacité étatique du Canada.

L’une des explications possibles, c’est que les politiques publiques et la gouvernance au Canada sont largement perçues[21] comme un avantage comparatif pour le pays et ne méritent donc pas d’être scrutées à la loupe. Selon le sondage International Civil Service Effectiveness Survey, la fonction publique canadienne s’est classée[22] parmi les fonctions publiques les plus performantes du monde.

En effet, on remarque d’importantes forces inhérentes aux politiques publiques et à la gouvernance au Canada, dont une fonction publique professionnelle, indépendante et fondée sur le mérite, de solides établissements publics et les attentes du public en ce qui concerne l’obligation de rendre compte et la transparence auxquelles on satisfait en général. Comme il en est fait mention[23] dans le Trentième rapport annuel au premier ministre sur la fonction publique du Canada :

La fonction publique fédérale du Canada fait partie des grandes institutions de notre pays. Une fonction publique fiable, non partisane et professionnelle joue un rôle inestimable dans une démocratie saine. Notre fonction publique a rempli ce rôle de manière fiable, en agissant comme une source de stabilité tout en servant loyalement les gouvernements et les Canadiens dans des périodes caractérisées par d’immenses changements.

Il serait toutefois erroné de présumer que nos établissements publics sont à l’abri de certains des défis décrits par M. Lindsey. Le rapport, lui-même, recense certains de ces défis, y compris le rendement du gouvernement fédéral pendant la pandémie. Comme le reconnaît[24] le rapport :

Les gens n’ont pas toujours reçu le service de haute qualité qu’ils attendaient et méritaient. Alors que le monde commençait à se rouvrir et que les effets de la pandémie de COVID-19 commençaient à s’estomper, la fonction publique a dû faire face à des difficultés pour résorber les arriérés, gérer l’afflux important de demandes, notamment de passeports et d’immigration, gérer les retards dans les aéroports pendant la saison des voyages d’été, et assurer un service de haute qualité en temps voulu.

L’expérience, qui n’arrive qu’une fois dans une vie, a révélé certaines tendances structurales qui couvaient depuis longtemps et auxquelles les décideurs doivent faire face au sein des tous les ordres de gouvernement. Celles-ci comprennent :

  • Un dédale croissant de règles de reddition de comptes et de transparence susceptibles de désavantager des fonctionnaires individuels et de contribuer à une culture globale qui décourage la prise de risques – surtout dans l’ère des médias sociaux où la tyrannie du cycle des actualités 24 heures sur 24 a donné lieu à un flux incessant de nouvelles et d’informations;
  • Des technologies et processus désuets qui peuvent faire en sorte que les entreprises et les particuliers obtiennent des résultats suboptimaux et qui érodent la confiance qu’ils manifestent envers le gouvernement;
  • Des processus de réglementation imprégnés du « principe de précaution » à la place d’une ouverture par défaut à l’innovation ou à la construction de projets (y compris le logement, les transports en commun, et les grands projets énergétiques), sous réserve du respect des protocoles en matière de sécurité environnementale et humaine;
  • Un degré d’insularité au sein des gouvernements canadiens qui entrave la gestion des dossiers transversaux (p. ex., changement climatique) ou l’incorporation d’idées et d’opinions venant de l’extérieur de l’appareil gouvernemental;
  • Un manque de coordination efficace au sein du gouvernement ou à l’échelle des différents ordres de gouvernement qui favorise une meilleure cohérence de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques;
  • Un recours croissant à des consultants et à des organismes tiers pour les services internes et la prestation des programmes;
  • La lenteur et la lourdeur des processus d’approvisionnement qui entravent la concrétisation des priorités gouvernementales et qui ne sont susceptibles de s’accentuer qu’avec la multiplicité des mesures de surveillance prises par le gouvernement en réaction à la controverse entourant l’appli ArriveCAN;
  • Une attention croissante accordée par le gouvernement fédéral à différents dossiers provinciaux et locaux – dont les soins de santé et le logement – sans doute au détriment d’une attention axée sur des domaines de compétence exclusivement fédérale comme la défense et la sécurité nationale; et
  • La rupture d’un consensus multipartisane sur les politiques qui a depuis contribué, avec l’aide d’Internet, à une polarisation accrue et au rétrécissement du cadre d’élaboration de politiques.

Il importe de souligner ici que ceci n’est pas une critique de fonctionnaires individuels proprement dits ni du système dans son ensemble. Les politiques publiques et la gouvernance au Canada constituent toujours des avantages comparatifs pour le pays. Mais il existe un coût de renonciation caché associé aux enjeux mentionnés ci-dessus. L’État canadien n’a pas la possibilité de réaliser son plein potentiel, d’où des résultats suboptimaux pour les Canadiennes et Canadiens.

Prenons par exemple la question de la multiplicité des niveaux d’approbation et des examens nécessaires à la prise de décisions. Ce qui est en jeu, c’est essentiellement le risque de remplacer le pouvoir d’agir des fonctionnaires individuels par des formalités administratives et l’assouplissement de l’obligation de rendre compte qui en découle. Comme l’a observé récemment[25] un ancien greffier du Conseil privé Michael Wernick :

Il se produit quelque chose, et le réflexe des ministres est d’ajouter des règles et des contraintes, ou encore d’ajouter des organes de surveillance. Cela est tout à fait logique. Le problème, c’est que nous avons tendance à ajouter, à ajouter et à ajouter – et c’est nettement plus difficile de les enlever. La surveillance est une bonne chose. Je ne veux pas que mon message soit mal compris… Mais il existe un genre d’axe qui s’opère entre toutes les boucles de rétroaction et leur couverture médiatique des organismes, qui a tendance à se concentrer sur les problèmes, les politiques de résistance, et ainsi de suite. Il y a un risque où nous voyons émerger une sorte de frein, où les gens se montrent peu ouverts au risque. Ils ne veulent pas se retrouver dans le pétrin. Cela s’applique aussi bien aux ministres qu’aux fonctionnaires. Ils deviennent prudents et gradualistes.

Le réputé universitaire spécialisé en administration publique Donald Savoie se montre un peu plus franc dans son évaluation[26] des coûts et des conséquences de la culture ottavienne dominée par la surveillance, des processus et la gestion des risques.

À la recherche d’un point de rentabilité, les gouvernements ont créé une abondance d’organes de surveillance, de mesures de compression imposées par la direction et de brefs rapports de rendement et d’évaluation. Cela n’a fait que rendre l’appareil gouvernemental plus hiérarchisé, peu ouvert au risque et a créé une véritable armée de fonctionnaires qui passent leur temps à tourner une manivelle qui n’est pas attachée à quoi que ce soit. Cela a aussi donné lieu à un sérieux problème de moral au sein de la fonction publique.

Il s’agit ici de reconnaître le caractère non binaire de ces enjeux, qui portent sur des compromis. Et on a de plus en plus l’impression que certains des compromis que nous avons acceptés à l’égard du fonctionnement des gouvernements canadiens pourraient se concrétiser au détriment de l’efficacité et de la reddition de comptes interne.

La coordination et la mise en œuvre des politiques relatives aux dossiers « transversaux » au sein de nombreux ministères et organismes posent un autre défi de taille[27] pour les gouvernements canadiens. Bon nombre des grands dossiers auxquels est confrontée notre société – y compris le vieillissement de la population, le changement climatique, la réconciliation avec les Autochtones, la croissance économique et la productivité, et ainsi de suite – ne s’intègrent pas bien dans un seul ministère. Ils s’appuient par nécessité sur des leviers stratégiques à l’échelle du gouvernement. Pourtant, la structure gouvernementale de responsabilité ministérielle s’en trouve intrinsèquement cloisonnée et peut imposer des défis pour la cohérence et la coordination multiministérielle.

Il suffit d’imaginer, par exemple, la transition énergétique. Elle fait appel à l’intervention de plus d’une douzaine d’organismes et de ministères fédéraux, dont les ministères de l’Emploi et du Développement social, de l’Environnement et du Changement climatique, des Finances, des Affaires mondiales, des Affaires autochtones et du Nord, de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, des Ressources naturelles et des Transports, de même que la Régie canadienne de l’énergie, le Bureau de gestion du projets, le Conseil national de recherches, le Bureau de la recherche et du développement énergétiques, et Technologies du développement durable Canada, pour n’en nommer que quelques-uns. Cela ne tient même pas compte des différents organismes et ministères provinciaux qui ont leurs propres rôles à jouer.

La structure décentralisée du gouvernement signifie que les ministères et organismes individuels assurent l’exécution de leur volet respectif de la transition énergétique, mais la portée est limitée par rapport à l’équilibrage des compromis interministériels, à la prise en compte des interactions politiques, à la gestion du jalonnement de diverses interventions politiques, ou parfois même l’échange d’informations.

Le Budget 2024 reconnaît essentiellement ce problème en prévoyant l’octroi de nouveaux fonds pour soutenir[28] la mise sur pied d’un Bureau de la croissance propre au sein du Bureau du Conseil privé. Le budget stipule que : « [le nouveau bureau va] réduire les inefficacités interministérielles, pour éviter notamment de mettre l’accent sur des répercussions à faible risque bien étudiées, de veiller au respect de nouveaux échéanciers d’autorisation dans l’ensemble des ministères et d’améliorer l’échange de données entre les ministères pour réduire les études redondantes. »

Cela fait également appel à un compromis entre la centralisation et la décentralisation qui fait l’objet d’un grand débat[29]. La centralisation accrue s’accompagne du risque de ralentir la prise de décisions, de rehausser le rôle des représentants non élus à l’intérieur du Bureau du premier ministre et du Bureau du Conseil privé, et de travailler à l’encontre du principe de l’imputabilité ministérielle. Pourtant, bien qu’il y ait des avantages et des désavantages de faire pencher l’opinion des parties prenantes plus vers un sens que vers l’autre, dans un univers caractérisé par davantage d’enjeux transversaux, il pourrait être nécessaire de renforcer la capacité centralisée de l’État, et ce, afin de coordonner et surveiller la mise en œuvre de programmes multiministériels d’élaboration de politiques.

Il importe de noter que ces enjeux ne sont pas particuliers au Canada. Les instances de pairs sont également aux prises avec des questions de capacité étatique – surtout à la lumière des défis communs auxquels nous sommes confrontés. Les chercheurs et universitaires se sont efforcés d’analyser la capacité étatique à l’échelle transnationale.

Selon un article publié en 2020[30] par Andrea Vaccaro, universitaire à l’Université de Göteborg et un article publié en 2021[31] par le politologue Jonathan Hanson et la professeure Rachel Sigman, le Canada figure près de l’échelon supérieur d’analyses comparatives transnationales aux côtés de pays développés comme la Nouvelle-Zélande, la Suisse, et les Pays-Bas, mais tire de l’arrière par rapport aux pays les plus performants, notamment le Danemark, la Finlande et la Suède. D’une façon ou d’une autre, les tendances suggèrent que l’on peut faire mieux.

Hanson et Sigman se sont inspirés de leur base de données afin de réaliser des analyses comparatives transnationales entre 1960 et 2015, période au cours de laquelle la capacité étatique du Canada est passée de la huitième place en importance à la douzième place en importance au classement mondial (voir le tableau 1); notons d’ailleurs qu’une trajectoire défavorable a marqué la première décennie et demi du millénaire. (Malheureusement, aucune donnée n’est disponible pour les deux dernières années).

TABLEAU 1 : CLASSEMENT TRANSNATIONAL DES PLUS GRANDES CAPACITÉS DE L’ÉTAT, 1960 À 2015

1960 1970 1980 1990 2000 2010 2015
1 Danemark Suède Danemark Danemark Danemark Danemark Danemark
2 Japon Danemark Suède Suède Finlande Norvège Norvège
3 Suède Australie Norvège Finlande Suède Finlande Australie
4 Pays-Bas Nouvelle
Zélande
Nouvelle
Zélande
Belgique Australie Suisse Belgique
5 Norvège Finlande Finlande Australie Pays-Bas Belgique Suède
6 Australie Japon Israël Norvège Belgique Pays-Bas Finlande
7 Belgique Belgique Belgique Nouvelle
Zélande
Nouvelle
Zélande
Australie Allemagne
8 Nouvelle
Zélande
Canada Japon Canada Norvège Autriche Suisse
9 Allemagne
de l’Ouest
Pays-Bas Canada Pays-Bas Suisse Suède Nouvelle
Zélande
10 France France Suisse Suisse Canada Canada Australie
11 Canada Royaume-
Uni
Pays-Bas Japon Irlande Nouvelle Zélande Pays-Bas
12 Autriche Etats-Unis France Allemagne
de l’Ouest
Etats-Unis Allemagne Canada

Source : Jonathan K. Hanson et Rachel Sigman, “Leviathan’s Latent Dimensions: Measuring State Capacity for Comparative Political Research.” Journal of Politics, 2021. La dernière mise à jour des données a eu lieu en octobre 2023.

Ces données viennent étayer l’assertion déjà faite selon laquelle le Canada ne fait pas forcément face à une crise de capacité étatique, mais plutôt qu’il existe une série d’enjeux (dont plusieurs font appel à des compromis) qui ont fait obstacle à la capacité relative de l’État du pays comparativement aux pays les plus performants du monde. Rien ne devrait empêcher les gouvernements canadiens d’aspirer à figurer parmi les pays occupant la tête du classement mondial des plus grandes capacités de l’État.

POURQUOI EST-IL IMPORTANT DE RENFORCER NOTRE CAPACITÉ ÉTATIQUE?

Si le thème de la capacité étatique suscite une attention nouvelle dans les milieux des décideurs occidentaux, on peut l’attribuer à deux grands facteurs : tout d’abord, comme il en a déjà été fait mention, il y a eu en quelques sortes une prise de conscience des forces et des faiblesses de l’état moderne; et deuxièmement, les grands axes du débat politique semblent s’éloigner de la taille du gouvernement en faveur de sa capacité et de ses compétences.

Les données probantes portent fortement à croire que le Grand gouvernement (ou du moins un gouvernement plus grand) est de retour. Dans des analyses[32] antérieures faites par le FPPC, on a documenté le consensus émergent en faveur d’une hausse des dépenses publiques sur les sciences et les technologies, et même de l’expérimentation axée sur les politiques industrielles modernes. Mais il est également fonction de calculs de base et de circonstances éventuelles.

Les dépenses publiques du Canada exprimées en pourcentage du PNB sont passées de 30 % en 1962 à 46 % en 2021 et à environ 41 % en périodes plus normales. Malgré une période brève, quoique soutenue, de la première décennie de ce siècle où le pourcentage du PNB a chuté en deçà de 40 %, la trajectoire générale est allée dans le sens d’un état encore plus grand (voir la figure 1). En même temps, nous avons aussi constaté une hausse[33] de près de 40 % de l’empreinte en matière d’emploi dans l’administration fédérale depuis 2015 – soit un pourcentage qui rejoint les niveaux observés au début des années 1990.

FIGURE 1 : DÉPENSES PUBLIQUES TOTALES AU CANADA EXPRIMÉES EN POURCENTAGE DU PNB, 1962 À 2022 (%)

Source : « Government expenditure, percent of GDP. » Fonds monétaire international.

Comme on l’a mentionné plus haut, les tendances vont encore plus dans ce sens. Le vieillissement de la population, par exemple, exercera une pression importante à la hausse sur les dépenses publiques sous forme de soins de santé, de fonds de retraite et d’autres domaines ciblés. Le Programme de la sécurité de la vieillesse devrait passer[34] de 46,3 milliards de dollars en 2020 à 94,3 milliards de dollars en 2035 et à 195,5 milliards de dollars en 2060, hausses attribuables au nombre grandissant[35] de bénéficiaires.

Le changement climatique est un autre grand dossier qui incite à la dépense. Les forces du marché ne suffiront pas à atteindre l’objectif de la réduction des émissions – dont l’objectif de carboneutralité. Il s’agit d’un objectif intrinsèquement politique qui devra faire appel à un mélange d’interventions politiques afin de pousser le marché à produire, à adopter et à mettre à l’échelle les technologies nécessaires pour réduire notre empreinte de carbone. Comme le soutenait[36] un document du FPP de 2021 :

Nonobstant la ferveur en faveur de la décarbonisation, ses défenseurs n’ont pas pour autant suspendu les lois de l’économie. Les gouvernements désireux de réaliser le changement industriel pour des raisons de contemporanéité non liées au marché auront donc à apporter un éventail d’outils stratégiques à la table… En particulier, la politique gouvernementale devra réduire l’écart entre l’investissement privé qui est justifié en fonction du principe conventionnel du rendement du capital investi et les investissements qui sont principalement motivés par des raisons d’intérêt public plus générales ou par ce que les économistes appellent parfois « externalités positives ».

Il existe différentes autres forces qui tendent vers un sens semblable en termes de taille et de portée du gouvernement. Il s’agit notamment de la montée de l’intelligence artificielle, de menaces émergentes à la cybersécurité, et un contexte géopolitique complexe qui est à l’origine des appels croissants en faveur de l’intervention du gouvernement dans les marchés favorables au « rapatriement » ou à l’« amilocalisation ».

L’essentiel à retenir ici, c’est que la prépondérance des enjeux de longue date auxquels font face nos sociétés sera encline à exiger davantage de notre gouvernement en termes d’attention, de capacité et de ressources. Ces enjeux consistent, dans une moindre mesure, à tenir le gouvernement à l’écart et, dans une plus grande mesure, à veiller à ce que l’état catalyse ou gère les grands changements économiques et sociaux.

Il est donc primordial que les gouvernements canadiens réfléchissent aux encouragements, aux règles et aux structures encastrés dans leurs modèles d’administration publique et qu’ils s’engagement à améliorer le fonctionnement global du système public. Un tel exercice a pour objet principal de mieux optimiser les ressources publiques, si rares qu’elles soient, afin d’affronter avec efficacité ces grands enjeux auxquels fait face le pays.

COMMENT RENFORCER NOTRE CAPACITÉ ÉTATIQUE?

Il existe, bien entendu, une myriade de domaines et de questions qu’il faudrait prendre en considération dans le cadre d’un effort concerté pour renforcer la capacité étatique du Canada. Le présent compte rendu vise à amorcer un dialogue sur les politiques au lieu d’en représenter le mot final. Les recommandations qui y sont formulées ne se veulent donc pas exhaustives.

On constate un courant de pensée dans lequel on peut puiser pour trouver des idées et de l’inspiration. Des universitaires traditionnels comme Donald Savoie ont écrit longuement au sujet des institutions et des structures de l’administration publique du Canada. Des universitaires plus contemporains comme le boursier du FPP du Canada Peter Loewen font bénéficier justement les méthodes de l’économie comportementale aux encouragements et aux normes qui existent au sein du secteur public.

L’analyse que j’expose ici témoigne à la fois d’un engagement auprès de cette étude et de mes propres expériences personnelles au sein du gouvernement fédéral en vue de recenser un ensemble de réformes capables de renforcer l’état canadien. On met surtout l’accent sur le gouvernement fédéral – quoique certaines des recommandations puissent s’appliquer à d’autres ordres de gouvernement.

Les pages qui suivent présentent notamment quatre domaines pouvant faire l’objet de réformes, ce qui consiste à :

  1. Revoir les règles de responsabilité et de transparence qui déresponsabilisent les fonctionnaires;
  2. Élargir les programmes d’échange afin d’intégrer des personnes nouvelles et différentes au sein du gouvernement;
  3. Créer de nouvelles institutions gouvernementales qui peuvent permettre une plus grande expérimentation et modéliser différentes cultures internes;
  4. Renforcer la capacité centralisée en matière de politiques et de surveillance afin de coordonner les initiatives multiministérielles.

Il y a sûrement d’autres axes prioritaires qui pourraient être ajoutés. Un examinateur du compte rendu qui a occupé, par exemple, des postes gouvernementaux de haut niveau a souligné que les réformes apportées à l’approvisionnement et la modernisation des TI sont des éléments clé pour rendre l’état mieux performant. Les idées et propositions exposées ci-dessous ne doivent pas alors interprétées comme étant exhaustives.

1. Réviser les règles internes qui désavantagent les fonctionnaires, qui contribuent à la multiplicité des niveaux de processus internes et qui minent les résultats.

Le premier texte législatif du gouvernement Harper en 2006 était un projet de loi omnibus massif qui s’intitulait la Loi fédérale sur l’imputabilité[37] (que l’on appelle aujourd’hui Loi fédérale sur la responsabilité). Celle-ci a entraîné la création de plusieurs organismes de responsabilisation et de surveillance de l’éthique et, par la suite, la mise en place d’une panoplie de règles relatives aux conflits d’intérêt, à l’éthique et au lobbying à l’intention des personnes au service du gouvernement. La loi constituait une intervention stratégique directe dans la foulée du scandale des commandites[38].

Pourtant, même s’il pouvait y avoir lieu de plaider à l’origine en faveur de l’adoption de règles prévoyant une meilleure reddition de comptes et une plus grande imputabilité, il est néanmoins nécessaire d’évaluer les compromis après plus d’une décennie et demi depuis la promulgation du projet de loi. Comme l’a écrit[39] Donald Savoie pour marquer le 10e anniversaire de la loi :

En réalité, les changements ont eu pour effet : d’alourdir les activités du gouvernement, en ajoutant de nouveaux niveaux de gestion – d’où une hausse des frais généraux du gouvernement; d’accentuer les problèmes de moral qui prévalent au sein de la fonction publique, et; de rendre plus confuses les exigences en matière de reddition de comptes. Bref, la bureaucratie du gouvernement fédéral est devenue encore plus centrée sur la ville d’Ottawa.

Cela correspond à ma propre expérience vécue au sein du gouvernement ainsi qu’à un ensemble plus large d’études qui remettent en question la notion selon laquelle l’obligation de rendre compte et la transparence constituent, bien entendu, des fins normatives[40] en elles-mêmes.

On a tendance à présumer que le bras politique du gouvernement représente le plus grand obstacle à l’expression des idées et des pensées audacieuses. Ce n’est pas du tout ce que j’ai constaté. La culture interne du système privilégie trop souvent la philosophie des petits pas au détriment des idées et des résultats de processus plus radicaux. On avait parfois l’impression que les gens s’autocensuraient en toute connaissance de cause ou qu’ils se contraignaient sans connaissance de cause en raison des encouragements inhérents au fait de ne pas « faire de vagues ».

Ma réflexion au sujet de ces questions a été grandement influencée par l’universitaire américain spécialisé en droit Philip Howard, qui a écrit longuement sur les comportements et la culture au sein des institutions gouvernementales, notamment dans son livre publié en 2014[41], The Rule of Nobody: Saving America from Dead Laws and Broken Government, que j’ai examiné[42] pour la revue Comment.

Une de ses leçons importantes à retenir est qu’en permettant une multiplicité de niveaux de règles prescriptives et d’exigences en matière de reddition de comptes, le bon gros sens et le jugement humain sont des qualités qui sont trop souvent subordonnées aux formalités administratives. Cela correspond sans doute à l’expérience vécue après l’adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité. On a pu constater que de nouveaux niveaux de surveillance ont contribué à une culture de prudence excessive et au clivage qui s’est dessiné entre les fonctionnaires et les parties prenantes.

Le plus grand coût est invisible; c’est le coût de renonciation associé à la sous-utilisation des compétences et des atouts des gens qui composent le gouvernement. Nous devrions faire mieux pour mettre à profit les talents et le civisme extraordinaires au sein de la fonction publique. Cependant, cela nécessite de mobiliser les moyens politiques de renverser la tendance en faveur de l’accumulation de règles de reddition de comptes et de transparence qui pèsent lourd sur le système.

Je reconnais le défi intrinsèque qui ressort ici. Tout changement législatif ou de politique qui peut être décrit comme un moyen de miner l’obligation de rendre compte ou la transparence est susceptible de faire l’objet de critiques et ne peut être effectué qu’aux premiers stades d’un gouvernement réformiste.

Une solution possible relevant de l’économie politique consiste à appareiller ces changements aux réformes sur le calcul et la répartition des primes de rendement du secteur public. L’essentiel à retenir ici, c’est que si nous voulons habiliter les fonctionnaires à exercer une plus grande discrétion et un meilleur jugement au départ, nous devrions réduire la microgestion que nous exerçons à leur endroit et mieux récompenser ceux qui produisent de bons résultats. Une autre option consisterait à augmenter le budget du Bureau du Vérificateur général en vue de faire ressortir que ces réformes ne visent pas à réduire, de manière générale, l’obligation de rendre compte et la transparence, mais plutôt à améliorer la gouvernance.

2. Élargir les programmes d’échange afin d’insuffler des idées novatrices au gouvernement et d’y intégrer des personnes aux horizons variés

Le programme d’échange du gouvernement fédéral (connu sous le nom d’Échanges Canada) permet aux fonctionnaires d’accepter des missions à court terme auprès des cabinets du secteur privé ou des organismes sans but lucratif. Il en est de même pour les travailleurs du secteur privé ou les employés d’organismes sans but lucratif, qui se voient offrir des postes temporaires à pourvoir au sein de la fonction publique. Cette initiative a principalement pour but de permettre le transfert du savoir, le réseautage et le perfectionnement professionnel à dans les secteurs gouvernemental et non gouvernemental. Au cours d’une année donnée, on peut voir quelque 100 personnes[43] participer au programme. Dans d’autres territoires comme la France ou les États-Unis, on tire un meilleur parti de programmes semblables, y compris un échange réciproque entre le gouvernement et le secteur privé.

Il existe dans les milieux des décideurs canadiens en matière de politiques publiques un consensus croissant sur la nécessité d’élargir notre propre programme d’échange. À titre d’exemple, le FPP du Canada a publié un rapport[44] en 2019 à cet égard. Dans une entrevue récente, l’ancien greffier du Conseil privé Michael Wernick a avancé un argument semblable[45] :

Je suis en faveur de l’idée d’accroître le nombre de programmes d’échange. C’est une bonne idée d’assurer un échange réciproque de personnes entre le secteur public et le secteur des organismes sans but lucratif pendant une certaine période et d’en apprendre sur ce à quoi ressemblent les choses de l’autre bord. Nous ne procédons qu’à un petit nombre d’échanges chaque année. Nous devrions réaliser entre 100 et 200 échanges tous les ans. Puis les gens en question regagnent leur carrière du secteur privé ou leur poste gouvernemental après avoir acquis une meilleure conscience du reste du Canada.

En plus d’élargir le programme, nous devrions aussi réexaminer notre façon d’y penser. Le but premier ne doit pas simplement consister à permettre aux travailleurs des secteurs public et privé de vivre des expériences différentes. La mission que se donne Échanges Canada ne doit pas non plus se limiter à favoriser la compréhension intersectorielle proprement dite. Il doit plutôt s’agir d’insuffler des idées novatrices au gouvernement lui-même, d’y intégrer des personnes aux horizons variées et de faire vivre aux employés gouvernementaux diverses cultures et expériences organisationnelles.

En d’autres termes, le programme d’échange n’est pas tout simplement une version professionnelle d’un semestre passé à l’étranger. Il constitue un moyen par lequel nous pouvons diversifier les expériences, les perspectives et les voix au sein du gouvernement lui-même et exposer les fonctionnaires à de nouvelles façons de s’attaquer aux problèmes et, à leur tour, d’atténuer une tendance en faveur de la réflexion collective et d’une orientation ottavienne. Cela pourrait être d’une utilité particulière en ce qui a trait aux dossiers complexes de portée nationale assortis d’une dynamique régionale ou hautement spécialisée, telle la transition énergétique.

Le gouvernement devrait recourir à Échanges Canada afin d’approfondir son bassin de candidats pour les postes de haut niveau et d’apporter du savoir-faire au système sur de grands dossiers ou projets. C’est quelque chose à envisager lorsqu’il s’agit de pourvoir des postes d’envergure comme ceux de sous-ministres ou de dirigeants de sociétés de la Couronne ou encore de conseillers spéciaux auprès du premier ministre ou de ministres importants.

La situation actuelle pourrait même se prêter à l’embauche de collaborateurs (et maintenant de collaboratrices) bénévoles[46] à l’ancienne qui occupaient un rôle essentiel dans l’effort de guerre et la reconstruction de l’après-guerre dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale. Nous allons assister à une pléthore de retraites dans différents secteurs de l’économie canadienne et dans la société. Le gouvernement canadien aurait donc intérêt à envisager comment mettre à profit ce talent, ces idées, ce mentorat et cette sagesse au sein du secteur public. Cela consisterait, en principe, à accorder certaines exemptions par rapport aux pratiques d’embauche typiques et aux échelles salariales et de rémunération habituelles.

  1. Créer de nouveaux organismes publics pour permettre une plus grande expérimentation et modéliser des réformes plus larges

En général, les gouvernements canadiens sont marqués par un degré élevé d’uniformité institutionnelle en raison de différents facteurs, dont les attentes quant à l’égalité du traitement des Canadiennes et des Canadiens, les exigences fiscales et juridiques et les niveaux élevés de syndicalisation.

La normalisation pourrait s’accompagner de certains avantages, mais elle entraîne aussi des coûts. En fait, les coûts non récupérables des institutions, des normes et des règles préexistantes sont l’un des plus grands défis qui se posent à la réforme de l’administration publique. Ils deviennent eux-mêmes un obstacle au changement. On dit souvent que le gouvernement peut être comparé à un « gros navire » qui est à difficile à orienter. Cela correspond à ma propre expérience à Ottawa. Le désir de remédier à des enjeux comme les avantages sociaux et la rémunération, la culture organisationnelle, ou encore l’idée d’insuffler une énergie nouvelle ou des idées novatrices est étouffé par les défis inhérents à la réforme à grande échelle, quoiqu’on puisse tirer des leçons du rythme accéléré du processus d’élaboration de politiques qui a prévalu au cours de la pandémie.

Une autre solution que d’essayer d’affronter le système dans son ensemble consiste à mettre sur pied de nouvelles institutions gouvernementales qui peuvent servir de bancs d’essai pour les expérimentations et les modèles institutionnels relatifs aux différentes façons d’aborder l’administration publique. Il ne s’agit pas d’accroître la taille du gouvernement, mais plutôt de créer de petits organismes au sein du gouvernement qui peuvent modéliser diverses approches et cultures qui, si elles s’en trouvent efficaces, sauront finalement s’infiltrer dans le système plus large.

Un exemple clé dans un article[47] du FPP de 2021 que j’ai co-écrit consiste à mettre sur pied un organisme chargé des projets de recherche avancée semblable au modèle de Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) aux États-Unis. On a fait circuler des propositions similaires en faveur de la création d’un DARPA propre à la sécurité liée à la santé qui s’inspire BARDA, ou Biomedical Advanced Research and Development Authority.

Le gouvernement pourrait mettre en place un organisme plutôt petit (organisme canadien de recherche d’avant-garde) qui offre un degré élevé d’autonomie, y compris des exemptions par rapport aux règles typiques relatives aux ressources humaines et au Conseil du Trésor, afin de mettre à l’essai un nouveau modèle de soutien à la recherche et au développement de même qu’à l’administration publique.

Comme nous, expert en politiques publiques Robert Asselin et moi, l’avons écrit dans un compte rendu publié en 2021 :

CARPA ne remplace donc pas l’actuelle panoplie de ministères, d’organismes et de programmes centrés sur l’innovation au Canada…[A] Le modèle CARPA devrait se situer hors des ministères et organismes fédéraux et disposer de la souplesse nécessaire pour embaucher, sous-traiter et sélectionner des projets avec un minimum de contrôle politique ou de contrôle de la part des organismes centraux. L’idée, c’est de mettre en place un organisme de faible taille, pourtant puissant, dont le mandat est essentiellement d’adopter une façon de faire différente, y compris la création d’une culture interne axée sur la prise de risques et l’excellence en recherches. Cela doit faire appel à une structure maigre, agile et autonome.

En termes plus généraux, le gouvernement devrait expérimenter avec l’idée de mettre sur pied des institutions différentes afin de faire progresser sa capacité étatique. Par exemple, le modèle « personnel exempt »[48] est un outil qui pourrait être utile; il décrit les exemptions en matière de ressources humaines par rapport aux sections de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique qu’invoque le bras politique du gouvernement afin de doter en personnel le Bureau du premier ministre et les cabinets des ministres. Le gouvernement pourrait étendre la définition de « personnel exempt » en droit ou en politique afin d’être en mesure d’intégrer davantage de personnes dans de nouvelles catégories à court et à moyen terme, et ce, hors des démarches conventionnelles en matière d’embauche et de ressources humaines.

3. Une nouvelle capacité centralisée en matière de politiques et de surveillance afin de coordonner les initiatives multiministérielles

Bien que la centralisation du gouvernement fédéral soit une préoccupation très répandue qui ressort de beaucoup de commentaires sur les politiques et l’administration publique, il y néanmoins lieu, à mon avis, de plaider, face aux dossiers transversaux avec lesquels les décideurs sont aux prises, en faveur d’un accroissement de la capacité institutionnelle qui existe au cœur du gouvernement afin de coordonner et de surveiller la mise en œuvre des initiatives multiministérielles d’élaboration de politiques.

Cela est un point de vue plutôt controversée et s’accompagne de compromis évidents. Mais, comme je l’ai écrit ailleurs[49], le renforcement de la capacité d’élaboration et de surveillance des politiques au sein du Bureau du premier ministre / Conseil privé pourrait contribuer à surmonter le défi inhérent à la réalisation de progrès sur les dossiers transversaux dans une structure qui ne se prête pas à la coordination multiministérielle.

Un modèle qui pourrait s’appliquer, c’est l’expérience américaine avec un National Economic Council situé à l’intérieur de la Maison-Blanche. On a mis sur pied[50] le conseil pendant l’administration Clinton afin de « régler un problème de processus » – c’est-à-dire, de servir de mécanisme institutionnel pour les représentants des départements clés, auquel cas les représentants des organismes pourraient « s’asseoir autour d’une table pour délibérer, coordonner et régler les problèmes ».

Une entité semblable au sein du BPM / BCP composée des ministres compétents du Cabinet, de fonctionnaires, de membres du personnel politique, voire de personnes nominées non élues, et soutenue par du personnel dédié pourrait contribuer à l’institutionnalisation d’une démarche pangouvernementale face aux enjeux horizontaux.

En pratique, ces conseils sur les politiques viendraient étayer la prise de décisions de la part du Cabinet et serviraient par la suite de mécanisme institutionnel destiné à coordonner et à surveiller la mise en œuvre des stratégies politiques qui font appel à l’intervention de multiples ministères et organismes. Pensons, par exemple, à la transition énergétique, à la réconciliation des peuples autochtones ou encore à l’interaction entre l’immigration et le logement. Les conseils centralisés sur les politiques peuvent aider à apporter une plus grande cohérence à différents secteurs du gouvernement.

En plus des réformes institutionnelles qui améliorent la coordination à l’échelle des ministères gouvernementaux, on doit apporter une attention semblable aux institutions gouvernementales. Même si l’on estime que le chevauchement intergouvernemental devrait être minimisé, les possibilités ne manquent pas – y compris, par exemple, dans le domaine des politiques sur l’immigration – où une plus grande collaboration s’impose pour veiller à ce que d’autres ordres de gouvernement mettent les objectifs propres à l’immigration en adéquation avec les programmes d’infrastructure et d’établissement. Les institutions intergouvernementales, allant des Rencontres des premiers ministres aux groupes de travail ministériels, sont essentiels pour faire en sorte que l’élaboration de politiques fédérales, provinciales et de plus en plus locales est relativement homogène.

Bien que les gouvernements canadiens aient réussi assez bien à tirer leur épingle du jeu pendant la pandémie de COVID-19, l’expérience a révélé certaines difficultés de longue date en termes de capacité étatique auxquelles est confronté le pays. Les décideurs doivent les affronter face à des enjeux d’une telle envergure comme le vieillissement de la population, le changement climatique, la montée de l’intelligence artificielle et l’évolution du contexte géopolitique.

Accroître la capacité étatique du Canada est essentiel non seulement à la réalisation de progrès face à ces enjeux, mais en outre au maintien de la confiance des Canadiennes et des Canadiens dans leurs institutions gouvernementales.

Ce compte rendu a pour but principal de faire porter davantage l’attention et la discussion sur la nécessité d’accroître la capacité étatique du Canada. J’ai proposé des recommandations qui, à mon avis, représentent des pas dans la bonne direction. Elles ne se veulent pas exhaustives. Les lecteurs peuvent ne pas être d’accord avec elles ou peuvent en avoir d’autres que les gouvernements canadiens devraient poursuivre selon eux. J’ai hâte de connaître les opinions là-dessus.

Pour le Canada, la qualité de la fonction publique est depuis longtemps un avantage concurrentiel. L’essentiel maintenant est de nous positionner de manière à poursuivre notre rôle de chef de file mondial en matière d’efficacité de l’état, et les avantages qu’il confère au pays et à sa population.

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  6. Ibid. Numéro 1.18.
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